Contexte
Le Canada affiche le taux de prévalence de sclérose en plaques (SP) le plus élevé du monde. La SP se manifeste généralement chez des personnes âgées de 20 à 40 ans, soit durant les années les plus productives de la vie. Chômage et incapacités figurent donc parmi les difficultés auxquels ces gens peuvent avoir à faire face. Dans un rapport publié par la Société canadienne de la SP, intitulé « Action en faveur des personnes touchées par la SP », on mentionne que près de 80 p. 100 des personnes touchées par la SP se retrouvent un jour ou l’autre sans emploi. Afin d’en savoir plus sur certaines maladies neurologiques comme la SP et dans le but de réduire le fardeau que peuvent avoir ces maladies sur la qualité de vie, le gouvernement du Canada a lancé en 2009 l’Étude nationale de la santé des populations relative aux maladies neurologiques (ÉNSPMN). À partir de renseignements tirés de cette étude et à l’aide d’un système de modélisation permettant de faire des projections à long terme, Nana Amankwah et ses collaborateurs, dont la Dre Ruth Ann Marrie, chercheuse subventionnée par la Société de la SP, ont tenté de dresser un portrait de la SP dans l’avenir, notamment en ce qui concerne les répercussions que cette maladie pourrait avoir sur la santé et sur l’économie d’un bout à l’autre de notre pays. Les résultats de leurs travaux ont été récemment publiés dans la revue Health Promotion and Chronic Disease Prevention in Canada.
Description de l’étude
Les chercheurs se sont servis de résultats de l’ÉNSPMN (soit des données issues de treize études et de trois sondages menés à l’échelle nationale) et ont eu recours à un logiciel de modélisation utilisé à Statistique Canada (Population Health Microsimulation Model – POHEM) pour faire des projections sur 20 ans quant à l’impact de la SP au Canada. Ont été pris en considération des facteurs tels que les taux de migration, de naissance et de décès de 1872 au début des années 2000. Des données sur les caractéristiques propres aux personnes atteintes de SP ont été recueillies, notamment l’âge et la province de résidence, le stade de SP, l’état de santé, le soutien offert par un proche aidant, le coût des soins de santé et la date de décès. Les chercheurs ont soumis les renseignements tirés de l’ÉNSPMN au logiciel POHEM afin d’établir la prévalence de la SP au Canada en 2031 et d’en savoir plus quant au fardeau sur la santé et l’économie que pourrait avoir cette maladie à long terme dans notre pays.
Résultats
Dans leur article, les chercheurs ont indiqué qu’ils prévoyaient une hausse de la fréquence de la SP au Canada, qui était de 4 051 cas par 100 000 habitants en 2011 et qui pourrait être de 4 794 cas par 100 000 habitants en 2031. Ainsi, en 2011, on comptait environ 98 000 personnes aux prises avec les effets invalidants de la SP, et on s’attend à ce que ce nombre augmente à 133 000 en 2031. Par ailleurs, selon cette étude, en 2011, une personne atteinte de SP dépensait en moyenne 17 000 $ annuellement pour ses soins de santé, comparativement à 2 500 $ par année pour une personne non atteinte de cette maladie. En s’appuyant sur cette donnée, les chercheurs ont estimé que les coûts liés à la SP pour le secteur de la santé s’élèveraient à 2 milliards de dollars en 2031. Et alors que les dépenses directes engendrées par la SP au Canada étaient évaluées à 125 millions de dollars en 2011, on s’attend à ce que celles-ci passent à 170 millions de dollars en 2031.
Commentaires
Les résultats de cette étude fournissent non seulement des données essentielles au sujet de l’impact économique de la SP sur la population du Canada, mais aussi des éléments de prédiction relatifs à cette maladie. Entre autres, il ressort clairement de cette étude que le fardeau économique imposé par la SP ira en augmentant, d’où la nécessité d’accroître notre compréhension des coûts associés à la SP et d’améliorer la gestion des dépenses se rapportant à cette maladie.
Les auteurs de l’étude précisent que celle-ci comporte toutefois plusieurs limites. D’abord, le modèle utilisé n’a pas pris en compte les facteurs de risque pouvant contribuer à l’apparition de la SP, puisqu’on ne sait toujours pas lequel de ces facteurs joue un rôle déterminant dans le déclenchement de cette maladie. Ensuite, les chercheurs n’ont pas tenu compte des personnes chez qui la SP s’est manifestée avant l’âge de 20 ans. Or, près de 5 p. 100 des personnes atteintes de SP éprouvent leurs premiers symptômes de SP avant cet âge. Enfin, les chercheurs n’ont pas pris en considération les traitements qui seront mis au point au cours des prochaines années et qui pourraient ralentir, renverser ou stopper la SP.
La Société canadienne de la SP continue de financer des études à impact élevé dans l’espoir que les personnes aux prises avec la SP aient un jour accès à des traitements qui freineront la progression de cette maladie. Elle espère également que seront mises au point des options thérapeutiques qui permettront de prévenir la SP et de traiter celle-ci de façon précoce. Outre les activités axées sur la recherche, les campagnes de défense des droits et des intérêts auprès des gouvernements figurent également parmi les priorités de l’organisme. La Société de la SP souhaite ainsi favoriser l’accès des personnes atteintes de SP aux services et aux traitements dont elles ont besoin pour améliorer leur qualité de vie. Elle souhaite aussi contribuer à la réduction des coûts de la SP, et ce, non seulement pour les personnes aux prises avec cette maladie, mais également pour le système de soins de santé.
AMANKWAH, N. et coll. « Multiple sclerosis in Canada 2011 to 2031: results of a microsimulaiton modelling study of epidemiological and economic impacts », Health Promot Chronic Dis Prev Can, 2017: 37(2), 37-48.