Cinq études sur le lien entre le virus d’Epstein-Barr et la SP

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Résumé

Des chercheurs du Canada, des États-Unis et de l’Union européenne rendent compte de leurs travaux d’exploration sur le lien entre le virus d’Epstein-Barr (VEP) et la sclérose en plaques (SP)

Détails

On ignore toujours la cause de la SP, maladie imprévisible à médiation immunitaire ciblant le système nerveux central, mais on croit qu’elle survient lorsqu’une personne vulnérable est exposée à un ou plusieurs facteurs déclencheurs environnementaux. Le virus d’Epstein-Barr est un herpèsvirus qui cause, entre autres, la mononucléose infectieuse. La plupart des gens dans la population en général ont été exposés à ce virus. Plusieurs études ont laissé supposer un lien possible entre le VEB et la SP, mais d’autres agents infectieux ont été associés à la SP, ce qui a amené certains chercheurs à penser que c’est la réaction du système immunitaire à l’infection, et non l’agent infectieux lui-même, qui peut déclencher la SP.

Association de la mononucléose infectieuse à la sclérose en plaques - étude populationnelle Neuroepidemiology vol. 32, n° 4, 2009

Une généticienne du Canada, la Dre Dessa Sadovnick, et ses collaborateurs rendent compte des résultats d’une approche axée sur la population générale dans l’établissement d’un lien entre l’infection virale et la SP. Certains facteurs génétiques et environnementaux jouent un rôle crucial dans la vulnérabilité à la sclérose en plaques. Plusieurs études ont eu pour but la recherche de liens éventuels entre l’infection virale et le déclenchement ultérieur de la SP. Dans le cadre d’une étude effectuée auprès d’une population canadienne précise, les chercheurs ont tenté de lier les manifestations cliniques de l’infection ou de la vaccination au risque de SP.

Les chercheurs ont demandé à 14 362 personnes atteintes de SP faisant partie d’une base de données longitudinales canadienne et à 7 671 témoins (conjoints de ces personnes) s’ils avaient eu la rougeole, les oreillons, la rubéole, la varicelle et la mononucléose infectieuse et s’ils avaient été vaccinés contre la rougeole, les oreillons, la rubéole, l’hépatite B et la grippe. Les deux groupes ont ensuite été comparés. La présence du groupe témoin (conjoints) et la stratification selon le sexe semblent avoir éliminé toute possibilité de biais attribuable à l’échantillonnage. En effet, aucune différence n’a été constatée entre les personnes atteintes de SP et les témoins (sauf dans un cas) quant aux infections contractées et aux vaccins reçus. Cela dit, 699 personnes atteintes de SP et 165 témoins ont déclaré avoir contracté une mononucléose infectieuse (p < 0,001, rapport de cotes après correction : 2,06, écart de confiance à 95 %, 1,71-2,48). Comparées aux hommes, les femmes se rappelaient mieux leurs antécédents médicaux (p < 0,001).

La Dre Sadovnick et ses collaborateurs ont souligné que les résultats de cette étude confirment les différences déjà observées entre les données fournies par les hommes et celles fournies par les femmes. Le fait d’avoir eu la rougeole, les oreillons, la rubéole ou la varicelle ou encore d’avoir reçu un vaccin contre l’hépatite B, la grippe, la rougeole, les oreillons et la rubéole n’est pas associé à un risque accru de SP. Cependant, des antécédents de mononucléose infectieuse sont manifestement liés à une augmentation de la vulnérabilité à la SP. Ces constatations militent en faveur des résultats d’études sur le lien entre le virus d'Epstein-Barr et la vulnérabilité à la SP. La relation entre la vulnérabilité à la SP et des signes cliniques évidents de mononucléose infectieuse n’est toutefois pas exclue.

Amplification de la réponse immunitaire à l’antigène nucléaire encodé du virus d'Epstein-Barr 1 (EBNA1) : facteur prédictif d’une évolution vers la sclérose en plaques Ann Neurol. 2009 Oct 13;67(2):159-169

À l’heure actuelle, les marqueurs du déclenchement de la SP consécutif à un premier épisode inflammatoire démyélinisant du système nerveux central et les marqueurs de l’aggravation de l’incapacité sont loin d’être satisfaisants. Les auteurs de la présente étude ont constaté que la concentration dans le sang périphérique d’une protéine particulière produite après une infection par le virus d'Epstein-Barr (VEB) était plus élevée chez les personnes qui avaient subi un premier épisode de troubles neurologiques que chez les témoins. En outre, les personnes chez qui la concentration de cette protéine était le plus élevée présentaient un risque accru d’avoir la SP et de connaître une évolution clinique plus grave que les personnes chez qui cette concentration n’était pas élevée. Il est intéressant de noter que les autres protéines étudiées (liées au VEB et à d’autres virus) ne semblaient pas produire les mêmes effets. Par conséquent, les auteurs proposent que la protéine produite après une infection par le VEB soit considérée comme un marqueur possible du déclenchement de la SP et de l’aggravation de l’incapacité.

