Contexte : Les mécanismes à l’origine des lésions cérébrales caractéristiques de la sclérose en plaques (SP) n’ont pas encore été complètement élucidés.
L’un des signes distinctifs de la SP est la détérioration de la myéline, à savoir la gaine protectrice qui recouvre les fibres nerveuses du système nerveux central (SNC; ensemble constitué par le cerveau et la moelle épinière). Cette démyélinisation perturbe la transmission des influx nerveux du SNC vers le reste de l’organisme et provoque ainsi les divers symptômes ressentis par les personnes qui ont reçu un diagnostic de SP. En outre, ce processus, qui joue un rôle déterminant dans le contexte de la SP, entraîne une inflammation; cela dit, on n’a pas encore fait toute la lumière sur les facteurs déclenchants de cette dernière.
Certaines données probantes indiquent que les signaux inflammatoires observés en cas de SP sont déclenchés par un groupe de protéines appelées inflammasomes, dont l’activation aboutit à une forme de mort cellulaire particulière appelée pyroptose (littéralement « mort par le feu »).
Les mécanismes de mort cellulaire associés à la SP font l’objet de diverses études. Il a été établi que les oligodendrocytes et les cellules de la microglie sont les deux types de cellules qui sont susceptibles de mourir en cas de SP. Les oligodendrocytes, cellules qui produisent la myéline, sont lésées chez les personnes atteintes de cette maladie, mais le mécanisme sous-jacent à la mort de ces cellules demeure une énigme. Il en va de même pour les cellules de la microglie, soit les principales cellules immunitaires du SNC, qui ont pour fonction d’éliminer les débris cellulaires et de stimuler les réponses immunitaires : les facteurs qui régulent leur survie chez les personnes atteintes de SP sont encore à l’étude.
Pour mieux comprendre les causes de l’inflammation et de la mort cellulaire associées à la SP, le Dr Chris Power, qui est neurologue et chercheur à l’Université de l’Alberta, a examiné les mécanismes qui régulent l’inflammation et la mort cellulaire dans le contexte de cette maladie. Les résultats de ces travaux, qui ont été subventionnés par la Société canadienne de la SP et la University Hospital Foundation, ont récemment été publiés dans les Proceedings of the National Academy of the United States of America (PNAS).
Description de l’étude : Analyse du rôle de la mort cellulaire dans la physiopathologie de la SP à l’aide de tissus humains, de modèles animaux de SP et de cultures cellulaires
L’équipe de recherche du Dr Power s’était fixé pour objectif d’examiner des tissus humains prélevés post-mortem, des modèles animaux atteints d’une maladie semblable à la SP et des cultures cellulaires en vue de : 1) déceler la présence de facteurs d’activation des inflammasomes; (2) caractériser le mécanisme selon lequel les inflammasomes provoquent des lésions dans le cerveau; et (3) trouver une cible thérapeutique qui permettrait d’inhiber ces effets destructeurs.
Résultats : Les inflammasomes (groupe de protéines qui contribuent à l’inflammation) provoquent la pyroptose de deux types de cellules qui jouent un rôle dans la SP, soit les cellules de la microglie et les oligodendrocytes.
En examinant des tissus humains prélevés post-mortem, l’équipe de recherche du Dr Power a été en mesure d’identifier des molécules (plus précisément, des facteurs) qui sont associées aux inflammasomes dans le cerveau des personnes atteintes de SP. En outre, elle a découvert que ces facteurs d’activation des inflammasomes peuvent induire la pyroptose, forme de mort cellulaire associée à l’inflammation) des cellules de la microglie et des oligodendrocytes. En poursuivant ses travaux en vue de trouver une éventuelle option thérapeutique, l’équipe a administré à des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP un inhibiteur d’inflammasome, soit le VX-765, qui a atténué l’inflammation du SNC et permis l’amélioration des résultats cliniques chez ces modèles animaux de SP.
Commentaires : En somme, le Dr Power et son équipe de recherche ont décrit un nouveau mécanisme de mort cellulaire associé à la SP et repéré une nouvelle option qui pourrait être utilisée pour le traitement de cette maladie : le VX-765. Ce médicament est en cours d’évaluation dans le cadre d’essais cliniques sur l’épilepsie et il s’est révélé sûr chez l’humain. Cela dit, certaines questions relatives à son utilisation pour le traitement de la SP demeurent en suspens : 1) ce médicament agit-il également sur les mécanismes d’activation des inflammasomes qui sont déclenchés en dehors du SNC et qui ne sont pas liés à la SP, et 2) ce médicament inhiberait-il également les inflammasomes situés hors du SNC qui contribuent à l’évolution de la SP?
En résumé, l’activation des inflammasomes et la pyroptose sont présentées comme des mécanismes qui stimulent l’inflammation et la démyélinisation associées à la SP et qui constituent donc des cibles potentielles offrant la possibilité de mettre au point de nouvelles classes thérapeutiques capables de réduire les lésions subies par les cellules du cerveau.
Source : MCKENZIE, B.A. et coll. « Caspase-1 inhibition prevents glial inflammasome activation and pyroptosis in models of multiple sclerosis », Proc Natl Acad Sci USA, 2018, 115:E6065-e6074.