Cannabis

Les médicaments modificateurs de l’évolution de la sclérose en plaques (SP)servent à ralentir la progression de la SP ou encore à faciliter la prise en charge des symptômes de cette maladie. De nombreuses personnes qui ont reçu un diagnostic de SP recourent ou envisagent de recourir au cannabis dans le cadre de leur plan de prise en charge des symptômes. Un sondage récent réalisé auprès de personnes atteintes de SP a révélé que plus de 90 p. 100 des répondants ont déjà songé à employer le cannabis pour la prise en charge de la maladie, en ont déjà pris en raison de la SP ou ont discuté de son utilisation avec leur professionnel de la santé1.

Mode d’action du cannabis

Le cannabis produit des composés chimiques appelés cannabinoïdes. Les cannabinoïdes activent des récepteurs situés dans tout l’organisme, qui participent à des processus tels que la douleur, l’humeur, la mémoire et l’appétit. Le cannabis contient plus d’une centaine de cannabinoïdes, dont les deux plus connus sont le Δ9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Le THC est connu pour ses effets psychoactifs (anxiété, psychose, troubles cognitifs), alors que le CBD possède des propriétés analgésiques et anti-inflammatoires2.

Lois et réglementation sur le cannabis au Canada

Au Canada, l’utilisation du cannabis à des fins médicales a été légalisée en 2001. Santé Canada rapporte que depuis décembre 2013, près de 40 000 personnes de notre pays ont été autorisées à posséder du cannabis séché à des fins médicales. Les lois fédérales visant à légaliser le cannabis à usage récréatif ont été adoptées en novembre 2017 et entreront en vigueur le 17 octobre 2018.

Le nabiximols (Sativex®) est une préparation pharmaceutique de cannabis qui se présente sous forme de vaporisateur buccal. Il s’agit du seul dérivé de cannabis médicinal approuvé au Canada pour le traitement de la douleur neuropathique chez les adultes atteints de SP. Le Sativex renferme du THC et du CBD dans une proportion de 1:1. De nombreuses entreprises pharmaceutiques évaluent des préparations de cannabis afin de déterminer leur efficacité dans le soulagement des symptômes de la SP, notamment la douleur, la fatigue, la spasticité, la dysfonction vésicale et les troubles liés à la mobilité. Ces préparations pharmaceutiques, à l’instar du Sativex, sont soigneusement mises au point en laboratoire et renferment des concentrations fixes de THC et de CBD.

Cannabis et recherche en SP

Le cannabis a fait l’objet d’études qui ont porté sur son utilisation dans le contexte de nombreuses maladies, dont la SP. La section qui suit traite de travaux de recherche connus effectués sur le cannabis et la SP, en particulier sur l’emploi du cannabis dans la prise en charge des symptômes de SP.

Spasticité

La spasticité associée à la SP est attribuable à un déséquilibre des influx excitateurs et inhibiteurs parcourant les nerfs moteurs (responsables du mouvement), ce déséquilibre étant lui-même causé par des lésions au système nerveux central. La spasticité peut être intermittente (spasmes) et tonique (raideur). Touchant près de 85 p. 100 des personnes atteintes de SP, elle peut entraîner des difficultés à marcher et à demeurer assis et compliquer les soins corporels et infirmiers prodigués aux personnes à des stades avancés de SP3. La recherche sur l’utilisation du cannabis pour le traitement de la spasticité liée à la SP a mis en lumière des résultats divergents. Certains effets positifs ont été observés quant aux résultats déclarés par les patients, mais non aux évaluations réalisées par les médecins lors de l’emploi d’un extrait de cannabis administré par voie orale. Toutefois, les données sont insuffisantes pour qu’on puisse établir si le cannabis fumé est sûr ou efficace pour la prise en charge de la spasticité associée à la SP.

