Une étude subventionnée par la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP révèle que la minocycline, antibiotique oral, réduit le risque d’évolution vers la SP

Contexte

Le syndrome clinique isolé (SCI) consiste en un épisode unique de symptômes neurologiques évocateurs de la sclérose en plaques (SP). La probabilité qu’un SCI évolue un jour vers la SP est très élevée; cela dit, on ignore pourquoi une telle évolution ne s’observe que dans certains cas et non dans d’autres. De nombreuses équipes de recherche mettent tout en œuvre pour trouver des traitements qui bloqueront l’évolution de la SP ou qui feront régresser cette maladie, et il arrive de plus en plus souvent que les neurologues commencent à traiter la SP quand elle en est à ses débuts.

En 2008, la Dre Luanne Metz, neurologue spécialiste de la SP qui exerce à l’Université de Calgary, a entrepris un essai clinique de phase III, comparatif avec placebo, à double insu et à répartition aléatoire, subventionné par la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP (FRSSP). Le médicament à l’étude, soit la minocycline, est un antibiotique employé couramment dans le traitement de certaines infections bactériennes (acné, pneumonie, infections des voies respiratoires). Contre toute attente, des travaux menés auparavant par l’un des collègues de la Dre Metz, le Dr Wee Yong, également de l’Université de Calgary, avaient révélé que la minocycline possédait des propriétés anti-inflammatoires et neuroprotectrices. Ces travaux préliminaires, qui ont eux aussi été subventionnés par la FRSSP, ont fourni de solides arguments en faveur de l’utilisation de la minocycline pour le traitement de la SP et ont incité la Dre Metz à entreprendre un essai clinique de phase II sur la SP cyclique.

L’essai clinique de phase III dont les résultats ont récemment été publiés dans le New England Journal of Medicine avait pour but de déterminer si le traitement par la minocycline réduit le risque d’évolution des signes avant-coureurs de la SP (SCI) vers une SP confirmée selon les critères diagnostiques de McDonald (2005).

Description de l’étude

Cet essai clinique a été mené auprès de 142 participants au sein de 12 cliniques de SP canadiennes pendant une durée maximale de 24 mois. Les participants, qui avaient tous présenté un SCI, ont été répartis de manière aléatoire en deux groupes : le premier a reçu une dose de 100 mg de minocycline deux fois par jour, et le second, un placebo (substance inactive qui ressemble à la minocycline). Les deux groupes ont été suivis pendant une durée maximale de 24 mois; si un participant recevait un diagnostic de SP durant cette période, les chercheurs estimaient qu’il avait atteint le « stade terminal » de l’étude.

Par ailleurs, ils ont eu recours à des examens d’imagerie cérébrale pour déterminer s’il y avait eu des variations du volume du cerveau ou du nombre de nouvelles lésions cérébrales, qui sont des signes évocateurs d’une évolution du SCI vers la SP.

Résultats

Après 6 mois, le risque non corrigé d’évolution vers la SP s’est établi à 61,0 % au sein du groupe placebo et à 33,4 % au sein du groupe minocycline, ce qui correspond à une différence de 27,6 %. Autrement dit, le risque d’évolution des signes avant-coureurs de la SP vers la SP était significativement plus faible chez les personnes qui ont reçu la minocycline que chez celles qui ont reçu un placebo. De plus, après 6 mois, il y avait eu une amélioration plus marquée des paramètres d’imagerie secondaires avec la minocycline qu’avec le placebo. En revanche, il n’y avait pas de différence entre les groupes minocycline et placebo après les 24 mois de suivi.

Commentaires

Les résultats prometteurs de cet essai clinique indiquent que la minocycline réduit le risque d’apparition de la SP chez les personnes qui présentent des signes avant-coureurs de cette maladie. Étant donné que l’une des étapes décisives pour réduire le risque d’apparition d’une SP cliniquement certaine consiste à traiter le premier épisode de démyélinisation le plus tôt possible, l’accès à un traitement efficace et peu coûteux pour ce type d’épisode peut s’avérer très utile. Au Canada, la version générique de la minocycline coûte environ 1 $ par dose. Si l’on part du principe qu’il faut administrer deux doses de minocycline par jour, le coût annuel du traitement sera de 500 à 600 $ environ. Précisons cependant que le coût de la minocycline peut varier en fonction de plusieurs facteurs (fabricant, province et frais facturés par les pharmacies). Quoi qu’il en soit, on estime qu’il est beaucoup plus faible que celui de l’utilisation de certains médicaments modificateurs de la SP (immunomodulateurs) pour le traitement du SCI, qui s’élève à plusieurs milliers de dollars. D’autres médicaments modificateurs de la SP sont indiqués pour le traitement du SCI. Cela dit, on n’a pas encore mené d’études visant à les comparer à la minocycline. De plus, les effets du traitement par la minocycline sur 6 mois semblent être comparables à ceux d’autres options qui sont indiquées pour le traitement du SCI. Dans l’ensemble, ces résultats sont encourageants, d’autant plus que la minocycline est déjà offerte sur le marché, que son profil d’innocuité a été bien établi et qu’elle pourra s’ajouter à la liste des options thérapeutiques dont disposent les personnes qui en sont aux premiers stades de la maladie.

Le terme « recherche translationnelle » (transfert des découvertes « du laboratoire au chevet du patient ») désigne généralement l’application des résultats de travaux de recherche biomédicale fondamentale réalisés sur des cellules ou des animaux à la mise au point de traitements qui seront utilisés en clinique. C’est exactement ce processus de recherche translationnelle qui s’est déroulé dans le cas de la minocycline : les chercheurs ont d’abord examiné les effets de ce médicament dans le cadre d’études préliminaires en laboratoire, puis ils se sont appuyés sur les résultats de ces études pour mener des essais cliniques chez l’humain visant à déterminer s’il était possible de lui attribuer une nouvelle indication pour le traitement de la SP. L’étude canadienne dont il est question ici est unique en son genre; elle a été conçue et dirigée par une équipe de chercheurs canadiens et menée auprès de patients canadiens. La Société canadienne de la SP et la FRSSP auront été un soutien de tous les instants tout au long de ce projet : depuis l’étude de recherche biomédicale fondamentale initiale, dont les résultats ont été publiés en 2002 dans la revue Brain par le Dr V. Wee Yong et son équipe, jusqu’à la publication récente des résultats prometteurs de l’essai de phase III mené par la Dre Metz et ses collaborateurs. Le fruit de tous ces efforts permettra de tirer parti d’options thérapeutiques additionnelles pour les personnes qui vivent avec la SP et contribuera au développement d’un modèle de plus en plus répandu, qui est axé sur la nécessité de commencer à traiter cette maladie le plus tôt possible.

Consultez la foire aux questions relative à la minocycline pour en savoir plus sur l’essai clinique qui a porté sur ce médicament et sur l’impact de ces travaux de recherche pour les personnes atteintes de SP.

Référence :

METZ, L. et coll. « Trial of Minocycline in Clinically Isolated Syndrome of Multiple Sclerosis », N Engl J Med, 2017[Publication en ligne avant l’impression].