Mise en cause d’un type de lymphocytes dans le contexte de la SP lors d’une étude multicentrique financée par la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP

Contexte

La recherche visant à mieux comprendre et à mieux traiter la sclérose en plaques (SP) a porté principalement sur une population de globules blancs appelés lymphocytes T ou cellules T. Ces cellules sont censées protéger l’organisme contre les infections nocives. Or, dans le contexte de la SP, elles sont soupçonnées de causer un dérèglement du système immunitaire qui aboutit à la détérioration de la gaine de myéline des fibres nerveuses. De vastes études visant à déterminer quel type de lymphocytes T s’attaquent à la myéline et à découvrir des moyens de les maîtriser ont débouché sur d’importantes avancées dans le domaine de la SP. Cependant, de plus en plus de données probantes révèlent qu’un autre type de cellules immunitaires, les lymphocytes B, pourrait intervenir dans la SP. Le lymphocyte B (ou cellule B) ressemble au lymphocyte T en ce qu’il intervient dans la défense de l’organisme contre les envahisseurs, mais contrairement au lymphocyte T, il produit des anticorps qui protègent l’organisme contre de futures infections. On ne comprend pas encore très bien les mécanismes d’intervention des lymphocytes B dans le contexte de la SP : interagissent-ils avec les lymphocytes T, avec d’autres cellules immunitaires ou avec des anticorps?

En 2014, la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP a octroyé une subvention de 3,6 millions de dollars aux Drs Amit Bar-Or (Université McGill), Jennifer Gommerman (Université de Toronto) et Alexandre Prat (Université de Montréal) pour explorer les divers rôles des lymphocytes B dans le contexte de la SP, à partir d’observations cliniques et d’études menées sur des cellules et sur des animaux. Ces chercheurs tentent de distinguer les bons lymphocytes B des mauvais afin de pouvoir inhiber ces derniers et de permettre aux premiers de poursuivre le combat contre les maladies. Ils viennent de découvrir qu’un type hautement inflammatoire de lymphocytes B semble jouer un rôle majeur dans l’étiologie de la SP et que la concentration de ces cellules était faible chez les personnes qui avaient reçu un traitement générant une déplétion lymphocytaire B. Cette étude a été présentée dans Science Translational Medicine.

Description de l’étude

Les chercheurs ont mené une série d’expériences de laboratoire à l’aide d’échantillons sanguins de personnes atteintes d’une forme cyclique (poussées-rémissions) de SP et de témoins (volontaires en bonne santé). Ils ont aussi prélevé des échantillons sanguins sur des personnes ayant reçu un traitement visant à cibler et à détruire les lymphocytes B nocifs. À partir de ces échantillons, ils ont établi et comparé les niveaux de molécules inflammatoires appelées cytokines et ils ont mesuré en particulier les niveaux de lymphocytes B libérant une cytokine connue sous le nom facteur de croissance des granulocytes et macrophages (GM-CSF). Le GM-CSF est communément associé à d’autres cellules immunitaires en tant que facteur de prolifération, mais il a également été lié à certains lymphocytes B, ce qui pourrait expliquer l’activité inflammatoire de ces derniers.

Résultats

Les chercheurs ont constaté que les lymphocytes B pro-inflammatoires renfermant le GM-CSF étaient plus nombreux chez les personnes atteintes de SP que chez les témoins. Dans le cadre de leurs cultures cellulaires, ils ont remarqué que ce type particulier de lymphocytes B interagissait avec d’autres cellules inflammatoires, connues pour stimuler les lymphocytes T nocifs, et les activait. Le traitement par le rituximab, ciblant les lymphocytes B, a permis de réduire le nombre de lymphocytes B renfermant le GM-CSF et d’atténuer ainsi l’activité inflammatoire chez les personnes atteintes de SP en contrant la libération de cytokines pro-inflammatoires. La diminution de l’activité inflammatoire a persisté durant longtemps chez les personnes traitées, et même après que de nouveaux lymphocytes B ont été produits.

Commentaires

Cette étude a donné lieu à une importante avancée dans la compréhension d’éléments du système immunitaire impliqués dans la SP, notamment en ce qui concerne des types particuliers de lymphocytes B qui n’avaient pas encore été bien définis. Elle constitue également un exemple de recherche à potentiel translationnel, c'est-à-dire que ses résultats auront une incidence énorme sur le mode de traitement de la SP. La publication de ces données coïncide avec l’annonce récente des résultats de l’étude ORATORIO – phase III d’un essai clinique ayant réuni 732 participants atteints d’une forme progressive primaire de SP qui ont reçu soit de l’ocrélizumab (médicament ciblant les cellules B), soit un placebo. Au terme de l’étude, les chercheurs ont constaté que l’ocrélizumab avait permis de freiner la progression de la SP et l’atrophie cérébrale, de réduire le volume des lésions et d’améliorer la mobilité. Le potentiel remarquable du traitement générant une déplétion lymphocytaire B pour maîtriser la SP et améliorer la qualité de vie des personnes touchées par cette maladie renforce l’importance de mettre en place des études sur 1) les mécanismes de contribution de certains types de lymphocytes B aux formes cycliques et progressives de SP, 2) les raisons pour lesquelles les personnes recevant un traitement ciblant les lymphocytes B se portent mieux en général, et 3) des moyens d’améliorer les traitements générant une déplétion lymphocytaire B pour en optimiser l’efficacité tout en évitant les effets secondaires nocifs.

Source

LI, R. et coll. « Proinflammatory GM-CSF–producing B cells in multiple sclerosis and B cell depletion therapy », Science Translat Med, 2015, 7(310):310ra166.