  • L’étude CAMS (Cannabinoids in Multiple Sclerosis), dont l’objectif consistait à évaluer l’efficacité du cannabis dans la prise en charge des symptômes de SP, est l’une des plus vastes études comparatives avec placebo (médicament factice) et à répartition aléatoire à avoir été réalisée jusqu’ici4. Menée par les Drs John Zajicek et Alan Thompson, ainsi que l’équipe de recherche en SP du Royaume-Uni (UK MS Research Group), l’étude comptait 667 personnes présentant une spasticité associée à la SP. Les chercheurs ont vérifié la capacité d’un extrait de cannabis naturel renfermant du THC et du CBD dans une proportion de 2:1, d’une préparation synthétique de THC ou d’un placebo à soulager la spasticité après 15 semaines de traitement. Alors que les évaluations de la spasticité réalisées par les médecins n’ont pas révélé d’amélioration avec l’une ou l’autre des préparations de cannabis, les résultats déclarés par les participants ont montré une réduction de la spasticité et une amélioration du sommeil avec ces préparations comparativement au placebo. Lors d’une étude de suivi au cours de laquelle les participants ont continué à prendre les préparations à l’étude pendant 12 mois, l’équipe de recherche a évalué l’innocuité du cannabis et l’efficacité de ce dernier dans le traitement de la SP. La préparation synthétique de THC a montré un modeste effet thérapeutique sur la diminution de l’incapacité5.
  • L’étude MUSEC (Multiple Sclerosis and extract of cannabis) était un essai clinique mené par le Dr Zaijicek et le groupe de recherche MUSEC au cours duquel 279 personnes ont été réparties aléatoirement pour recevoir un extrait de cannabis par voie orale ou un placebo pendant 12 semaines6. Les résultats ont permis de montrer que les personnes qui avaient pris l’extrait de cannabis présentaient un soulagement de la raideur musculaire presque deux fois supérieur à celui ressenti par les sujets du groupe placebo. Une atténuation des spasmes et une amélioration de la qualité du sommeil ont également été rapportées.
  • Des chercheurs ont réalisé une méta-analyse de onze études englobant 2 138 personnes atteintes de SP dans l’objectif d’évaluer les effets du cannabis sur la spasticité7. Malgré la variabilité des résultats obtenus, l’analyse a démontré que le cannabis était généralement associé à une amélioration des résultats liés à la spasticité déclarés par les patients, mais que ce n’était pas le cas lorsque ces résultats étaient évalués de façon objective à l’aide de tests effectués par les médecins.

Douleur

Plus de 60 p. 100 des personnes atteintes de SP ressentent de la douleur, y compris de la douleur neuropathique et de la douleur musculosquelettique, à un moment ou à un autre8. Les études réalisées sur l’emploi du cannabis dans le traitement de la douleur en présence de SP ont donné lieu à des résultats contradictoires, mais la majorité des préparations pharmaceutiques à base de cannabis ont permis une réduction de la douleur selon au moins quelques paramètres. L’innocuité et l’efficacité du cannabis fumé utilisé pour soulager la douleur n’ont pas été démontrées de façon claire.

  • Une revue d’essais comparatifs à répartition aléatoire portant sur les effets d’un traitement à base de cannabis dans le soulagement de la douleur (y compris la douleur associée à la SP) a révélé que dans sept des onze études analysées, le cannabis est un analgésique dont l’efficacité est modérée pour le traitement de la douleur comparativement au placebo9. De plus, dans un rapport du Guideline Development Subcommittee of the American Academy of Neurology – ci-après désigné comme les lignes directrices de l’AAN – on a énoncé que l’extrait de cannabis administré par voie orale est efficace quant à la réduction de la douleur, mais que dans le cas du cannabis fumé, cette efficacité demeure incertaine10. Une autre revue de quatre essais n’a quant à elle révélé aucune différence dans les scores d’évaluation de la douleur entre les groupes traités par le cannabis et les groupes de référence11.
  • Dans plusieurs autres études, des chercheurs ont visé à évaluer l’effet du cannabis sur la douleur neuropathique chez les personnes ayant reçu un diagnostic de SP. Un essai clinique de faible envergure mené auprès de quinze personnes atteintes de SP cyclique a révélé que le cannabis, en association avec la gabapentine (médicament administré par voie orale et utilisé pour le traitement de la douleur), était efficace et bien toléré dans le soulagement de la douleur neuropathique12.
  • Une autre étude de faible envergure menée auprès de 64 personnes atteintes de SP a permis de montrer que le traitement à base de cannabis était efficace dans la réduction de la douleur et bien toléré en général13. Des résultats similaires ont été observés lors de l’étude CAMS, au cours de laquelle les résultats déclarés par les patients indiquaient que, selon leur perception, la douleur était atténuée4,5.

