Contexte
Bien que nous sachions que la fréquence des poussées diminue en général chez les femmes atteintes de sclérose en plaques (SP) durant les derniers mois de leur grossesse et pendant la période d’allaitement, nous ne pouvons pas encore expliquer ce fait. Il se pourrait toutefois que la prolactine y soit pour quelque chose. En effet, cette hormone essentielle à la production du lait maternel est à son plus haut niveau durant le dernier trimestre de la grossesse et la période d’allaitement. Des travaux antérieurs du Dr Wee Yong, chercheur subventionné par la Société de la SP, et de ses collaborateurs avaient montré que la prolactine activait la production d’oligodendrocytes et de myéline chez les souris femelles, stimulant ainsi la remyélinisation. Par ailleurs, la prolactine peut favoriser l’inflammation, ce qui soulève certaines inquiétudes lorsqu’on songe à y recourir dans le traitement d’une maladie auto-immune comme la SP.
Pour évaluer l’efficacité potentielle de la prolactine contre la SP, le Dr Yong et son équipe basée à Calgary, ainsi que le Dr Simon Zhornitsky, également boursier de la Société de la SP, ont administré cette hormone à des souris femelles atteintes d’une maladie apparentée à la SP. Leur étude a été présentée récemment dans la revue scientifique Journal of Neuroinflammation.
Description de l’étude
Les chercheurs ont d’abord induit une maladie semblable à la SP, soit l’encéphalite allergique expérimentale (EAE), à des souris femelles. Tout comme la SP, l’EAE se caractérise par une inflammation du système nerveux central (SNC), qui entraîne la détérioration de la myéline (démyélinisation) et l’apparition d’incapacités chez les animaux atteints de cette maladie.
Les souris malades ont été divisées en trois groupes : le premier recevait une substance inerte (groupe témoin), le second, de la prolactine, et le troisième, un traitement à base d’interféron bêta (IFN-β) utilisé habituellement contre la SP ou un traitement associatif prolactine-IFN-β. Pour cette étude, l’IFN-β a été administré à une dose sous-optimale dans le but de contrer tout effet pro-inflammatoire possible de la prolactine.
L’efficacité du traitement a été mesurée par 1) l’évaluation de la gravité des incapacités cliniques touchant la queue et les pattes des souris traitées et 2) l’établissement du degré d’inflammation et de démyélinisation de la moelle épinière de ces souris, au moyen de l’analyse microscopique d’échantillons de tissu médullaire prélevés sur ces animaux. En outre, des cellules tirées des ganglions lymphatiques des souris à l’étude ont fait l’objet de cultures dans des boîtes de Pétri qui ont permis d’observer les effets de diverses doses de prolactine sur l’activité des cellules immunitaires pro-inflammatoires.
Résultats
Bien que la prolactine ait semblé accroître le nombre d’immunocytes pro-inflammatoires dans les cultures cellulaires, le traitement par la prolactine n’a pas aggravé les incapacités ni accru le degré d’inflammation et de démyélinisation chez les souris atteintes d’EAE. Mais lorsqu’on a administré le traitement associatif prolactine-IFN-β à ces dernières, une diminution notable des incapacités et une réduction de l’inflammation et de la démyélinisation de la moelle épinière ont été constatées.
Commentaires
Cette étude fournit des données probantes quant aux bienfaits de la prolactine utilisée en association avec un immunomodulateur. En effet, ce traitement associatif diminue la gravité des degrés d’incapacité, d’inflammation et de démyélinisation chez les animaux atteints d’une maladie apparentée à la SP. Toutefois, on ne peut pas encore affirmer que ces bienfaits sont attribuables à l’accroissement de l’efficacité du processus de remyélinisation. Comme les chercheurs le font remarquer, il n’est pas facile d’établir le degré de remyélinisation chez les souris atteintes d’EAE, étant donné que l’apparition et la localisation des lésions sont imprévisibles et qu’il n’existe toujours pas d’outil de mesure du degré de réparation lésionnelle. La prolactine n’a pas entraîné une aggravation des incapacités, mais les chercheurs avancent que toute réaction inflammatoire enclenchée par cette substance peut avoir été contrée par l’IFN-β. Cette hypothèse repose sur le fait observé que la prolactine stimule l’activité des cellules immunitaires pro-inflammatoires.
Malgré les limitations posées par l’utilisation d’animaux dans la recherche sur des maladies humaines, ce type d’études précliniques préliminaires menées en laboratoire s’avère essentiel. L’évaluation des risques et des bienfaits de traitements potentiels contre la SP, administrés dans un environnement sécuritaire et contrôlé, passe par cette étape critique. Tirer parti des facteurs biologiques présents chez les femmes enceintes, comme la prolactine, qui pourraient favoriser la régénérescence du tissu nerveux et freiner le processus inflammatoire constitue un bon moyen de découvrir des traitements prometteurs contre la SP, puis de les mettre au point.
Source
ZHORNITSKY, S. et coll. « Prolactin in combination with interferon-β reduces disease severity in an animal model of multiple sclerosis », Journal of Neuroinflammation, 2015. 12(1):55