Une toxine bactérienne présente dans les aliments pourrait être à l’origine de la sclérose en plaques

Résumé

Des chercheurs du Weill Cornell Medical College, à New York, ont présenté les résultats de l’étude qu’ils ont menée sur la relation entre une toxine dérivée d’une bactérie d’origine alimentaire très répandue et la sclérose en plaques. La Dre Jennifer Linden a présenté ces résultats, au nom de ses collègues de Weill Cornell, au congrès de 2014 de la Société américaine de microbiologie. Selon ces chercheurs, la toxine epsilon (ETX) – dérivée d’une souche de la bactérie Clostridium perfringens – a entraîné la formation de lésions cérébrales chez des souris de laboratoire.

Détails relatifs à l’étude

Des chercheurs du Weill Cornell Medical College, à New York, ont présenté les résultats de l’étude qu’ils ont menée sur la relation entre une toxine dérivée d’une bactérie d’origine alimentaire très répandue et la sclérose en plaques. La Dre Jennifer Linden a présenté ces résultats, au nom de ses collègues de Weill Cornell, au congrès de 2014 de la Société américaine de microbiologie. Selon ces chercheurs, la toxine epsilon (ETX) – dérivée d’une souche de la bactérie Clostridium perfringens – a entraîné la formation de lésions cérébrales chez des souris de laboratoire.

Contexte

La bactérie Clostridium perfringens est une cause fréquente d’intoxication alimentaire dans les pays développés. Elle peut être transmise lors de l’ingestion d’aliments contaminés comme la viande et la volaille, mais elle se trouve également à l’état naturel dans la végétation en décomposition, le sol et les sédiments marins. Il existe cinq sous-types de C. perfringens, dont deux (le B et le D) produisent la très puissante toxine epsilon (ETX), qui peut pénétrer dans le système nerveux central et y provoquer une détérioration des tissus. Bien que la cause de la SP demeure inconnue, les scientifiques ont longtemps soupçonné que cette maladie était attribuable à l’interaction de facteurs génétiques, environnementaux et liés au mode de vie. Or, en raison de leurs mécanismes d’action, ces souches bactériennes particulières ont été classées parmi les déclencheurs environnementaux potentiels de la SP.

L’an dernier, le type B de C. perfringens a été isolé chez une femme de 21 ans atteinte de SP. C’était la première fois que ce type de C. perfringens était décelé chez un être humain. On le trouve habituellement chez les animaux brouteurs, comme les bovins et les ovins. Cette découverte a suscité la mise en œuvre d’une étude sur le rôle potentiel du C. perfringens dans la SP. Les résultats de cette étude ont été publiés en octobre dernier dans la revue PLOS ONE.

Étude et résultats

Cette étude avait pour but de comparer la prévalence du type A – inoffensif – de C. perfringens chez les personnes atteintes de SP à celle d’un groupe de personnes en santé. Résultat : 52 % de ces dernières étaient porteuses du type A, comparativement à 23 % des personnes atteintes de SP. Les chercheurs avancent l’hypothèse selon laquelle l’absence de cette souche bactérienne commensale pourrait créer un environnement propice à la croissance et à la survie de la souche de type B productrice de la toxine, qui n’aurait ainsi plus à rivaliser pour l’obtention de ressources.

L’étude comportait aussi la recherche d’anticorps contre l’ETX dans les échantillons de fluides des personnes atteintes de SP et des personnes en santé, et ce, afin de déterminer quels participants avaient été infectés par la bactérie C. perfringens de type B. Les chercheurs ont ainsi pu constater que 10 % des personnes atteintes de SP étaient porteuses de tels anticorps, comparativement à 1 % des personnes en santé, ce qui démontre que les personnes atteintes de SP avaient déjà été exposées à l’ETX.

Enfin, l’équipe de chercheurs a procédé à une série d’expériences démontrant la capacité de l’ETX à se lier à la substance blanche, dans laquelle on trouve des fibres nerveuses entourées de myéline, gaine ciblée par la SP. Fait intéressant à noter, des études antérieures avaient révélé que l’administration de l’ETX à des animaux peut créer des brèches dans la barrière hémato-encéphalique (sang-cerveau – BHE) et permettre à la toxine de pénétrer dans le système nerveux central, où elle entraîne la détérioration des tissus et la mort des oligodendrocytes. Lors de l’étude dont il est question ici, les chercheurs ont été en mesure de montrer que l’ETX était présente dans les régions myélinisées.

Commentaires

Bien que le type B de C. perfringens, producteur de l’ETX, ait été décelé chez une personne atteinte de SP, il faut bien comprendre que la recherche dans ce domaine n’en est qu’à ses balbutiements et qu’il faudra poursuivre les travaux afin de définir le rôle de cette bactérie en tant que déclencheur environnemental potentiel de la SP. Cette étude remet en question l’hypothèse voulant que la SP soit une maladie auto-immune. Selon l’article publié dans PLOS ONE, aucune cellule immunitaire n’est présente dans le système nerveux central aux stades précoces de la SP, c’est-à-dire à la première apparition des lésions. À ce moment-là, on ne peut observer qu’une détérioration de la BHE et la mort d’oligodendrocytes, ce qui signifie qu’il faut chercher ailleurs que dans l’auto-immunité la cause de la détérioration initiale des tissus. Étant donné que le C. perfringens de type B a la capacité de pénétrer dans le système nerveux central et de s’attaquer à la myéline et aux oligodendrocytes (cellules productrices de myéline), cette bactérie est soupçonnée d’intervenir dans le déclenchement de la SP. La Société de la SP suivra de près tous les développements dans ce dossier, y compris les résultats de la nouvelle étude présentée au congrès, et transmettra sans tarder l’information disponible.

Source

RUMAH K. R. etcoll. « Isolation of Clostridium perfringens Type B in an Individual at First Clinical Presentation of Multiple Sclerosis Provides Clues for Environmental Triggers of the Disease », PLOS ONE, 2013 October 15; 8(10):1-9.