Contexte
Un volume croissant de données probantes montre qu’une carence en vitamine D contribue à l’accroissement du risque de sclérose en plaques. Le lien entre cette vitamine et la SP a d’abord été soupçonné après que des chercheurs eurent constaté que le taux de prévalence de la SP était plus élevé dans les pays éloignés de l’équateur, où l’ensoleillement est faible, surtout durant l’hiver. Étant donné que la vitamine D est produite par la peau après une exposition au soleil, il semble de plus en plus évident que les habitants des pays nordiques présentent un risque accru de SP en raison d’une carence en vitamine D liée à leur faible exposition aux rayons du soleil. Aussi, la recherche montre que le taux sanguin de vitamine D des personnes qui vivent avec la SP tend à être moins élevé que celui des personnes en santé.
On croit que la vitamine D pourrait assurer une protection contre la SP en interagissant directement avec les gènes liés au système immunitaire. D’ailleurs, les études chez les animaux atteints d’une maladie semblable à la SP révèlent que la vitamine D inhibe le processus pathologique par l’entremise de mécanismes immunorégulateurs. Cela dit, on ne sait pas encore si la vitamine D intervient dans la régénération du tissu nerveux lésé par la SP en favorisant la remyélinisation. Les cellules souches neurales sont des cellules de l’organisme qui peuvent se multiplier et se transformer, ou se différencier, en cellules du système nerveux central, telles les oligodendrocytes, cellules productrices de myéline. Soulignons également que les cellules souches neurales interviennent de manière importante dans la régénération neuronale, mais que leur capacité régénératrice se révèle considérablement réduite dans le contexte de la SP.
Une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Guang-Xian Zhang a entrepris une nouvelle étude en pathologie expérimentale et moléculaire (Experimental and Molecular Pathology) sur le rôle de la vitamine D dans la promotion de la régénération neuronale par la stimulation de la croissance et de la maturation des cellules souches neurales.
Description de l’étude
Cette étude préclinique préliminaire a été effectuée en culture cellulaire; des cellules prélevées sur des cerveaux de souris en santé ont été étalées dans des boîtes de Pétri sur un milieu de culture enrichi de nutriments, d’hormones et de facteurs de croissance qui assuraient la survie et la vitalité des cellules. Les cellules souches neurales ont été identifiées par des marqueurs particuliers afin que les chercheurs puissent les dénombrer et les observer.
L’équipe s’est ensuite penchée sur les mécanismes par lesquels les cellules souches neurales sont influencées par le calcitriol, métabolite actif de la vitamine D (pour simplifier les choses, le calcitriol sera appelé « vitamine D » dans le présent article). Les chercheurs se sont donc employés à détecter la présence sur ces cellules de récepteurs pouvant se lier à la vitamine D, puis ils ont introduit de cette vitamine dans les cultures cellulaires pour voir si elle pouvait influer sur la capacité des cellules souches neurales à se multiplier au cours de quelques semaines. Par ailleurs, ils ont étudié les effets de la vitamine D sur la différenciation des cellules souches neurales, c'est-à-dire sur leur capacité à se transformer en différents types de cellules spécialisées du système nerveux, dont font partie les neurones, les astrocytes et les oligodendrocytes. Enfin, ils ont mesuré les changements survenus dans les quantités de facteurs neurotrophiques, en réponse à la vitamine D. Les facteurs neurotrophiques sont des molécules qui favorisent la survie et la différenciation des cellules souches neurales.
Résultats
Les auteurs ont constaté que les cellules souches neurales sont porteuses de récepteurs qui peuvent se lier à la vitamine D. Après l’ajout de cette vitamine dans les cultures cellulaires, le nombre de cellules souches neurales a augmenté de manière significative en l’espace d’une semaine, ce qui démontre que la vitamine D a amené les cellules souches neurales à s’activer et à se multiplier. Fait important à signaler, la vitamine D a stimulé la transformation des cellules souches neurales en neurones et en oligodendrocytes (cellules productrices de la myéline), mais pas en astrocytes. Elle a agi ainsi en favorisant l’accroissement de l’activité de plusieurs facteurs neurotrophiques importants.
Commentaires
Cette étude est la première à montrer que la vitamine D peut promouvoir les mécanismes de régénération neuronale en stimulant l’activité des cellules souches neurales. Jusqu’ici, cette vitamine avait fait l’objet d’études visant à mesurer sa capacité d’influer sur le système immunitaire en interagissant avec des gènes liés au système immunitaire et d’augmenter l’activité des cellules T anti-inflammatoires par rapport à celle des cellules T pro-inflammatoires. Cette étude met en évidence un mécanisme par lequel la vitamine D diminue les effets néfastes de l’auto-immunité et peut aussi réparer les lésions des neurones et de la gaine de myéline des fibres nerveuses dans le contexte de la SP.
Ces travaux constituent un bel exemple d’étude préclinique préliminaire qui aide les chercheurs à élucider les processus moléculaires et cellulaires sous-jacents aux bienfaits des médicaments ou d’autres substances. Bien que les résultats de ces investigations s’avèrent très prometteurs, il reste beaucoup à faire. Soulignons que les cellules souches neurales utilisées pour cette étude provenaient du tissu cérébral de souris saines. L’étape suivante consistera à observer les effets de la vitamine D sur la régénération neuronale chez des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP. Enfin, la mise au jour du mécanisme par lequel la vitamine D pourrait promouvoir la remyélinisation et la régénération neuronale dans le contexte de la SP peut s’avérer utile aux chercheurs à l’œuvre dans le cadre de multiples études cliniques sur le potentiel de la supplémentation en vitamine D pour traiter la SP.
Source
SHIRAZI, H. A. et coll. « 1,25-Dihydroxyvitamin D3 enhances neural stem cell proliferation and oligodendrocyte differentiation ». Exp Mol Pathol., 2015, 98(2):240-5.