Autres symptômes

  • Troubles vésicaux et urinaires. Les lésions causées par la SP au cerveau ou à la moelle épinière peuvent altérer la fonction normale de la vessie en perturbant les signaux échangés entre le cerveau et le système urinaire. Selon les lignes directrices de l’AAN, le nabiximols (Sativex) est probablement efficace pour le traitement de la fréquence urinaire, mais non de l’incontinence urinaire10.
  • Tremblement. Le tremblement est un trouble moteur caractérisé par des mouvements involontaires et relativement rythmiques. Il est causé par la démyélinisation d’une zone du cerveau appelée cervelet. Des études au cours desquelles le tremblement faisait partie des paramètres d’évaluation ont été analysées dans le cadre de l’élaboration des lignes directrices de l’AAN et elles ont révélé que le cannabis est probablement inefficace dans le traitement du tremblement lié à la SP10.
  • Troubles du sommeil. Aucune étude n’a révélé que l’utilisation du cannabis permettait de soulager les troubles du sommeil chez les personnes atteintes de SP14.

Effets secondaires et innocuité

La fréquence d’utilisation du cannabis, la quantité administrée, la façon dont il est consommé, la proportion des cannabinoïdes que contient le cannabis administré ainsi que la tolérance au cannabis sont quelques-uns des facteurs qui peuvent influer sur les effets indésirables qu’une personne peut présenter lors de l’emploi du cannabis.

  • Les auteurs de l’essai COMPASS (Cannabis for Management of Pain: Assessment of Safety Study) ont fait état des effets indésirables associés à l’emploi du cannabis. Le groupe traité par le cannabis comptait 215 personnes, alors que le groupe témoin (non traité par le cannabis) en comptait 216. Tous les participants souffraient de douleurs chroniques. Les effets secondaires le plus fréquemment signalés par les participants du groupe cannabis étaient la somnolence, l’amnésie, la toux, la nausée, les étourdissements, les maux de tête et la rhinopharyngite (rhume)15.
  • De plus en plus de données donnent à penser que le cannabis peut aggraver les troubles cognitifs chez les personnes ayant reçu un diagnostic de SP. Comme de 40 à 60 p. 100 d’entre elles présentent un certain degré d’altération des capacités cognitives, il importe de cerner les effets neuropsychologiques potentiels associés à l’utilisation du cannabis, car celle-ci pourrait accroître la difficulté liée à la réalisation des tâches élémentaires et altérer les processus cognitifs. Lors d’une étude, on a comparé les résultats à une batterie d’examens neuropsychologiques de 25 utilisateurs de cannabis à ceux de 25 non-utilisateurs. Les utilisateurs ont montré de moins bons résultats que les non-utilisateurs en ce qui a trait à la vitesse de traitement de l’information, à la mémoire, aux fonctions exécutives (planifier, gérer son temps, etc.) et à la perception visuospatiale16. Ces résultats ont été appuyés par une autre étude qui a quant à elle révélé que les personnes qui avaient fumé du cannabis n’avaient pas eu d’aussi bons résultats à un test de mémoire que ceux qui n’en avaient pas fumé. Une activité cérébrale anormale, mesurée par imagerie par résonance magnétique, a été observée dans le groupe ayant fumé du cannabis et a permis de mettre en lumière la performance suboptimale du groupe traité par le cannabis17.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur les effets du cannabis sur les fonctions cognitives, consultez la section ci-dessous, qui décrit certaines études sur le cannabis et la SP.

