Guide de l’employeur relatif à la SP

<< Je m’appelle Brent Isfeld, j’étudie en troisième année de droit et je détiens un diplôme de premier cycle en gestion des affaires. Au cours de ma première année de droit, mon frère a reçu un diagnostic de SP. Je savais alors peu de choses sur cette maladie; donc, quand s’est présentée l’occasion de participer à une initiative de recherche en collaboration avec SP Canada, je n’ai pas voulu laisser passer cette chance. Il s’agissait pour moi de mettre à contribution mes connaissances acquises durant mon premier cycle d’études et mes aptitudes en recherche juridique, tout en saisissant l’occasion d’en apprendre plus sur la SP. Étant témoin de ce que vit mon frère au quotidien en raison de la SP, j’espère que cette initiative aidera les employeurs à mieux comprendre la réalité des gens qui, parmi leur personnel, ont la SP ou sont touchés par cette maladie ainsi qu’à travailler de façon optimale avec ces derniers.>> 

Divulgation du diagnostic de SP

 En règle générale, les gens ne sont pas tenus légalement de dévoiler à leur employeur les maladies dont ils sont atteints. Le droit d’un employé ou d’une employée à la vie privée est protégé par la loi – tant à l’échelon fédéral que provincial. Toutefois, la divulgation d’information est ce qui permet aux membres du personnel de justifier les demandes qu’ils pourraient formuler quant aux aménagements ou mesures d’adaptation dont ils voudraient bénéficier dans le cadre de leur travail. C’est également la seule façon d’informer un employeur sur les mesures qu’il pourrait prendre pour s’acquitter de son obligation d’adaptation envers son personnel. Un employé ou une employée qui demande à bénéficier d’aménagements en lien avec son travail doit fournir à son employeur suffisamment d’information afin de faciliter l’adaptation de ses conditions de travail. 

 

Méthode de divulgation 

La divulgation d’information comporte deux éléments principaux : la source d’information et l’information fournie par celle-ci. On entend par « source d’information » le professionnel ou la professionnelle de la santé qui connaît concrètement l’état de santé de votre employé ou employée – il s’agit généralement du ou de la médecin généraliste qui prend en charge cette personne. Toutefois, il peut aussi s’agir d’un infirmier ou d’une infirmière, d’un infirmier praticien ou d’une infirmière praticienne, ou encore d’un ou d’une neurologue. Les employés et employées ont le droit de choisir la façon dont leurs renseignements personnels seront divulgués à leur employeur. Parmi les méthodes envisageables figurent le certificat médical, le courriel ou l’appel téléphonique d’un professionnel ou d’une professionnelle de la santé. 

L’information divulguée doit permettre à l’employeur de connaître les raisons pour lesquelles la personne concernée demande à bénéficier d’aménagements ou de mesures d’adaptation. Si, en tant qu’employeur, vous jugez que vous ne disposez pas

de suffisamment de renseignements, il serait approprié de demander directement à l’employé ou à l’employée de vous fournir plus d’information et de lui expliquer pourquoi vous avez besoin d’en savoir plus. Si une personne refuse de procurer suffisamment de renseignements à son employeur, celui-ci n’est pas tenu de lui accorder les aménagements qui lui sont demandés. De même, tout employeur qui a reçu suffisamment d’information relativement à une demande d’aménagement – quelle que soit son opinion quant à la suffisance des renseignements fournis – doit s’acquitter de son obligation d’adaptation.

 

Peut-on communiquer l’information divulguée par un employé ou une employée? 

Dans la plupart des cas, vous ne pourrez pas divulguer le diagnostic reçu par un employé ou une employée sans le consentement explicite de cette personne. Il conviendra alors pour vous de demander à cette dernière si elle vous autorise à faire part du diagnostic en question à quelqu’un en particulier et de lui expliquer pourquoi vous souhaitez divulguer ce diagnostic. Cependant, en cas de danger imminent pour la santé ou la sécurité de l’employé ou de l’employée, vous pourriez révéler le diagnostic à une tierce partie appropriée afin de prévenir tout préjudice ou blessure. La notion de « tierce partie appropriée » dépend du contexte, mais il serait juste de comprendre qu’il s’agit de toute partie apte à prévenir un danger imminent, comme un supérieur immédiat ou une supérieure immédiate, un ou une secouriste ou encore une personne membre de l’équipe chargée des ressources humaines. 

 

Puis-je demander à l’employé ou à l’employée d’obtenir un deuxième avis quant au diagnostic? 

