Une étudiante au doctorat titulaire d’une bourse de la Société canadienne de la SP démontre le potentiel adaptatif du cerveau des enfants atteints de SP

Contexte

Le cerveau humain est formé de divers réseaux de cellules nerveuses qui communiquent entre elles en permanence. Même lorsqu’il est au repos, certains de ces réseaux neuronaux, appelés « réseaux du repos », débordent d’activité. On croit que ce sont eux qui maintiennent le cerveau sur le qui-vive, de façon à ce qu’il puisse réagir au quart de tour. D’aucuns pensent même que certains réseaux du repos jouent un rôle essentiel dans les fonctions cognitives de haut niveau comme le traitement des émotions.

Or, la connectivité fonctionnelle des réseaux neuronaux, à savoir l’intensité des interactions qui existent entre différentes régions de ces réseaux, peut être altérée par un certain nombre de troubles neurologiques, dont la sclérose en plaques (SP). En effet, chez les adultes atteints de SP, les lésions subies par les régions cérébrales riches en myéline entraînent un affaiblissement de la connectivité fonctionnelle des réseaux du repos, qui se traduit par une diminution des facultés cognitives.

Une équipe de recherche dirigée par la Dre Brenda Banwell, de l’hôpital pour enfants malades de Toronto, s’efforce de comprendre s’il existe une corrélation similaire entre la démyélinisation et la connectivité des réseaux du repos chez les enfants atteints de SP. En fait, il semble que les incapacités physiques évoluent plus lentement chez ces derniers que chez les adultes atteints de SP. L’équipe pense que cette différence serait en partie attribuable à une réponse adaptative du cerveau, qui favorise la préservation de réseaux neuronaux fonctionnels clés, comme les réseaux du repos, chez l’enfant.

Cette hypothèse a été explorée dans le cadre d’une étude à laquelle a contribué la Dre Nadine Akbar, qui est titulaire d’une Bourse de stagiaire de recherche au doctorat Banque Nationale Groupe financier, octroyée par la Société canadienne de la SP. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue PLOS ONE.

Méthodes

Dix-neuf personnes chez qui la SP s’est manifestée durant l’enfance (c.-à-d. qui avaient moins de 18 ans lorsqu’elles ont été en proie à leur première poussée de SP) ont été recrutées à la clinique de SP de l’hôpital pour enfants de Toronto. Elles ont été comparées à 16 personnes du même âge et du même sexe qui ne sont pas atteintes de SP et qui ont servi de témoins.

Tous les participants ont été soumis à des examens d’imagerie par résonnance magnétique (IRM). L’IRM est un outil puissant qui sert à évaluer les lésions que pourraient avoir subies les régions cérébrales riches en myéline. Il existe une technique d’IRM particulière, appelée « IRM fonctionnelle » (IRMf), qui permet également de mesurer le degré de connectivité fonctionnelle des réseaux du repos.

L’équipe de recherche de la Dre Banwell s’est intéressée aux réseaux du repos qui interviennent dans diverses facultés cognitives, telles que le traitement des émotions, la rêverie, la maîtrise de l’attention et la mémoire de travail. Plus particulièrement, elle a examiné un réseau important appelé « réseau par défaut » (ou « réseau du mode par défaut »). Ce réseau regroupe diverses régions cérébrales qui sont actives lorsque le cerveau est au repos (au lieu d’être concentré sur une tâche particulière nécessitant une interaction avec le milieu extérieur) et que l’esprit vagabonde (p. ex., lorsque l’on pense à ses relations avec autrui ou à d’autres personnes, que l’on se remémore le passé ou que l’on fait des projets d’avenir).

Résultats

Comme on pouvait s’y attendre, les examens d’IRM des personnes atteintes de SP ont mis en évidence de vastes lésions réparties dans diverses régions cérébrales riches en myéline, contrairement à ceux des témoins. Paradoxalement, il est apparu que dans l’ensemble, la connectivité fonctionnelle des réseaux du repos liés aux facultés cognitives était plus forte chez les participants atteints de SP que chez les témoins.

Par ailleurs, les chercheurs ont constaté au sein du groupe de participants atteints de SP que les régions cérébrales qui étaient les plus démyélinisées étaient associées à une amélioration de la connectivité fonctionnelle du réseau par défaut.

Commentaires

La Dre Banwell et son équipe considèrent que l’intensification de la connectivité neuronale observée chez les enfants atteints de SP est une réponse adaptative à la démyélinisation. Selon elles, le cerveau de ces enfants se serait adapté aux lésions liées à la SP en renforçant les connexions qui existent au sein d’importants réseaux du repos, dont on croit qu’ils régissent diverses facultés indispensables à la réalisation d’activités quotidiennes cruciales chez l’enfant, notamment la capacité de concentration et d’attention et la capacité de tenir compte des expériences vécues pour faire des projets d’avenir.

Les chercheurs ont émis l’hypothèse que la réponse adaptative du cerveau à la démyélinisation viserait en priorité ces régions essentielles plutôt que d’autres régions cérébrales. Leur hypothèse permettrait d’expliquer pourquoi tous les enfants atteints de SP ont conservé de bonnes facultés cognitives, bien qu’ils aient subi des lésions de démyélinisation qui entraînent habituellement des troubles cognitifs chez l’adulte. Cela dit, il faudra réaliser d’autres études similaires de plus grande envergure pour déterminer dans quelle mesure cette intensification de la connectivité neuronale compense les effets de la démyélinisation chez les enfants atteints de SP et favorise le maintien de leurs facultés cognitives à mesure que les lésions liées à la SP se multiplient.

Référence

AKBAR, N. et coll. « Alterations in functional and structural connectivity in pediatric-onset multiple sclerosis », PLoS ONE, 2016, (11)1: e0145906. doi:10.1371/journal.pone.0145906.