Contexte
Quelque 80 % des personnes qui sont atteintes de sclérose en plaques (SP) ont une SP cyclique. Cette forme de SP se caractérise par une alternance de poussées (que l’on appelle également « crises » ou « attaques ») et de périodes de rémission durant lesquelles les symptômes de SP ne se manifestent pas.
Pendant des décennies, bon nombre des travaux de recherche sur la SP avaient pour but d’élucider les mécanismes sous-jacents aux poussées (on croit que ces dernières sont imputables à des lésions inflammatoires de la substance blanche provoquées par les cellules immunitaires qui pénètrent dans le système nerveux central [SNC]). Ces travaux ont abouti à la mise au point de traitements qui, en neutralisant les cellules immunitaires et en réduisant l’inflammation, permettent de maîtriser les symptômes de la SP.
Malheureusement, on n’a pas réalisé de tels progrès thérapeutiques dans le cas de la SP progressive, une forme de SP particulièrement invalidante qui se caractérise par des lésions nerveuses importantes entraînant des symptômes et des incapacités plus graves que ceux associés à la SP cyclique. Cela dit, les chercheurs s’emploient à combler ces lacunes thérapeutiques en recueillant le plus d’information possible sur la SP progressive. Ils s’efforcent également de mettre au point des outils adéquats qui permettront aux cliniciens de repérer les personnes dont la SP cyclique risque fort d’évoluer vers une SP progressive et de les traiter le plus tôt et le plus efficacement possible.
Une étude menée par le Dr David Haegert, chercheur à l’Université McGill, et subventionnée par la Société canadienne de la SP a mis en évidence un certain nombre de marqueurs biologiques au sein d’une population de patients dont la SP évolue rapidement. Plus précisément, cette étude fournit des indices clés révélateurs des différences biologiques qui existent entre les diverses formes de SP et pourrait contribuer à la mise au point de techniques permettant de repérer les personnes dont la SP est à un stade avancé.
Description de l’étude
Le Dr Haegert et son équipe, qui comprend deux chercheurs dont les travaux sont également subventionnés par la Société canadienne de la SP (les Drs Jack Antel et Amit Bar-Or), ont étudié plusieurs gènes jouant un rôle dans la fonction immunitaire chez des sujets atteints de SP progressive et chez des sujets en bonne santé (témoins). Ils ont examiné plus précisément les gènes codant pour les protéines exprimées par les lymphocytes T, des globules blancs impliqués dans le processus pathologique de la SP. Pour ce faire, ils ont prélevé des échantillons de sang sur les participants afin d’isoler ces lymphocytes et d’analyser en détail l’ADN qu’ils contiennent, et tout particulièrement, certains gènes dignes d’intérêt. L’étude avait pour objectif global d’établir un lien entre les lymphocytes T et la SP progressive et de déterminer d’éventuelles caractéristiques génétiques de ces cellules qui seraient associées à une évolution rapide de la SP.
Résultats
L’étude a révélé des différences significatives entre les caractéristiques génétiques des lymphocytes T des sujets atteints de SP progressive et celles des sujets en bonne santé. Fait intéressant, elle a également mis en évidence des différences génétiques notables entre les sujets dont la SP avait évolué rapidement et ceux dont la SP était devenue progressive tardivement. Les chercheurs ont découvert par exemple que le gène TOB1 était inactivé chez les sujets dont la SP avait évolué rapidement. Cette observation vient confirmer les résultats d’une récente étude selon lesquels de faibles taux de TOB1 sont associés à un risque accru d’évolution vers une SP certaine chez les personnes qui présentent des signes avant-coureurs de SP. Par ailleurs, le Dr Haegert a identifié d’autres gènes codant pour des protéines exprimées par les lymphocytes T qui étaient activés chez les sujets dont la SP avait évolué rapidement, mais qui ne l’étaient pas chez ceux dont la SP avait évolué tardivement vers une SP progressive. Il a avancé l’hypothèse que les personnes dont la SP évolue rapidement vers une forme progressive sont aux prises avec une forme de SP qui est plus évolutive/fulgurante que les autres.
Commentaires
Les données fournies par cette étude subventionnée par la Société canadienne de la SP viennent enrichir un corpus croissant de données probantes qui étayent l’hypothèse selon laquelle la SP est imputable à un déséquilibre du système immunitaire. Par « déséquilibre du système immunitaire », on entend un déficit en lymphocytes T régulateurs (les « bons » lymphocytes, ceux qui ont pour fonction de réguler le degré d’inflammation) associé à un excès de lymphocytes T auto-réactifs. En se fondant sur les différences génétiques observées dans les lymphocytes T, les chercheurs ont classé les sujets atteints de SP progressive en plusieurs sous-groupes en fonction de la gravité de leur maladie. Ils ont noté que le taux d’expression de certains gènes associés à une grave inflammation était plus élevé dans les lymphocytes T des sujets dont la SP cyclique avait évolué rapidement vers une SP progressive (soit environ 12 ans après l’établissement du diagnostic) que dans ceux des sujets dont la SP cyclique était devenue progressive tardivement (soit environ 25 ans après l’établissement du diagnostic). En somme, cette étude fournit des éléments d’information clés sur les différences biologiques qui existent entre les diverses formes de SP et pourrait contribuer au dépistage des cas de SP cyclique qui risquent d’évoluer rapidement vers une SP progressive.
Source
ZASTEPA E. et coll. « Naive CD4 T-cell activation identifies MS patients having rapid transition to progressive MS », Neurology, 2013 Jan 24 [version électronique publiée avant la version imprimée].