En Italie, des chercheurs évaluent le potentiel du vaccin antituberculeux pour prévenir ou traiter la SP

Contexte

Le système immunitaire correspond à l’ensemble des mécanismes de défense de l’organisme contre les envahisseurs étrangers tels que les bactéries et les virus. Or, il arrive que ce système confonde des tissus de son propre organisme avec des substances étrangères et qu’il s’y attaque comme s’il s’agissait de virus ou de bactéries : on parle alors d’une maladie auto-immune. Dans le contexte de la sclérose en plaques (SP), des cellules immunitaires déréglées prennent pour cible la myéline, gaine des fibres nerveuses du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs optiques. Lorsque cette gaine est abîmée, la protection des fibres nerveuses n’est plus optimale et la communication entre les neurones perd de son efficacité. Divers symptômes physiques peuvent alors apparaître, par exemple des troubles de la locomotion, de l’élocution et de la vision ainsi que de la fatigue.

Il arrive souvent que la SP se manifeste d’abord par un épisode de troubles neurologiques appelé « syndrome clinique isolé » ou SCI. Chez environ 90 pour 100 des personnes qui présentent ce syndrome, une SP cliniquement définie sera plus tard diagnostiquée; les autres n’auront jamais cette maladie. De nombreuses études en cours visent à déterminer si le traitement du SCI peut prévenir ou retarder l’apparition de la SP. En Italie, des chercheurs ont publié récemment un article dans la revue Neurology sur l’emploi du vaccin antituberculeux BCG (ou vaccin bacille Calmette-Guérin) pour contrer la réponse immunitaire déréglée chez les personnes qui présentent des signes précoces de SP.


Détails relatifs à l’étude

Le Dr Giovanni Ristori et ses collaborateurs ont recruté 73 personnes, dont l’âge variait de 18 à 50 ans, ayant présenté un premier épisode clinique de troubles neurologiques évoquant la SP.  Les participants ont été répartis au hasard dans deux groupes : le groupe traité (qui a reçu le BCG) et le groupe témoin (qui a reçu un vaccin fictif ou placebo). Tous les participants ont été soumis à des examens par IRM au cours des six mois suivant l’inoculation du vaccin, puis ont été traités par l’interféron bêta-1a durant un an. Ensuite, ils ont repris leur traitement habituel, soit celui que leur neurologue leur avait prescrit. Au bout de cinq ans, leur état a fait l’objet de nouvelles analyses. Cette étude a été menée à double insu, c’est-à-dire que ni les chercheurs ni les patients ne savaient qui avait reçu le BCG et qui avait reçu un vaccin fictif.


Résultats

Comparativement au placebo (vaccin fictif), le BCG a permis de réduire le nombre de lésions cérébrales actives selon les examens mensuels par IRM, laissant supposer une diminution de l’activité de la maladie. Au bout de cinq ans, dans le groupe vacciné, le nombre de poussées de SP et le risque d’évolution vers une SP cliniquement définie étaient plus faibles que dans le groupe non vacciné. Par ailleurs, une proportion plus élevée de personnes vaccinées que de personnes non vaccinées ont pu cesser leur traitement immunomodulateur. Qui plus est, la procédure a semblé sans danger et n’a comporté aucun effet indésirable grave. Seules trois personnes vaccinées ont présenté une réaction au point d’injection.

« Le BCG semble produire des effets bénéfiques précoces et pourrait être efficace au long cours chez les personnes présentant un SCI, conformément à ce qui avait déjà été observé chez les personnes atteintes de SP. » Dr Ristori


Commentaires

Le mécanisme d’action précis du BCG chez les personnes atteintes de SP demeure obscur, mais les chercheurs supposent que le vaccin détourne du cerveau les cellules immunitaires nocives. Fait intéressant, cette étude étaye l’« hypothèse de l’hygiène » selon laquelle le mode de vie occidental a créé un environnement ultra propre qui freine le développement du système immunitaire. Ainsi, des traitements comme l’inoculation du BCG peuvent « réveiller » ce système et l’empêcher de s’attaquer aux tissus de son propre organisme.

Dans un éditorial accompagnateur, les Drs Dennis Bourdette et Robert Naismith soulignent que l’innocuité d’une administration répétée du vaccin BCG n’a pas encore été établie et que les cliniciens devraient s’abstenir, pour le moment, de recourir à ce vaccin pour traiter les personnes qui présentent un SCI ou la SP. Autres facteurs à considérer : le BCG n’est pas facilement accessible dans les pays développés et il renferme la bactérie bovine (vache) de la tuberculose sous une forme vivante atténuée qui peut infecter les personnes vaccinées. Il conviendra de procéder à une évaluation complète des effets au long cours du BCG et de déterminer son profil d’innocuité et la dose à recommander chez les personnes atteintes de SP, dans le cadre d’études cliniques de plus vaste envergure que celle-ci.


Source

RISTORI G. et coll. « Effects of Bacille Calmette-Guérin after the first demyelinating event in the CNS », Neurology, 2014 Jan; 82(1):41-8.