Études sur le cannabis et la SP réalisées au Canada

Effets du cannabis sur la cognition chez des personnes atteintes de SP : étude psychométrique et par IRM

Chercheurs : Bennis Pavisian, Bradley J. MacIntosh, Greg Szilagyi, Richard W. Stains, Dr Paul O’Connor, Dr Anthony Feinstein

Résumé : La Société de la SP a subventionné une étude du Dr Anthony Feinstein, chercheur et neuropsychiatre, et de ses collaborateurs, menée auprès de 39 personnes atteintes de SP dont 20 fumaient régulièrement du cannabis. Les autres ne fumaient pas de cannabis. Tous les sujets ont été soumis à des examens d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui permet d’observer l’activité des aires du cerveau, en même temps qu’aux trois versions d’un test de mémoire opérationnelle. Les chercheurs ont ainsi pu comparer l’activité cérébrale des deux groupes de participants. Les chercheurs ont constaté que les fumeurs de cannabis atteints de SP obtenaient de moins bons résultats que les personnes atteintes de SP qui n’en fumaient pas au test de mémoire le plus difficile des trois. Par ailleurs, selon les résultats de l’IRMf, les fumeurs de cannabis présentaient des schémas anormaux d’activité cérébrale. Cette étude démontre que le cannabis fumé peut aggraver les difficultés cognitives associées à la SP; les données d’IRM obtenues lors de l’étude expliquent probablement cette observation17. Consultez les Nouvelles récentes sur la recherche en SP pour en savoir plus.

Cannabis et fonctions cognitives dans le contexte de la sclérose en plaques : le rôle des sexes

Chercheurs : Dr Viral P. Patel et Dr Anthony Feinstein

Résumé : Dans le contexte de la SP, l’altération de la fonction cognitive est plus importante chez les hommes que chez les femmes. Or, des travaux de recherche menés récemment ont permis de découvrir que la consommation de cannabis contribue à l’atteinte cognitive. Toutefois, le lien entre l’utilisation du cannabis et les troubles cognitifs chez l’homme, comparativement à la femme, n’a pas encore été établi. Les chercheurs ont analysé les données d’une étude psychologique à laquelle avaient participé 140 personnes atteintes de SP en vue de déterminer l’utilisation du cannabis parmi ces dernières (consommation mensuelle ou plus fréquente, ou non-recours à cette substance). Cette étude, dont les auteurs avaient pour objectif d’établir si les distractions contribuent à alourdir le fardeau cognitif associé à la SP, comprenait des évaluations cognitives consistant à tester la vitesse de traitement de l’information, la mémoire et les fonctions exécutives (maîtrise de l’attention, capacités de planification) des participants. Le Dr Feinstein et son collaborateur ont analysé les résultats de ces évaluations afin de déterminer s’il y a corrélation entre la cognition et la consommation du cannabis et s’il existe des différences entre les hommes et les femmes quant aux effets du cannabis sur la fonction cognitive. Sur les 140 participants à l’étude, 33 personnes (soit 14 hommes et 19 femmes) consommaient du cannabis régulièrement. Indépendamment du sexe des participants, le traitement de l’information s’est révélé plus lent chez les personnes qui faisaient usage du cannabis que chez celles qui n’en consommaient pas. Fait intéressant, les chercheurs ont constaté que parmi les utilisateurs du cannabis, les hommes obtenaient de moins bons résultats que les femmes au chapitre de la mémoire visuelle et de la mémoire verbale. Consultez les Nouvelles récentes sur la recherche en SP pour en savoir plus.

