M. Allen Chan
Professeur adjoint, Université de l’Alberta

M. Allen Chan, Ph. D., est professeur adjoint de psychiatrie à l’Université de l’Alberta et chercheur principal au Neuroscience and Mental Health Institute. Il est titulaire d’un doctorat en physiologie et en neurosciences de l’Université de Toronto, établissement où il s’est servi de la technique du patch-clamp (électrophysiologie moléculaire) pour analyser le comportement du canal calcium présynaptique et son rôle dans la libération des neurotransmetteurs. Le stage de recherche postdoctorale qu’il a effectué à l’Université de la Colombie-Britannique portait essentiellement sur l’imagerie optique in vivo. Il a contribué à la mise à place d’outils d’imagerie calcique et d’imagerie du voltage à l’échelle méso à champ large, qui permettent de caractériser les dynamiques à l’échelle du cortex chez des souris éveillées. Ses publications dans les revues Nature Neuroscience, Nature Communications et eLife ont contribué à faire de l’imagerie à l’échelle méso un outil important en neurosciences des systèmes.
Le laboratoire de M. Chan associe désormais l’imagerie calcique à l’échelle méso et l’imagerie calcique biphotonique à des manipulations chimiogénétiques et optogénétiques de circuits et à l’apprentissage automatique au service de l’analytique.
La salle d’imagerie du laboratoire, qui est financée par la Fondation canadienne pour l’innovation, fournit des enregistrements à l’échelle du cortex cérébral de souris éveillées. Ces données révèlent comment les influx sensitifs sont acheminés dans les réseaux distribués et comment ils sont réorganisés par l’expérience ou des mécanismes pathologiques. Dans le cadre d’une collaboration avec l’équipe de Brad Kerr. Ph. D., chercheur spécialiste de la douleur, cette approche est appliquée à l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE), soit un modèle murin de la sclérose en plaques (SP). Les deux équipes de recherche observent en temps réel comment les structures corticales de la matrice de la douleur sont réorganisées par la neuro-inflammation dans le cerveau de souris des deux sexes.
L’objectif à long terme de M. Chan est d’exploiter les découvertes sur la connectivité cérébrale, afin de mettre au point des interventions ciblées qui rétabliront une activité corticale équilibrée et qui atténueront ainsi la douleur chronique et les dysfonctionnements sensoriels liés à la SP.
Sur quel sujet portent vos travaux de recherche? Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la recherche sur la SP?
Dans mon laboratoire, nous utilisons des techniques d’imagerie optique à haute résolution qui nous permettent d’observer l’ensemble du cortex des souris en temps réel. En fait, nous étudions l’équilibre existant entre excitation et inhibition dans le cerveau qui sous-tend les sensations et les mouvements normaux et nous examinons plus précisément comment cet équilibre peut être rompu en cas de maladie. J’ai commencé à m’intéresser à la SP après avoir discuté avec Brad Kerr, Ph. D., qui est spécialiste de la douleur. Ses travaux ont mis en évidence l’apparition d’une douleur neuropathique grave associée à une hyperexcitabilité du cortex somesthésique chez un modèle murin de la SP. Mais, on en savait très peu sur les atteintes des autres modalités sensorielles et des régions du cortex associatif. Les techniques d’imagerie employées dans mon laboratoire lui offrent la vue d’ensemble de l’activité cérébrale à grande échelle qui lui manquait. Nous avons donc décidé d’unir nos forces pour examiner comment le réseau de traitement de la douleur est réorganisé en cas d’inflammation.
Qu’est-ce qui vous incite à poursuivre des travaux dans ce domaine?
Chaque séance d’imagerie permet de voir en direct des milliards de neurones qui coopèrent. Lorsque nous changeons de circuit ou que nous testons un nouveau médicament, nous pouvons voir le réseau de neurones réagir en quelques secondes seulement. Cela démontre que les troubles neurologiques ne sont pas immuables; ils peuvent être inversés de façon à ce qu’un degré de fonctionnalité normal soit rétabli. Mon équipe et moi sommes déterminés à poursuivre nos travaux, car nous savons ce qu’endurent les personnes atteintes de SP qui souffrent de douleurs chroniques et constatons que les médicaments actuellement offerts ne peuvent les soulager à cet égard.
Comment espérez-vous changer la vie des personnes atteintes de SP en menant vos travaux de recherche?
Nous espérons trouver des cibles thérapeutiques concrètes en déterminant quels réseaux corticaux deviennent hyperactifs ou se trouvent déconnectés dans le contexte de la maladie et en établissant des liens entre ces schémas de réseaux et les manifestations de la douleur. La connaissance de telles cibles pourrait guider l’élaboration de protocoles de stimulation cérébrale non effractive ou de nouvelles stratégies en matière de médication visant à atténuer l’activité de certains circuits neuraux sans que cela n’ait d’effets secondaires généraux. Nous espérons qu’à long terme, nos connaissances relatives aux circuits de neurones concernés nous permettront de concevoir des traitements personnalisés qui réduiront la douleur ressentie par les personnes atteintes de SP et amélioreront les capacités fonctionnelles de tous ces gens dans le contexte de la vie quotidienne.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans vos travaux de recherche et quels sont certains des défis auxquels vous faites face?
Ce qui me plaît dans les neurosciences est que celles-ci se trouvent à la croisée des chemins entre le génie optique, la physiologie et la science des données. Les moments les plus gratifiants sont ceux où des étudiants et étudiantes voient une carte corticale scintiller en direct à l’écran et comprennent que, sous leurs yeux, se déroulent les processus qui sous-tendent la pensée et les sensations. Un défi majeur réside dans l’échelle de ces phénomènes et dans l’interprétation. En effet, l’imagerie à l’échelle méso produit de grands ensembles de données, et l’étude des mécanismes et facteurs biologiques en jeu à partir des téraoctets ainsi obtenus nécessite le recours à des méthodes d’analyse avancées et à des ressources informatiques de pointe.
Dans quelle mesure le soutien fourni par SP Canada contribue-t-il à la réalisation de vos travaux de recherche?
Le soutien apporté par SP Canada est essentiel à notre travail axé sur les données pilotes qui nous permettront de cerner les changements corticaux liés au sexe qui sont associés à la douleur dans le contexte de la SP. Cet appui a joué un rôle crucial dans la mise en œuvre de l’approche axée sur la collaboration qui fait partie intégrante de notre initiative de recherche. Les données que nous recueillons serviront de base à d’autres études mécanistiques de plus grande envergure et, ultimement, à des applications cliniques. SP Canada bâtit également une communauté qui réunit des spécialistes des sciences fondamentales, des cliniciens et cliniciennes, ainsi que des personnes atteintes de SP qui échangent des idées, ce qui permet au milieu de la recherche de centrer ses efforts sur des besoins réels.