Un employeur ne peut pas demander à un employé ou à une employée d’obtenir un deuxième avis à propos d’un diagnostic, à moins que cela ne soit permis en vertu d’un contrat, d’une convention collective (dans le cas d’une personne membre du personnel syndiqué) ou d’une autre source légale. Avant d’envisager une clause de deuxième avis, il est préférable que vous consultiez un avocat ou une avocate pour vous assurer qu’une telle exigence ne contreviendrait à aucune loi en vigueur en matière d’emploi ou au chapitre de la protection de la vie privée ou des droits de la personne. 

Mesures d’adaptation

Chaque employeur est tenu de s’acquitter de son obligation d’adaptation. Comme l’a stipulé la Cour suprême du Canada, l’obligation d’adaptation est le devoir qu’un employeur a d’aménager le poste de travail ou les tâches de l’employé ou de l’employée pour lui permettre de fournir sa prestation de travail. 

Quand dois-je prendre des mesures d’adaptation à propos d’un employé ou d’une employée qui vit avec la SP? 

Les lois relatives aux droits de la personne et à l’emploi protègent quiconque contre la discrimination au travail. En ce qui a trait à la SP, c’est l’absence de discrimination fondée sur le handicap qui doit être assurée. La définition du terme « handicap » varie quelque peu au pays d’une province ou d’un territoire à l’autre. Toutefois, les définitions de ce terme qui sont inscrites dans les lois provinciales et territoriales sont semblables à celle qui figure dans la Loi canadienne sur l’accessibilité – définition qui s’énonce comme suit : 

« Déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, trouble d’apprentissage ou de la communication ou limitation fonctionnelle, de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société. » 

La Loi canadienne sur l’accessibilité s’applique uniquement aux personnes qui travaillent pour des employeurs sous réglementation fédérale. Ce qu’on peut retenir de la définition fournie cidessus est que les incapacités épisodiques attribuables à la SP cadrent avec l’obligation d’adaptation, sous réserve de certaines exceptions énoncées plus loin dans le présent document. 

Comment puis-je choisir les mesures d’adaptation à mettre en place pour un employé ou une employée? 

La mise en œuvre de mesures d’adaptation nécessite une collaboration entre l’employé ou l’employée et l’employeur. Il incombe aux deux parties de s’entendre sur un plan d’adaptation qu’elles auront élaboré conjointement et d’appliquer celui-ci. Comme cela a été mentionné précédemment, un employeur doit offrir des mesures raisonnables d’adaptation aux employés et employées, soit des dispositions dont la mise en pratique n’implique aucune contrainte excessive.  

Quel niveau d’accommodement dois-je assurer à l’employé ou à l’employée? 

Le niveau d’accommodement que vous devez accorder à votre employé ou employée dépend des circonstances. La SP est une maladie qui se manifeste différemment d’une personne à l’autre. D’un point de vue juridique, l’employeur doit répondre aux besoins de son personnel en matière d’adaptation jusqu’au point où cela créerait des contraintes excessives. Les principaux facteurs dont il faut tenir compte au moment de déterminer ce qui constitue une contrainte excessive ou un préjudice injustifié sont les suivants :  

  1. Coût des mesures d’adaptation  
    • Les mesures d’adaptations coûteuses n’entraînent pas forcément des contraintes excessives. Pour être disproportionné, un accommodement doit impliquer un coût si élevé que celui-ci ne vous permettrait plus d’exploiter votre entreprise. 
  2. Sûreté du lieu de travail, et santé et sécurité du personnel 
    • Les mesures d’adaptation qui compromettent la sécurité de toute personne se trouvant sur le lieu de travail impliquent ce qu’on appelle une contrainte excessive.  
  3. Compatibilité entre les mesures d’adaptation et les activités de l’employeur 
    • Les mesures d’adaptation envisagées doivent être réalistes compte tenu de la nature des activités de l’employeur. Par exemple, un serveur ou une serveuse qui éprouve une forme de fatigue liée à la SP pourrait ne pas être en mesure de travailler le soir. Or, si cette personne travaille dans un bar ou un restaurant qui est ouvert seulement en soirée, le plan d’adaptation envisageable impliquerait un remaniement disproportionné des heures d’ouverture de cet établissement, ce qui constituerait une contrainte excessive.  

L’employeur doit être informé de ce en quoi consistent les incapacités épisodiques (périodes d’incapacité suivies de phases de rémission) qui caractérisent une maladie telle que la SP. Les membres du personnel vivant avec la SP subissent parfois des poussées qui se manifestent par des symptômes dont la gravité, la durée et la nature peuvent fluctuer. La règle qu’il convient alors d’appliquer quant au niveau d’accommodement à prévoir est la même que celle dont il a été question précédemment : vous devez vous acquitter de votre obligation de prendre des mesures d’adaptation jusqu’à la limite de la contrainte excessive. Vous ne pouvez pas invoquer un état de contrainte indue en vous appuyant sur le fait qu’il est « trop difficile » de prévoir la survenue des poussées de SP. Vous devez disposer de mesures d’adaptation déjà en place ou applicables dans un court délai en tout temps. 