Arrêt de l’usage du cannabis dans le traitement de la SP : étude longitudinale sur la fonction cognitive, évaluée par IRMf (étude en cours)

Chercheur principal : Dr Anthony Feinstein

Résumé : De 40 à 60 p. 100 des personnes qui vivent avec la SP déclarent être aux prises avec des troubles cognitifs qui rendent parfois difficiles le maintien de l’emploi, des échanges sociaux et des activités de loisir. Environ une personne atteinte de SP sur cinq indique recourir au cannabis pour soulager ses symptômes, en particulier la douleur et la spasticité. Cependant, de nouvelles données probantes montrent que la consommation de cannabis peut aggraver les troubles cognitifs dans le contexte de la SP, et on ne sait toujours pas si ces troubles peuvent être renversés après l’abandon de cette habitude. Dans le cadre de leur étude, le Dr Anthony Feinstein et son équipe ont entrepris de creuser la question en faisant passer des tests cognitifs et des examens d’imagerie à deux groupes de participants dont l’un devait cesser de fumer du cannabis, alors que l’autre avait l’autorisation de continuer. Tous les participants seront suivis durant 28 jours. Selon les données préliminaires, l’atteinte cognitive est moins marquée chez les participants atteints de SP qui s’abstiennent de fumer du cannabis que chez ceux qui avaient continué à en fumer. Les résultats de cette étude auront une incidence considérable sur la pratique clinique, car ils permettront aux professionnels de la santé de mieux comprendre les types de déficits cognitifs et les changements dans le cerveau associés à la consommation du cannabis, ainsi que d’en savoir plus sur le caractère potentiellement réversible de ces troubles. Consultez la page de l’étude pour en savoir plus.

Cannabis et SP chez les enfants et les adolescents

Des études menées chez des adultes ayant reçu un diagnostic de SP ont démontré que cette maladie a un impact négatif sur la cognition et le volume cérébral. Chez les enfants et les adolescents qui en sont atteints, la croissance du cerveau est également touchée. L’emploi du cannabis pourrait avoir des effets encore plus nuisibles chez ceux-ci. La Dre Brenda Banwell et son équipe de recherche ont examiné les attitudes et la prévalence liées à la consommation de cannabis à des fins récréatives chez les jeunes atteints de SP. L’équipe a découvert que près de 50 p. 100 des jeunes qui sont atteints de SP depuis l’enfance ont déjà pris du cannabis pour se détendre, réduire les symptômes éprouvés et abaisser le stress. Par ailleurs, plus de la moitié des enfants et adolescents qui consomment du cannabis perçoivent une altération de leurs fonctions cognitives en ce qui a trait à la mémoire et à l’attention18. Des études sur les répercussions à long terme de l’utilisation du cannabis chez les jeunes ayant reçu un diagnostic de SP sont requises.

Défis relatifs à la recherche sur le cannabis

Les chercheurs font face à d’importants défis dans l’évaluation de l’utilisation du cannabis en contexte de SP.

D’abord, ils doivent avoir accès au cannabis. La recherche exige que le produit utilisé soit normalisé et qu’il ait subi un contrôle de la qualité suffisant. Les préparations pharmaceutiques de cannabis (Sativex®, Marinol® et Cesamet®) couramment utilisées en recherche à des fins d’évaluation de leur innocuité et de leur efficacité dans la prise en charge des symptômes de SP sont différentes des préparations de cannabis botanique (fumées, inhalées ou ingérées). Les préparations pharmaceutiques ont fait l’objet d’essais cliniques et satisfont aux exigences de Santé Canada en matière d’innocuité et d’efficacité. Les effets indésirables associés aux préparations non pharmaceutiques de cannabis sont préoccupants pour les professionnels de la santé, car les produits de cannabis botanique présenteront une concentration et une proportion variables de cannabinoïdes. De plus, comme la production de cannabis botanique n’est pas normalisée, il existe des différences entre les produits de cannabis qui sont vendus.

Deuxièmement, il existe plusieurs moyens d’administrer le cannabis (le fumer, l’ingérer, le vaporiser dans les voies nasales, etc.). L’évaluation de l’innocuité et de l’efficacité de l’ensemble des souches de cannabis et des nombreux modes d’administration constitue une tâche colossale.

Enfin, la recherche sur le cannabis requiert la création d’innovations méthodologiques normalisées. Des placebos (médicaments factices) crédibles devront être mis au point pour les essais cliniques, et les outils de dépistage et les paramètres d’évaluation devront être normalisés pour permettre des comparaisons entre les études19.

