Nouvelles données sur l’IVCC issues d’une étude canadienne au cours de laquelle une technique de référence a été utilisée

Méthodologie

Des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique, du Vancouver Coastal Health et de l’Université de la Saskatchewan ont publié dans la revue médicale britannique The Lancet les résultats d’une étude sur la prévalence de l’insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC) chez des personnes atteintes de SP, leurs frères et sœurs non atteints de cette maladie et des volontaires en bonne santé. La Société canadienne de la SP et la National MS Society (organisme états-unien de la SP) ont financé cette étude, qui a été réalisée dans trois centres de recherche du Canada et à laquelle ont participé 177 personnes.

Les quatre groupes de participants comprenaient :

  • 67 personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions);
  • 12 personnes atteintes de SP progressive;
  • 55 sujets non atteints de SP, recrutés parmi les frères et sœurs des personnes composant les deux groupes précédents;
  • 43 témoins en santé.

Le Dr Anthony Traboulsee et son équipe ont tenté de déceler des signes de rétrécissement des veines jugulaires internes et azygos chez les membres de chacun des groupes de participants. Selon le Dr Paolo Zamboni, spécialiste italien de la chirurgie vasculaire, qui a émis l’hypothèse en 2009 que l’IVCC pouvait être la cause de la SP, les veines jugulaires internes et azygos sont rétrécies par la SP, ce qui entraîne une diminution du débit sanguin cérébral à l’origine de l’inflammation. Le Dr Zamboni a dressé une liste des anomalies veineuses structurelles et fonctionnelles typiques de l’IVCC, qui peuvent être repérées au moyen de diverses techniques d’imagerie, notamment l’échographie (examen par ultrasons). Ses critères échographiques sont maintenant utilisés dans le cadre d’autres études sur l’IVCC afin de voir si ses résultats peuvent être obtenus auprès d’autres personnes atteintes de SP.

Pour la présente étude, le Dr Traboulsee et ses collaborateurs ont eu recours à un examen par ultrasons et à la veinographie par cathéter. Cette dernière implique l’insertion d’un fin tube de plastique dans la veine, par lequel on injecte un agent de contraste qui permet de mieux distinguer les veines de la tête et du cou.

Résultats

Veinographie par cathéter

À l’aide de la veinographie par cathéter, l’IVCC, telle que l’a décrite le Dr Zamboni, a été décelée chez 2 % des personnes atteintes de SP, 2 % des frères et sœurs non atteints de cette maladie et 3 % des témoins en santé. Cette technique a également été employée pour déceler le rétrécissement des veines, qui a été observé chez 74 % des personnes atteintes de SP, 66 % des frères et sœurs non atteints de cette maladie et 70 % des témoins en santé.

Échographie

L’échographie a permis de déceler l’IVCC, telle que l’a décrite le Dr Zamboni, chez 44 % des participants atteints de SP, 31 % des frères et sœurs non atteints de cette maladie et 45 % des témoins en santé. Les données échographiques ont montré que 41 des 79 personnes atteintes de SP (52 %) ne présentaient aucune anomalie structurelle des veines de la tête et du cou.

Les résultats de l’étude n’ont pas permis d’établir de lien entre l’IVCC et la SP ni d’associer le rétrécissement veineux à la présence de symptômes de SP.

Commentaires

Selon le Dr Traboulsee, seules quelques études ont fait appel à la veinographie par cathéter pour évaluer la prévalence de l’IVCC chez les personnes atteintes de SP. Dans l’article en question, il explique que cette technique constitue « la méthode de référence qui a été proposée pour guider la prise de décisions en ce qui concerne le recours à un traitement endovasculaire ». Comme l’IVCC continue de faire l’objet de travaux de recherche et que les données obtenues sur le sujet ont commencé à circuler, il importe de plus en plus que les chercheurs disposent de protocoles normalisés permettant d’observer et de mesurer de façon exacte les cas d’obstruction veineuse et d’anomalie entravant la circulation sanguine.

Les données collectées jusqu’à ce jour montrent que la prévalence de l’IVCC est plus élevée lorsqu’on a recours à l’échographie plutôt qu’à la veinographie. Cela est probablement dû aux différences de sensibilité et aux caractéristiques distinctes de ces deux techniques, ce qui signifie que l’une pourrait révéler des anomalies veineuses que l’autre ne permettrait pas de détecter. Ce qui importe le plus toutefois est que le pourcentage de cas d’IVCC est le même pour tous les groupes de sujets (personnes ayant la SP, leurs frères et sœurs non atteints de cette maladie et les témoins en bonne santé), ce qui indique qu’il n’y aurait aucun lien entre l’IVCC et la SP.

Fait intéressant, l’équipe de chercheurs a constaté un taux passablement élevé de rétrécissement veineux dans le groupe témoin composé de personnes en santé, et, selon le Dr Traboulsee, de tels résultats n’avaient pas encore était rapportés.

« Nos observations confirment que le rétrécissement veineux constitue une anomalie fréquente parmi la population générale et qu’elle n’est pas une caractéristique anatomique unique associée à la sclérose en plaques. Notre étude est la première à révéler des taux de sténose élevés parmi les sujets sains recrutés comme témoins. Elle est également la première à montrer que les critères échographiques utilisés habituellement pour diagnostiquer les cas d’IVCC ne sont pas fiables. On peut donc affirmer que s’il existe un lien entre le rétrécissement veineux et la SP, celui-ci demeure inconnu et est sans doute beaucoup plus complexe que ce que suggèrent les théories circulant actuellement à son sujet. »

Conclusion

Les résultats de recherche obtenus récemment dans le cadre de l’étude menée par le Dr Anthony Traboulsee indiquent qu’il n’existe aucun lien entre l’IVCC et la SP. L’essai clinique pancanadien sur l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique déjà en cours se poursuivra de sorte que les chercheurs puissent déterminer si les interventions consistant en une dilatation des veines sténosées peuvent s’avérer bénéfiques dans le traitement des symptômes de la SP. Le Dr Traboulsee demeure résolu à évaluer les interventions pratiquées contre l’IVCC en suivant des méthodes rigoureuses et en se basant sur des critères axés sur les patients. La Société de la SP reconnaît et respecte les décisions que prennent les personnes atteintes de SP relativement à leur santé personnelle et maintient son engagement à financer des travaux de recherche qui permettront de répondre aux questions que se posent les personnes aux prises avec cette maladie.

Sources

TRABOULSEE A. L. et coll. « Prevalence of extracranial venous narrowing on catheter venography is similar in people with MS, their siblings, and unrelated healthy controls: a blinded case-control study », The Lancet, 8 octobre 2013 [publié en ligne avant impression].