Les incapacités épisodiques constituent une situation de handicap à long terme, caractérisée par des périodes de bonne santé interrompues par des périodes de maladie et d'invalidité. La gravité, la durée et la prévisibilité de ces périodes de maladie et d'invalidité peuvent varier, et les symptômes de la SP ne sont pas toujours visibles aux yeux des autres.

 

Comment puis-je répondre aux besoins d’adaptation d’un employé ou d’une employée?

La mise en œuvre de mesures d’adaptation nécessite une collaboration entre l’employé ou l’employée et l’employeur. Les deux parties doivent collaborer à l’élaboration d’un plan d’adaptation. La Cour suprême du Canada a établi que l’adoption d’un horaire de travail variable et la mutation de personnel constituent des mesures d’adaptation envisageables. Toutefois, les mesures d’accommodement appropriées dépendent entièrement de la situation de l’employé ou de l’employée (symptômes ou progression de la maladie) et de l’emploi qu’occupe cette personne. Passez en revue l’Outil de planification d’accommodements pour répondre aux exigences liées au travail (OPA-ET) et faites-le connaître à l’employé ou à l’employée. L’outil OPA-ET est destiné à aider les travailleurs et travailleuses qui doivent composer avec des incapacités épisodiques à cerner des façons dont ils pourraient bénéficier de mesures de soutien sur leur lieu de travail. Cette ressource facilitera les échanges que vous aurez avec votre employé ou employée relativement au type de soutien dont cette personne a besoin et à la mise au point d’un plan d’adaptation approprié. Voici quelques exemples de mesures d’adaptation : 

  1. Fatigue – Vous pourriez offrir à l’employé ou à l’employée des modalités de travail souples, comme la possibilité de travailler de la maison ou de modifier ses quarts de travail en fonction des périodes de la journée où ses capacités sont optimales. 

  1. Symptômes touchant la mobilité (engourdissements, manque de coordination, faiblesse musculaire) – Parmi les mesures d’accommodement pouvant être envisagées figure la possibilité pour l’employé ou l’employée de travailler dans un bureau situé près des toilettes, de l’ascenseur ou d’une sortie. De plus, tout employeur doit s’assurer que le milieu de travail qu’il offre est accessible et qu’il ne comporte aucun obstacle qui empêcherait les membres du personnel ou quiconque de pénétrer dans les locaux de l’entreprise. 

  2. Vertiges (étourdissements) – Pensez à permettre à l’employé ou à l’employée de travailler debout ou en position assise. Si cette personne travaille essentiellement à l’ordinateur, offrez-lui la possibilité de faire du télétravail.

Y a-t-il des circonstances où je n’ai pas l’obligation d’accorder des mesures d’adaptation au personnel? 

En dehors des circonstances où l’application de mesures d’accommodement engendrerait une contrainte excessive pour l’employeur, celui-ci peut être exempté de l’obligation d’accorder de telles mesures lorsque la progression de l’incapacité causée par la SP ou un symptôme lié à cette maladie compromet l’aptitude de l’employé ou de l’employée à répondre à une exigence professionnelle justifiée (EPJ). Une EPJ est une exigence ou une caractéristique qui est essentielle à la capacité de remplir les fonctions liées à un poste, comme la motricité fine d’une neurochirurgienne ou la capacité visuelle d’un pilote d’avion. Lorsqu’un employé ou une employée ne peut répondre à une telle exigence, l’employeur n’est pas tenu d’accorder de mesures d’adaptation relativement au poste qu’occupe alors cette personne (p. ex. un hôpital n’aurait pas l’obligation de maintenir en poste une neurochirurgienne qui ne répondrait pas à une EPJ liée à sa fonction). Dans pareil cas, vous pourriez toutefois avoir à recourir, dans la mesure du possible, à des mesures d’accommodement qui n’impliqueraient pas de contrainte indue, comme l’affectation de l’employé ou de l’employée à un autre poste. 

Enfin, un employeur n’est pas tenu de répondre aux besoins d’adaptation d’un employé ou d’une employée exactement comme cette personne le demande. De plus, cette dernière n’a pas le droit de refuser une mesure qui constituerait une solution de rechange au profit d’une modalité qui aurait sa préférence, même si celle-ci n’occasionne aucune contrainte excessive pour l’employeur. Par exemple, un employé ou une employée qui occupe un poste administratif pourrait ressentir de la fatigue et de la faiblesse dans ses bras et ses jambes, ce qui l’amènerait à éprouver de la difficulté à rester debout ou en position assise durant de longues périodes. Cette personne pourrait demander à disposer d’un bureau dont la hauteur pourrait être ajustée ainsi que d’un fauteuil ergonomique afin de mieux composer avec la fatigue. Toutefois, elle ne pourrait exiger de son employeur qu’il fasse l’achat d’un bureau et d’un fauteuil d’une marque en particulier. Le choix du fabricant de l’équipement en question reviendrait à l’employeur. 

