Contexte
Les cellules souches hématopoïétiques (CSH), présentes dans la moelle osseuse, donnent naissance aux cellules sanguines et aux cellules immunitaires, ce qui en fait des éléments fondamentaux du système sanguin et du système immunitaire. Depuis les années 1960, les scientifiques n’ont cessé de raffiner la technique de greffe de moelle osseuse employée dans le traitement de certains cancers comme le lymphome. L’éradication par la chimiothérapie d’un système immunitaire déficient, suivie de la greffe de CSH fraîches, permet de générer un système immunitaire sain.
En juin 2016, les Drs Mark Freedman et Harry Atkins ont publié les résultats de l’essai canadien sur la greffe de moelle osseuse. Combinant la chimiothérapie à la greffe de CSH, ils ont réussi à faire redémarrer le système immunitaire de 23 personnes présentant une forme de SP à évolution très rapide. Ce traitement a permis de juguler l’inflammation cérébrale associée à la SP, voire de renverser les incapacités, dans certains cas. Les participants à l’essai devaient présenter une forme de SP fulgurante n’ayant pas répondu aux médicaments modificateurs de l'évolution de la SP. La procédure comportait des risques élevés en raison de la puissance de la chimiothérapie nécessaire pour abolir le système immunitaire déficient des participants.
Compte tenu des risques associés à ce type de traitement de substitution, les chercheurs tentent toujours d’accroître la sécurité et l’efficacité des méthodes d’éradication du système immunitaire qui précèdent la greffe de moelle osseuse. Dans le cadre d’une étude dont les résultats ont été publiés dansScience Translational Medicine, la Dre Judith Shizuru et une équipe de chercheurs de l’Université Stanford ont fait d’importantes percées dans ce domaine. Au lieu de recourir à la radiothérapie ou à la chimiothérapie intensive, ils ont utilisé deux substances biologiques pour éliminer les CSH. Selon leurs propres mots : « Cette étude pourrait transformer la technique de greffe de CSH et permettre à un nombre élargi de patients de bénéficier de ce traitement. »
Méthodologie
Le groupe de la Dre Shizuru a utilisé deux substances pour éliminer les CSH chez des souris, soit un anticorps ciblant la c-kit, protéine essentielle au maintien et à la survie des CSH dans la moelle osseuse, et un médicament bloquant la fonction de la CD47, protéine présente à la surface des CSH (et de nombreuses autres cellules), qui envoie le signal suivant au système immunitaire : « Ne me détruis pas. »
L’anticorps anti c-kit n’a pu éliminer les CSH que chez les souris dont le système immunitaire avait été affaibli par génie génétique, et n’avait que peu d’effet sinon aucun sur un système immunitaire en bon état. À la lumière des données probantes selon lesquelles le blocage de la CD47 pourrait augmenter la capacité des anticorps de contribuer à la destruction de certains types de cellules, les chercheurs ont voulu vérifier si le blocage de la CD47 pourrait accroître la capacité de l’anticorps anti c-kit d’éliminer les CSH chez les souris saines.
Résultats
En associant l’anticorps anti c-kit à une substance capable de bloquer la CD47, les chercheurs ont réussi à retirer plus de 99 % des CSH chez les animaux en bonne santé. Ils ont ensuite réussi à greffer ces CSH aux souris à l’étude. Au cours des vingt semaines suivantes, les cellules souches des donneuses ont généré de nouvelles cellules sanguines et cellules immunitaires, signe que les CSH s’étaient parfaitement implantées et avaient amorcé la reconstitution du système immunitaire. Il importe de souligner ici que cette procédure n’a entraîné que peu d’effets toxiques chez les souris.
Commentaires
Les procédures actuelles de greffe de CSH sont grandement limitées en raison des risques associés à l’utilisation de la radiothérapie et de la chimiothérapie pour détruire les cellules souches, ce qui a amené la Dre Shizuru et son équipe à rechercher une technique de greffe plus efficace et plus sécuritaire que les techniques existantes. L’association de l’anticorps anti c-kit à un bloqueur de la CD47 a permis d’éliminer près de la totalité des CSH chez les souris, créant ainsi les conditions nécessaires au succès de la greffe. Les résultats de l’étude de la Dre Shizuru pourraient contribuer à réduire les risques associés à la greffe de CSH, comme celle qu’ont utilisée les Drs Freedman et Atkinen pour le traitement de la SP.
Cette étude préliminaire comporte cependant plusieurs limites importantes. D’abord, elle a été menée sur des souris. Il est donc impossible à l’heure actuelle de savoir si les substances employées peuvent être utilisées sans risque chez les humains. En second lieu, la procédure n’a pas été administrée à des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP. Par conséquent, il faudra effectuer de telles études, suivies d’essais cliniques, afin de déterminer si ces substances pourraient un jour constituer une option de rechange sécuritaire et viable à la radiothérapie et à la chimiothérapie appliquées actuellement à la procédure de remplacement des cellules souches chez les personnes qui vivent avec la SP. Compte tenu des résultats prometteurs de cette étude, la Société de la SP suivra de près la diffusion de toute information sur cette nouvelle piste thérapeutique.
Référence
CHHABRA, A. et coll. « Hematopoietic stem cell transplantation in immunocompetent hosts without radiation or chemotherapy », Science Translational Medicine, 2016;8(351): 351ra105. doi: 10.1126/scitranslmed.aae0501.