Une étude longitudinale donne à penser que le virus d’Epstein-Barr pourrait être en cause dans l’apparition de la SP

Afin de comprendre les causes de la sclérose en plaques (SP), des chercheurs de l’école de santé publique T. H. Chan de l’Université de Harvard et de la Faculté de médecine du même établissement ont mené une étude sur une période de plus de 20 ans auprès d’une cohorte de plus de 10 millions de jeunes adultes membres du personnel militaire états-uniens, dont 955 avaient la sclérose en plaques (SP). À la suite de l’analyse d’échantillons sanguins et de données cliniques, ces chercheurs ont découvert que le risque de SP était 32 fois plus élevé suivant une infection par le virus d’Epstein-Barr (VEB), lequel est à l’origine de la mononucléose infectieuse. On soupçonne depuis longtemps que le VEB compte parmi les facteurs de risque de la SP. Or, l’étude dont il est ici question est celle qui procure les données les plus probantes à ce jour sur l’existence d’un lien entre une infection par le VEB et le déclenchement de la SP.

La sclérose en plaques (SP) est une maladie auto-immune et neurodégénérative du système nerveux central. Bien que la cause de la SP demeure inconnue, on croit que cette affection serait attribuable à l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux dont une carence en vitamine D, l’obésité, le tabagisme et une infection par le virus d’Epstein-Barr (VEB). Les auteurs de cette étude ont voulu vérifier l’hypothèse selon laquelle le VEB constitue l’un des principaux facteurs de risque de la SP et une cause potentielle de cette maladie.

Les chercheurs ont procédé à l’analyse d’échantillons sanguins recueillis sur une période de plus de 20 ans auprès d’une population multiraciale de plus de 10 millions d’adultes ayant servi dans les forces armées des États-Unis. Cherchant à déterminer le statut relatif au VEB au moment du premier prélèvement sanguin, l’équipe de recherche a pu établir que 5,3 % des sujets étaient séronégatifs pour le VEB. Au sein de la cohorte à l’étude, 955 personnes avaient la SP. Les chercheurs ont par la suite analysé trois échantillons sanguins chez ces personnes – soit le premier échantillon dont ils disposaient, le dernier ayant été prélevé avant l’apparition de la SP, puis un autre entre les deux –, de même que chez des témoins appariés. En tout, 801 sujets atteints de SP et 1 566 témoins (appariés selon l’âge, le sexe et la race) ont été inclus dans l’étude. La plupart de ces personnes avaient moins de 20 ans au moment où le premier échantillon sanguin a été collecté, et celles chez qui est apparue la SP ont éprouvé des symptômes de cette maladie 10 ans en moyenne après la prise de ce premier échantillon.

Parmi les sujets à l’étude, 35 personnes atteintes de SP et 107 témoins étaient séronégatifs pour le VEB à l’analyse de l’échantillon initial. Les chercheurs ont ensuite découvert que 34 personnes parmi les 35 qui avaient la SP ont ultimement reçu un résultat de séropositivité pour le VEB, ce qui signifie que presque tous les cas de SP ont été infectés par le VEB avant que n’apparaisse la SP. Les chercheurs ont en outre démontré que d’autres virus n’étaient pas associés aux cas de SP, dont le cytomégalovirus (CMV), à savoir un virus transmissible par la salive pour lequel le taux d’infection est élevé parmi la population générale et qui fait partie de la même famille de virus que le VEB. À partir des échantillons sanguins des personnes atteintes de SP et des sujets sains qui avaient été déclarés séronégatifs pour le VEB après l’analyse de l’échantillon initial, les chercheurs se sont intéressés à un biomarqueur de la neurodégénérescence, soit la protéine NfL (neurofilament light chain; chaîne légère des neurofilaments). L’absence de ce biomarqueur a été constatée avant l’infection et dans la période entourant la survenue de celle-ci. Or, une hausse du taux de NfL a été relevée après l’infection par le VEB, ce qui indiquerait que cette dernière a été contractée avant l’apparition des symptômes de SP.

Globalement, cette étude a permis d’obtenir les données les plus probantes à ce jour sur le VEB en tant que facteur déclencheur de la SP – données selon lesquelles une infection par ce virus multiplierait par 32 la probabilité d’avoir un jour la sclérose en plaques. Étant donné que la plupart des gens sont porteurs du VEB, nous devons comprendre pourquoi seules certaines personnes ayant été infectées par ce virus finissent par recevoir un diagnostic de SP. Cela pourrait s’expliquer par l’implication d’autres facteurs génétiques et environnementaux dans le déclenchement de cette maladie. Il importe donc d’élucider les mécanismes biologiques suivant lesquels une infection par le VEB peut se traduire par la survenue de la SP. La compréhension de ces mécanismes pourrait mener à la mise au point d’interventions ciblées qui permettraient de prévenir la SP avant que celle-ci fasse son apparition et qui pourraient, par exemple, consister à administrer un vaccin ou à modifier l’évolution de la maladie par le recours à un médicament antiviral. Actuellement, des chercheurs s’emploient à élaborer et à tester des vaccins potentiels contre le VEB.


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