 

Autres points à considérer

Négligence 

À titre d’employeur, vous ne pouvez exclure la possibilité que certains membres du personnel hésitent à s’adresser à vous pour aborder les difficultés ou les symptômes avec lesquels ils doivent composer en raison de la SP. Cependant, il vous incombe, à vous et aux membres de votre personnel, de vous assurer que chacun et chacune puisse accomplir son travail en toute sécurité. Sachez aussi que vous pourriez faire face à des accusations de délit de négligence si, en tant qu’employeur, vous n’avez pu prévenir un préjudice ou une blessure alors que vous auriez dû raisonnablement prendre les mesures nécessaires pour qu’un tel incident ne survienne pas ou que vous auriez dû savoir que vous deviez prendre de telles mesures. Il y a délit de négligence (ou « délit civil de négligence ») lorsqu’une personne, une entreprise ou un organisme n’a pas agi avec le degré d’attention ou de soin dont aurait fait preuve n’importe quelle personne raisonnable dans les circonstances dont il est question, ce qui a causé, pour autrui, des dommages corporels ou des dégâts matériels. À cet égard, il convient de noter que, si un membre du personnel endommage ou détruit des biens, ou qu’il blesse une autre personne ou fait du tort à quiconque, son employeur pourrait être tenu « responsable du fait d’autrui » relativement aux agissements en cause. Par ailleurs, il pourrait y avoir négligence de la part d’un employé ou d’une employée qui – malgré des symptômes de SP compromettant ses capacités à s’acquitter de ses tâches – omettrait de demander à son employeur la mise en place de mesures d’adaptation à son égard, tout en sachant que celles-ci seraient indispensables à l’accomplissement de son travail en toute sécurité. 

Conventions collectives (personnel syndiqué) 

Les milieux de travail syndiqués sont régis par une convention collective. Si c’est le cas de votre entreprise, il importe que vous vous reportiez à la convention collective en vigueur au sein de celle-ci pour savoir quelles sont les procédures que vous devez suivre relativement aux mesures d’accommodement, à la divulgation de l’information ou à tout autre sujet abordé dans le présent document. 

Membres du personnel agissant comme proches aidants ou aidantes de personnes atteintes de SP 

Un employé ou une employée qui demande à bénéficier de mesures d’adaptation afin de pouvoir prodiguer des soins à une personne atteinte de SP pourrait avoir les mêmes droits qu’un employé ou une employée vivant avec cette maladie. Dans pareil cas, la relation entre l’employé ou l’employée et la personne atteinte de SP doit être garantie par la loi. Par exemple, une relation parent-enfant est protégée en vertu de l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Cour d’appel fédérale a soutenu que le fait de ne pas accorder de mesures d’accommodement pour combler des besoins en matière de garde d’enfants constitue une forme de discrimination. Cependant, dans la plupart des cas, l’employé ou l’employée qui demande à bénéficier de mesures d’accommodement pour jouer son rôle d’aidant ou d’aidante doit ne pas avoir d’autre choix que de prodiguer lui-même ou elle-même les soins dont a besoin la personne dont il ou elle s’occupe. 

Cessation d’emploi

Dans les rares cas où la cessation d’emploi est justifiée, l’employeur doit s’assurer d’avoir fait preuve d’une diligence raisonnable au cours du processus qui l’a amené à prendre une telle mesure. Il s’agit notamment de respecter les protocoles de cessation d’emploi – comme fournir un préavis dans des délais appropriés – que l’employeur est tenu de suivre en vertu d’une loi, d’un contrat ou d’une convention collective. Il est également conseillé à tout employeur de consulter un ou une juriste au préalable. 

Ressources utiles

Il existe de nombreuses ressources accessibles en ligne. Il s’agit notamment de sites Web consacrés aux normes du travail et aux droits de la personne que les résidents et résidentes de chaque province ou territoire peuvent consulter. Les ressources mentionnées ci-après pourraient vous être utiles (information à jour en janvier 2024).  

Le présent document a été conçu dans le cadre d’un partenariat avec Pro Bono Étudiant(e)s Canada (EPBC) et rédigé par Brent Isfeld, EPBC, Section Université Thompson Rivers, 2022-2023.