La sclérose en plaques (SP) est une maladie chronique du système nerveux central qui se manifeste durant les années les plus productives de la vie des personnes qui en sont atteintes. Au Canada, le coût de la SP au travail est perçu comme une baisse de la productivité liée à l’absentéisme – soit l’absence d’une personne au travail en raison d’un congé de maladie ou d’un départ anticipé à la retraite. Dans le cadre des travaux de recherche dont il est ici question, des chercheurs participant à l’étude de cohorte prospective canadienne relative à la progression de la SP (CanProCo) se sont penchés sur la perte de productivité globale parmi un échantillon de personnes actives sur le marché du travail et atteintes de SP – notamment sur l’absentéisme (absence du travail), le présentéisme (présence au travail marquée par une productivité réduite) et les pertes de temps de travail liées à des activités non rémunérées (tels les tâches ménagères, le magasinage et les soins aux enfants).
Pour mener cette étude, les chercheurs se sont appuyés sur des données recueillies auprès de 512 personnes atteintes de SP qui occupaient un poste à temps plein ou à temps partiel ou qui travaillaient à leur compte. Dans la majorité des cas (97 %), ces personnes en étaient aux premiers stades de la SP et avaient une incapacité légère ou ne présentaient aucune incapacité. Environ 55 % des sujets ont indiqué avoir connu une baisse de leur productivité au travail au cours des trois mois durant lesquels l’étude a été menée. La perte de productivité au travail pour l’échantillon en question totalisait 60 heures sur une période de trois mois – cette perte de productivité s’expliquant en grande partie par le présentéisme (23 heures) et, dans une moindre mesure, par l’absentéisme (19 heures) et les activités non rémunérées (18 heures). Le coût global moyen de ces heures de travail perdues a été évalué à 2 480 $ CA par personne atteinte de SP sur une période de trois mois. Pour calculer ce coût, les chercheurs ont pris en considération l’impact de la perte de productivité sur divers facteurs liés au travail, comme la fréquence du travail en équipe, la taille de l’équipe dont fait partie l’employé, l’influence de celui-ci sur le fonctionnement de son équipe, de même que le revenu. En s’intéressant également à d’autres facteurs qui, selon eux, auraient pu contribuer à une perte de productivité, les chercheurs ont relevé une association entre la fatigue et les résultats obtenus relativement aux trois aspects de la perte de productivité. Ils n’ont toutefois constaté aucun lien entre, d’une part, la perte de productivité et, d’autre part, le sexe biologique, les maladies concomitantes et l’utilisation d’un médicament modificateur de l’évolution de la SP.
De telles constatations donnent à penser que le fardeau économique de la SP pourrait être plus lourd que prévu si l’on tient compte des pertes résultant des activités non rémunérées et de l’impact global de la perte de productivité au travail. Des interventions efficaces – tels des mesures d’adaptation sur le lieu de travail et le recours à des traitements psychosociaux et médicamenteux – destinées à atténuer les facteurs associés à la perte de productivité (comme la fatigue) pourraient mener à une meilleure approche axée sur le patient au profit des personnes atteintes de SP et contribuer à l’allègement du fardeau économique de cette maladie. Comme les personnes prises en compte dans le cadre de l’étude en question en étaient aux premiers stades de la SP et présentaient un degré d’incapacité limité, d’autres travaux de recherche devraient être menés relativement aux variations de la productivité au travail suivant les différents sous-types de SP et la gravité de l’affection.
Afin d’en savoir plus sur l’étude en question, veuillez cliquer ici pour accéder au 256e épisode du balado RealTalk MS de Jon Strum (en anglais seulement), diffusé le 26 juillet 2022. Le segment à écouter, intitulé « L’étude CanProCo révèle que le fardeau économique imposé par la SP au Canada pourrait être sous-estimé. », débute à 8 min 58 s.
Transcription audio
Le Canada affiche l’un des taux de prévalence de la SP les plus élevés du monde. On estime que, dans notre pays de 38 millions d’habitants, 93 500 personnes atteintes de SP vivent chez elles et que 3 800 autres aux prises avec cette maladie résident dans un centre de soins de longue durée. En décembre 2018, à l’occasion du 69e épisode de notre balado RealTalk MS, nous avions discuté d’un projet de recherche de plusieurs millions de dollars, financé par la Société canadienne de la SP, à savoir l’étude de cohorte prospective canadienne relative à la progression de la SP, ou plus simplement l’étude CanProCo. En 2018, j’avais précisé que les auteurs de cette ambitieuse entreprise avaient pour objectif d’élargir le corpus de connaissances actuel sur la progression de la SP en utilisant des méthodes scientifiques empruntées à divers domaines, dans l’espoir d’améliorer la vie des personnes atteintes de cette maladie. À cet égard, je souhaiterais m’attarder sur des résultats publiés dernièrement par des chercheurs qui, dans le cadre de l’étude CanProCo, se sont penchés sur la perte de productivité globale parmi un échantillon de 512 personnes actives sur le marché du travail et vivant avec la SP au Canada. Ces chercheurs se sont employés à quantifier la perte de productivité attribuable à trois facteurs : l’absentéisme (soit l’absence du travail), le présentéisme (pensons, par exemple, à la présence au travail d’une personne qui, en raison de la fatigue liée à la SP ou d’un autre symptôme, n’est pas en mesure de travailler de façon productive) ainsi que les pertes de temps de travail liées à des activités qui ne sont pas rémunérées, mais qui drainent beaucoup d’énergie, tels les tâches ménagères, le magasinage et les soins aux enfants. Les chercheurs ont mené un sondage sur une période de trois mois, durant laquelle 55 % des répondants ont indiqué avoir connu une baisse de leur productivité au travail. Le coût global moyen des heures de travail perdues a été évalué à 2 480 $ CA par personne, et ce, pour un seul trimestre. Les chercheurs n’ont constaté aucun lien entre, d’une part, la perte de productivité et, d’autre part, le sexe biologique, les maladies concomitantes (soit les autres maladies que peuvent présenter les personnes atteintes de SP) et même l’utilisation d’un médicament modificateur de l’évolution de la SP. La fatigue, soit l’un des symptômes les plus courants de la SP, a été mise en cause relativement aux trois facteurs contribuant à la perte de productivité, soit l’absentéisme, le présentéisme et les pertes de temps de travail liées à des activités non rémunérées. Les observations des chercheurs indiquent que le fardeau économique de la SP au Canada pourrait être plus lourd que prévu compte tenu des pertes liées aux activités non rémunérées et de l’impact global de la perte de productivité au travail. Or, dans un pays où la prévalence de la SP est élevée, ce type de constatations pourrait contribuer à l’orientation des politiques publiques des années à venir. Si vous souhaitez en savoir plus sur la sous-étude dont il est ici question, n’hésitez pas à cliquer sur le lien correspondant dans les notes relatives à l’émission d’aujourd’hui.
Ressource :
LLORIAN, E.R. et coll. « Productivity loss among people with early multiple sclerosis: A Canadian study. », Multiple Sclerosis, 2022 Feb 9:1352458521106907.