Le processus qui consiste à élaborer un traitement viable à partir d’une idée issue de la recherche en laboratoire se déroule suivant trois étapes cruciales. La première de ces étapes est la phase de découverte (ou recherche fondamentale) durant laquelle des chercheurs tentent de trouver une nouvelle cible – telle une protéine – qui pourrait être impliquée dans le processus pathologique qui sous-tend une maladie donnée. Les résultats prometteurs obtenus lors de cette étape donnent ensuite lieu à des travaux d’approfondissement qui relèvent de la phase translationnelle, laquelle repose sur l’élaboration d’un composé qui peut modifier le comportement de la cible – soit la protéine en cause – et sur l’exécution d’une série de tests devant permettre d’établir si le composé en question peut être utilisé comme médicament pour bloquer ou freiner le processus pathologique concerné. Cette deuxième étape implique de nombreux travaux itératifs qui consistent à procéder par essais en vue de déterminer si le médicament à l’étude est sans danger et produit des bienfaits auprès d’un modèle animal de la maladie ciblée. La dernière étape est celle des essais cliniques, soit la phase durant laquelle l’innocuité et l’efficacité du médicament pourront être établies à l’issue de tests menés chez l’humain. Au cours des dernières décennies, de moins en moins de fonds ont été alloués à la recherche translationnelle, ce qui s’est traduit par un ralentissement de la transposition de résultats de recherche en de nouveaux traitements. En ce qui concerne la recherche axée sur la sclérose en plaques, des organismes tels que la Société canadienne de la SP et la National Multiple Sclerosis Society (organisme états-unien de la SP) s’emploient à combler cette lacune en mettant sur pied des programmes qui visent à favoriser la découverte de nouveaux traitements contre la SP. Ainsi, la Société canadienne de la SP et l’organisme Fast forward, entité sans but lucratif affiliée à la National MS Society, ont conclu un partenariat dans le but de cofinancer une nouvelle étude qui portera sur le processus neurodégénératif soupçonné de contribuer à la progression de la SP.
Cette étude sera dirigée par une chercheuse canadienne spécialisée en SP, soit la Dre Fang Liu, qui est rattachée au Centre de toxicomanie et de santé mentale, établi à Toronto (Ontario). La Dre Liu recevra plus de 830 000 $ US provenant de l’organisme Fast Forward et de la Société canadienne de la SP pour ce nouveau projet de recherche, qui se distingue par son aspect novateur et son fort potentiel d’impact quant à la progression de la SP.
À propos de l’étude de la Dre Fang Liu
Le projet de recherche de la Dre Liu s’appuie sur les résultats préliminaires d’une étude lancée par cette dernière en 2012 et ayant fait l’objet d’une subvention de fonctionnement de la Société canadienne de la SP. Forts de cet appui financier, la Dre Liu et ses collaborateurs étaient parvenus à mettre au jour une interaction survenant entre des protéines particulières au sein du cerveau et pouvant entraîner la destruction de cellules nerveuses essentielles aux fonctions neurologiques. Cette forme de mort cellulaire, appelée neurodégénérescence, est l’une des principales caractéristiques de la SP progressive et contribue de façon importante à l’accumulation des incapacités. Au cours de ces travaux entrepris en 2012, la Dre Liu et son équipe avaient constaté que le fait de bloquer l’activité des protéines en cause s’accompagnait d’une réduction notable des symptômes que présentaient des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP. Les résultats de cette étude ont été publiés en 2015 dans la revue Annals of Clinical and Translation Neurology.
À la suite de cette étude, la Dre Liu a mis au point deux séries de composés semblables à des médicaments qui pourraient être utilisés pour bloquer le processus neurodégénératif dans le contexte de la SP. Son nouveau projet de recherche, cofinancé par l’organisme Fast Forward et la Société canadienne de la SP, prévoit un grand nombre d’expériences qui relèveront de la recherche translationnelle et dont les résultats attendus sont les suivants :
- améliorer les propriétés des composés pour s’assurer de leur stabilité et de leur capacité à produire un effet;
- déterminer si les composés ont effectivement la capacité de modifier les interactions entre les protéines à l’origine du processus toxique qui altère le système nerveux central;
- établir si les composés présentent des propriétés de type médicamenteux et étudier ces derniers afin de s’assurer qu’ils sont sans danger et qu’ils produisent un effet lorsqu’ils sont administrés par voie orale;
- effectuer des tests pour déterminer si les composés sont sans danger et qu’ils produisent un effet chez les animaux;
- déterminer si les composés sont efficaces et qu’ils peuvent améliorer les fonctions neurologiques chez des animaux atteints d’une maladie semblable à la SP.
La Dre Liu réaffirme la nécessité d’élaborer de nouveaux médicaments puisque seulement 55 p. 100 des personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions) bénéficient d’un traitement efficace, capable de modifier l’évolution de la maladie. De plus, les personnes aux prises avec la SP progressive ne peuvent compter que sur un seul médicament, qui n’a été homologué jusqu’à présent qu’aux États-Unis. Les besoins en matière de traitements visant les processus qui, telle la neurodégénérescence, contribuent à la progression de la SP sont loin d’être comblés. La Société canadienne de la SP a fait un pas en avant considérable en appuyant l’étude que mènera la Dre Liu en vue de l’élaboration de médicaments qui cibleront le processus de neurodégénérescence propre à la SP et qui contribueront ainsi à promouvoir la neuroprotection.
Commentaires
L’étude proposée par la Dre Liu constitue une étape importante dans notre quête d’un traitement novateur contre la SP progressive sous toutes ses formes. La chercheuse a cerné une cible prometteuse qui nous indique la voie à suivre pour la mise au point d’un traitement approprié pouvant faire obstacle au processus neurodégénératif caractéristique de la SP.
Les étapes nécessaires à la traduction des découvertes scientifiques en traitements viables comportent de nombreux risques et exigent d’innombrables ressources et une grande expertise. En collaborant avec l’organisme Fast Forward et en mettant à profit l’expertise de ce partenaire en matière de recherche axée sur l’élaboration de médicaments, la Société canadienne de la SP permettra à la Dre Liu de poursuivre ses travaux de recherche au stade de la recherche préclinique, étape essentielle à la mise au point d’options thérapeutiques transformatrices.