Contexte
Les lymphocytes T (cellules T) sont un type de cellules immunitaires qui combattent l’infection. Or, ces cellules contribuent largement au déclenchement de la SP. En effet, au cours d’une poussée de cette maladie, les cellules T réactives à la myéline envahissent le système nerveux central (SNC), où elles orchestrent et dirigent une attaque auto-immune contre la myéline, entraînant une démyélinisation du SNC. Une étape importante de ce processus est médiée par les cellules présentatrices d’antigène (CPA). Ces cellules captent les antigènes (substances reconnues comme étrangères par le système immunitaire) et émettent des signaux particuliers qui amènent les cellules T à enclencher une réponse auto-immune ciblée.
Nous savons qu’un des médicaments de première intention de la forme cyclique (poussées-rémissions) de SP, en l’occurrence l’interféron bêta (IFN-β), favorise la suppression de l’inflammation engendrée par les cellules T, mais son mécanisme d’action demeure mal compris. D’après les connaissances actuelles, l’IFN-β cible les cellules T indirectement en modifiant les signaux émis par les CPA, signaux essentiels à l’activation des cellules T. Reste à savoir si l’IFN-β peut cibler directement les cellules T sans l’intervention des CPA.
Une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Manu Rangachari, titulaire de la bourse de transition études-carrière EMD Serono – Réseau de recherche et de formation stopSP, décernée par la Société de la SP et la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP, a tenté de voir si l’IFN-β pouvait transformer le comportement des cellules T sans l’intervention des CPA. Le groupe s’est penché sur une sous-population de cellules T, soit les cellules T auxiliaires 1 (Th1), connues pour leur rôle crucial dans l’auto-immunité ciblée contre la myéline. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue en ligne PLoS ONE.
Description de l’étude
La première série d’expérimentations a été menée à l’aide de cultures cellulaires. Les cellules Th1, cultivées dans des milieux dépourvus de CPA, ont été exposées à l’IFN-β, puis l’effet de cet interféron sur la prolifération cellulaire (multiplication des cellules) et le potentiel inflammatoire des cellules Th1 ont été évalués.
Les chercheurs ont ensuite étudié la possibilité que l’IFN-β puisse influer sur la capacité des cellules Th1 d’induire une maladie semblable à la SP chez la souris, sans l’intervention des CPA. Dans ce but, les cellules Th1 programmées pour réagir contre la myéline ont été cultivées dans des milieux cellulaires dépourvus de CPA, en présence ou en l’absence d’IFN-β. Ces cellules Th1 ont ensuite été injectées à des souris, qui ont ainsi présenté une maladie semblable à la SP. La gravité de la maladie a été mesurée chez les deux groupes de souris, soit celles ayant reçu des cellules Th1 qui avaient été exposées à l’IFN-β et celles ayant reçu des cellules Th1 qui n’avaient pas été exposées à l’IFN-β. Deux facteurs ont servi à déterminer la gravité de la maladie, soit le degré d’incapacité de la queue et des pattes des animaux et le nombre de cellules T ayant pénétré dans le SNC.
Résultats
Le traitement par l’IFN-β a freiné la prolifération et le potentiel inflammatoire des cellules Th1 cultivées. Étant donné que les CPA étaient absentes des cultures cellulaires, les chercheurs sont parvenus à la conclusion que l’IFN-β pouvait influer directement sur les cellules Th1 sans l’intervention des CPA.
Lorsque les cellules Th1 réactives à la myéline, prétraitées par l’IFN-β, étaient cultivées dans des milieux dépourvus de CPA, la maladie semblable à la SP qu’elles induisaient chez la souris était atténuée : l’incapacité des animaux malades était diminuée, de même que le nombre de cellules T qui pénétraient dans le SNC.
Commentaires
Lors de cette étude, les chercheurs ont montré que l’IFN-β pouvait freiner le processus inflammatoire par la suppression de l’activité de la cellule immunitaire Th1 en l’absence des CPA. Ce mécanisme d’action s’ajoute au rôle préalablement établi de l’IFN-β, tout lui en étant distinctif, à savoir supprimer indirectement l’activité des cellules Th1 en modifiant les signaux émis par les CPA.
De nombreuses personnes présentant une forme cyclique de SP ne répondent pas au traitement par l’IFN-β. Il importe donc de déterminer les mécanismes cellulaires par lesquels cet interféron est efficace ou ne l’est pas. Selon les auteurs de l’étude, cette information pourrait permettre, d’une part, d’identifier les personnes qui répondraient le mieux au traitement par l’IFN-β et, d’autre part, de dépister des biomarqueurs capables de prévoir la réponse au traitement. L’équipe de collaborateurs avance également qu’une meilleure compréhension du rôle de l’IFN‑β dans la suppression des cellules immunitaires Th1 pourrait, à long terme, déboucher sur la mise au point de nouvelles monothérapies ou plurithérapies. Ainsi, des traitements efficaces contre la SP pourraient être offerts à un nombre accru de personnes aux prises avec la SP.
Source
BOIVIN, N. et coll. « Interferon-β suppresses murine Th1 cell function in the absence of antigen-presenting cells », PLoS ONE, 2015. 10(4): e0124802.