C’est en raison des défis que soulève l’étude de l’innocuité et de l’efficacité du cannabis en contexte de SP que les résultats obtenus lors des études réalisées jusqu’ici dans le domaine sont contradictoires.

Questions de recherche non résolues sur le cannabis et la SP

De nombreuses questions sur le cannabis et la SP demeurent sans réponses et méritent de faire l’objet d’études :

  • Quels symptômes sont traités le plus efficacement par le cannabis?
  • Quel type de cannabinoïdes est le plus efficace pour traiter les symptômes de SP?
  • La posologie et le mode d’administration (fumer, vaporiser dans les voies nasales, ingérer, etc.) ont-ils un impact sur l’efficacité du cannabis lors de la prise en charge des symptômes de SP?
  • Les effets négatifs de l’utilisation du cannabis demeurent-ils présents même après l’arrêt du produit?
  • Le cannabis interagit-il avec les médicaments modificateurs de l’évolution de la maladie?

Des essais cliniques ayant une méthodologie rigoureuse seront nécessaires pour répondre à ces questions.

Qu’est-ce que cela signifie pour les Canadiens?

La mise au point de traitements contre la SP constitue une priorité pour la Société canadienne de la SP. Nous encourageons la recherche dans toutes les avenues possibles pouvant mener à la mise au point d’options thérapeutiques sûres et efficaces. Il subsiste des doutes quant aux bienfaits du cannabis en tant que traitement de la SP comparativement aux risques. Les chercheurs soulignent qu’il faut poursuivre les travaux afin de vérifier si les traitements à base de cannabis ou de dérivés du cannabis permettent la prise en charge efficace et sans danger des symptômes de SP et de l’évolution de cette maladie.

Étant donné le nombre croissant de personnes qui se tournent vers les thérapies parallèles et complémentaires, tel le cannabis, pour atténuer leurs symptômes de SP, il devient de plus en plus important de bien évaluer les risques de ces approches par rapport à leurs bienfaits.

La Société de la SP est d’avis que les personnes atteintes de SP devraient avoir accès à toutes les options thérapeutiques sûres, efficaces et abordables offertes contre cette maladie. C’est pourquoi elle soutient des études de recherche de grande qualité, dont les travaux du Dr Feinstein, qui fournissent de l’information précieuse sur l’usage du cannabis à des fins médicales, soit des renseignements qui aident les personnes aux prises avec la SP, leur famille et leur équipe soignante à prendre des décisions éclairées en matière de traitement.

La Société de la SP appuie l’initiative des Canadiens pour l’accès équitable à la marijuana médicale (CFAMM), qui porte sur le cannabis utilisé à des fins médicales et sa taxation. Cet organisme recommande que le cannabis utilisé à des fins médicales soit assorti d’un taux zéro et exempt de taxes d’accise et de vente, quelles que soient sa forme et sa teneur.

Énoncé de position de la Société de la SP sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales

La Société canadienne de la sclérose en plaques (Société de la SP) est d’avis que le cannabis (ou marihuana) utilisé à des fins médicales devrait constituer une option thérapeutique abordable et accessible, destinée à atténuer les symptômes de la sclérose en plaques (SP) chez les personnes adultes atteintes de cette maladie, conformément au Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales. Bien qu’elle respecte la liberté de choix de toutes les personnes qui ont la SP quant aux diverses options qui pourraient influer sur leur qualité de vie et le cours de leur existence, la Société de la SP reconnaît que le recours au cannabis aux fins de prise en charge des symptômes de la SP, de même que les effets associés à la consommation de cannabis ont fait l’objet de peu d’études et que d’autres travaux de recherche seront nécessaires pour que soient mieux compris les effets thérapeutiques de cette substance. La Société de la SP incite toutes les personnes aux prises avec la SP à consulter leur équipe soignante quant aux méthodes de prise en charge de leurs symptômes.

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