Lien entre une première infection par le virus d'Epstein-Barr et le risque de sclérose en plaques Annals of Neurology, accepted online January 20, 2010

Le Dr Ascherio, de l’Université Harvard, et ses collaborateurs ont recensé 305 cas de SP définie ou probable enregistrés entre 1992 et 2004 dans des bases de données électroniques (Physical Disability Agencies) de l’armée et de la marine américaines, qui avaient subi au moins un prélèvement sanguin avant l’apparition de la SP. Les résultats des analyses sanguines, dont le nombre pouvait aller jusqu’à trois (la plus ancienne, la plus récente et une analyse faite entre les deux), ont été pris en compte. Pour chaque cas de SP, les chercheurs ont sélectionné deux témoins non atteints de la maladie à partir de ces bases de données.

Au début de l’étude, les analyses sanguines des 305 cas de SP sauf 10 (3,3 %) et des 610 témoins sauf 32 (5,2 %) ont permis de déceler les traces d’une exposition au virus d'Epstein-Barr. Une analyse positive signifie que le système immunitaire d’un individu a été, à un certain moment, infecté par le virus et qu’il y a eu une réponse immunitaire contre ce dernier. Les 10 cas dont les résultats d’analyse étaient d’abord négatifs sont devenus positifs avant l’apparition de la SP, mais les résultats d’abord négatifs de seulement 10 (35,7 %) des 28 témoins sont plus tard devenus positifs. Aucune association significative n’a pu être établie entre un autre virus – le cytomégalovirus – et le risque de SP. Les auteurs en sont arrivés à la conclusion que le risque de SP est faible chez les personnes qui n’ont jamais été infectées par le VEB, mais qu’il s’élève de manière significative à la suite d’une infection par ce virus.

Réponse immune antivirale chez les patients atteints de sclérose en plaques et chez leurs frères et sœurs en santé Multiple Sclerosis 2010; 16(3): 355-358

Des chercheurs de Barcelone se sont posé la question suivante : « Si la SP est déclenchée par un virus chez des personnes prédisposées à cette maladie, pourquoi leurs frères et sœurs qui ont vécu sous le même toit qu’elles – et qui ont probablement été exposés aux mêmes souches virales et ont contracté les mêmes infections – n’ont-ils pas le même taux de risque de SP? » Le Dr Comabella et ses collaborateurs ont tenté de répondre à cette question en évaluant la réponse du système immunitaire à diverses protéines de virus – y compris le VEB, le cytomégalovirus et le virus de la rougeole – présentes dans les échantillons sanguins de 25 personnes atteintes de SP et de 49 de leurs frères et sœurs non atteints de cette maladie.

Les chercheurs ont découvert que les frères et sœurs des personnes atteintes de SP présentaient les mêmes signes d’infection aux virus dont ils cherchaient la trace. La seule différence marquée résidait dans la réponse immunitaire à l’EBNA-1, protéine virale associée au VEB. Cette réponse (IgG) était significativement plus forte chez les personnes atteintes de SP que chez leurs frères et sœurs non atteints de la maladie. Les auteurs concluent en disant qu’il faudra poursuivre les études si nous voulons comprendre le mécanisme par lequel la réponse immunitaire à une protéine du VEB pourrait contribuer au déclenchement de la SP.

Absence du virus d'Epstein-Barr dans le cerveau et le liquide céphalorachidien des personnes atteintes de SP Neurology. 2010 Mar 10

Le virus d'Epstein-Barr a longtemps été associé au risque de SP. Les auteurs de l’étude dont il est question ici ont tenté de voir si la présence d’une infection latente ou active par le VEB dans le système nerveux central (SNC) des personnes atteintes de SP pouvait réellement jouer un rôle dans le déclenchement de cette maladie. L’examen des lésions cérébrales actives causées par la SP et de divers types d’immunocytes présents dans le SNC de ces personnes n’a pas permis de trouver de signes d’infection latente ou active par le VEB, ni d’anticorps spécifiques de ce virus dans le SNC des participants à l’étude. D’autres recherches seront nécessaires pour lier les résultats de cette étude à ceux des nombreuses autres qui associent l’infection par le VEB à un risque accru de SP.

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