Dans le cadre du processus de découverte de nouveaux médicaments, la recherche translationnelle constitue une étape qui implique de nombreux travaux répétitifs et aux résultats incertains. Les chercheurs procèdent par essais en vue de déterminer si le médicament à l’étude est sans danger et s’il produit des bienfaits auprès d’un modèle animal de la maladie ciblée. C’est au cours de travaux de recherche translationnelle que les chercheurs obtiennent des réponses à des questions cruciales sur les médicaments potentiels : « Quelle est la vitesse d’absorption du médicament à l’étude? Comment se fait sa distribution aux différents tissus? Comment se déroule sa métabolisation et comment est-il excrété? À quelle dose devient-il toxique? » Il importe que les chercheurs trouvent des réponses à toutes ces questions cruciales pour que les médicaments candidats qu’ils étudient puissent constituer un jour des options thérapeutiques efficaces et sans danger.
Ci-dessous, nous vous présentons deux nouvelles études translationnelles que la Société canadienne de la SP et le Centre for Drug Research and Development (CDRD) ont décidé de soutenir conjointement et qui pourraient mener à la mise au point de traitements modificateurs de l’évolution de la sclérose en plaques, au profit des personnes atteintes de SP progressive.
M. David Granville, Ph. D. (Université de la Colombie-Britannique) : le rôle neuroprotecteur d’un inhibiteur de la granzyme B dans le contexte de la SP progressive
La granzyme B est une enzyme qu’utilisent certaines cellules immunitaires pour anéantir les envahisseurs étrangers. Dans le cerveau des personnes atteintes de SP, cette enzyme cible par erreur les cellules nerveuses de son hôte et programme celles-ci pour qu’elles s’autodétruisent. Qui plus est, elle altère le fonctionnement des jeunes cellules nerveuses, les empêchant ainsi de remplacer les cellules lésées et de régénérer le tissu nerveux. M. David Granville, Ph. D., et son équipe ont dépisté un inhibiteur de la Granzyme B, appelé VTI-1003. Des travaux effectués à partir d’un modèle animal de SP ont déjà révélé que cet inhibiteur avait un impact sur la physiopathologie de la SP et qu’il favorisait la régénération neuronale. Cependant, ce médicament candidat devra faire l’objet d’autres travaux de recherche afin que son mode d’action et ses effets puissent être entièrement élucidés. « Avant de procéder à des essais chez l’humain, il est essentiel que nous en sachions plus sur l’innocuité de ce produit, de même que sur son élimination par l’organisme et sur les effets secondaires qu’il peut entraîner », précise M. Granville. Son équipe de recherche, qui s’est vu accorder une subvention de 158 000 $ par la Société de la SP, s’est également donné pour tâche de définir la dose optimale du médicament potentiel, soit la plus petite quantité de ce dernier capable de produire un effet thérapeutique. Comme les chercheurs espèrent que l’inhibiteur de la granzyme B fera un jour l’objet d’essais cliniques, les travaux dirigés par M. Granville pourraient contribuer à la mise au point de futurs traitements.
Dre Rebecca Spain (Université des sciences de la santé de l’Oregon) : amélioration de l’efficacité et de la tolérabilité de l’acide lipoïque en tant que supplément prescrit dans la prise en charge de la SP progressive
Présent dans certains aliments et naturellement produit par notre organisme, l’acide lipoïque est un supplément antioxydant offert en vente libre. Il a été démontré que cette substance pouvait réduire l’inflammation et l’incapacité chez des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP. À l’occasion d’un essai clinique pilote consacré à l’acide lipoïque, la Dre Rebecca Spain et ses collaborateurs ont pu constater que ce supplément pouvait atténuer l’atrophie cérébrale, ce qui suggère que ce dernier aurait un effet protecteur sur le cerveau dans le contexte de la SP. Cependant, bon nombre des participants à cet essai avaient éprouvé des malaises gastriques et rapporté d’autres effets secondaires connexes, liés à la prise d’acide lipoïque. Par ailleurs, en analysant les prélèvements sanguins effectués dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont aussi observé une variation de l’absorption de la quantité d’acide lipoïque parmi les participants. En collaboration avec le CDRD et grâce à une subvention de 126 800 $ attribuée par la Société de la SP, la Dre Spain s’appliquera à élaborer une forme d’acide lipoïque qui sera exempte d’effets secondaires désagréables et dont la pénétration dans le sang sera plus uniforme d’une personne à l’autre. « Une meilleure tolérabilité de l’acide lipoïque administré par voie orale fera qu’un nombre accru de personnes pourront prendre ce supplément sans avoir à éprouver de désagréments, et il est probable qu’une absorption plus constante de cette substance se traduira par un effet thérapeutique plus uniforme d’une personne à l’autre », explique la Dre Spain.
En finançant des travaux de recherche translationnelle de concert avec le CDRD, la Société de la SP a saisi l’occasion de relever des défis propres au processus de découverte de nouveaux médicaments. « Tandis que bon nombre de cibles semblent prometteuses dans le cadre d’études portant sur des cellules ou des modèles animaux, il importe de cerner les options thérapeutiques au potentiel élevé pour l’humain et de traduire nos résultats de recherche en solutions cliniques », ajoute M. Granville. Grâce aux infrastructures et à l’expertise du CDRD dans la mise au point et la commercialisation des médicaments, des cibles très prometteuses, comme celles qui intéressent les chercheurs Granville et Spain, peuvent être soumises à des études de niveau supérieur et pourraient mener à la mise au point éventuelle de traitements. La Dre Spain insiste sur l’importance du processus de découverte de nouveaux médicaments : « Ce processus de va-et-vient entre la recherche fondamentale, la recherche translationnelle et la pratique clinique – qui permet la réalisation de nouvelles expériences et l’approfondissement de nos connaissances sur les médicaments candidats – est essentiel à l’élaboration de traitements au profil d’efficacité optimal et, ultimement, à la découverte d’un remède contre la SP. »