Selon une étude financée par la FRSSP, une remyélinisation efficace dépend de l’élimination des débris de myéline par des cellules immunitaires spécialisées

Contexte

La sclérose en plaques se caractérise par la dégradation de la gaine de myéline des fibres nerveuses du système nerveux central (SNC), phénomène baptisé démyélinisation. Le processus contraire, soit la réparation naturelle de la myéline, est appelé remyélinisation. Or, ce processus s’avère compromis dans le contexte de la SP, en particulier dans les formes progressives de cette maladie où la démyélinisation l’emporte sur la remyélinisation, entraînant du coup une dégénérescence neuronale chronique et une accumulation de l’incapacité.

Le bon fonctionnement des mécanismes de la remyélinisation peut être entravé par l’agglomération de débris de myéline aux sites de démyélinisation. Des cellules immunitaires spécialisées sont alors dépêchées sur les lieux pour éliminer ces débris par phagocytose, processus impliquant l’absorption et la destruction de ces particules gênantes. Deux types de cellules immunitaires participent à ce processus : la microglie et les macrophages. Ces cellules ayant toujours été considérées comme nocives dans le contexte de la SP en raison de leur action pro-inflammatoire dans la réaction auto-immune, leur rôle bénéfique potentiel dans la stimulation d’une remyélinisation efficace par l’élimination des débris de myéline n’a pratiquement jamais été étudié.

De nouvelles données issues d’une étude subventionnée par la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP (FRSSP) ont permis d’établir un lien entre l’élimination des débris de myéline par la microglie et la remyélinisation. Cette étude collaborative multicentrique, menée par le Dr Peter Stys et ses collaborateurs, a été présentée dans l’édition du mois de mars de la revue Journal of Experimental Medicine.

Description de l’étude

L’étude prévoyait l’utilisation de diverses techniques génétiques, biochimiques et moléculaires réalisées auprès de souris pour définir les rôles joués par la microglie et les macrophages durant les processus de démyélinisation et de remyélinisation. Ainsi, les chercheurs ont pu cibler et désactiver des récepteurs (protéines présentes à la surface des cellules, qui se lient à des composés chimiques et modifient le fonctionnement cellulaire) particuliers à chaque type de cellule immunitaire afin de maîtriser l’activité de ces derniers et de les empêcher d’accéder aux sites de démyélinisation.

Les souris ont été modifiées génétiquement. Certaines ont été dépourvues du récepteur CCR2, qui favorise l’infiltration des macrophages dans le SNC, et d’autres, du récepteur CX3CR1, qui intervient dans l’activation et la migration des cellules microgliales. Trois groupes de souris ont été formés : le premier comprenait celles chez qui le CCR2 était désactivé; le second, celles chez qui le CX3CR1 était désactivé; et le troisième, des congénères intactes.

Les chercheurs ont ensuite induit dans les souris modifiées génétiquement une maladie semblable à la SP, au moyen de la cuprizone, molécule provoquant une démyélinisation étendue du SNC. Après avoir cessé l’administration de la cuprizone durant quelques semaines, ils ont étudié le processus de remyélinisation ainsi que l’activité et la mobilisation des cellules microgliales et des macrophages chez les souris des groupes d’essai. Ils ont également mesuré divers aspects de l’activité phagocytaire pour évaluer les effets des modifications génétiques sur l’élimination des débris de myéline.

Résultats

D’abord, les chercheurs ont bloqué l’accès des macrophages aux sites de démyélinisation chez les souris dépourvues de CCR2 afin d’étudier le rôle de ces cellules dans la réparation de la myéline. Ils ont alors constaté que l’absence de macrophages n’avait aucun effet sur la démyélinisation ni sur la remyélinisation, ce qui donne à penser que ces cellules n’interviennent pas dans la réparation de la myéline.

Lorsque les chercheurs ont suivi le processus de démyélinisation chez les souris dépourvues de CX3CR1 (dont les cellules microgliales étaient dysfonctionnelles), ils ont remarqué que la phagocytose des débris de myéline était sévèrement entravée, ce qui empêchait le déroulement normal de la remyélinisation. Même si le taux de remyélinisation n’était pas affecté chez ces souris, le processus de réparation était désorganisé et comportait certaines lacunes, ce qui laisse supposer que le blocage de l’élimination des débris de myéline par les cellules microgliales, à la suite d’une démyélinisation, nuit à la remyélinisation.

Commentaires

Cette étude met au jour une nouvelle cible thérapeutique prometteuse pour le traitement des formes progressives de SP puisqu’elle pourrait favoriser un processus efficace de remyélinisation des tissus du SNC où des lésions chroniques se sont formées. Le profil de remyélinisation anormal établi chez les souris présentant une activité microgliale déficiente met en évidence la grande capacité du CX3CR1 à promouvoir l’élimination des débris de myéline et le déroulement sans entraves de la remyélinisation.

Les auteurs avancent que la stimulation de la phagocytose par la microglie pourrait faire partie d’un traitement global visant, d’une part, à stimuler la réparation de la myéline et, d’autre part, à contrer la réaction inflammatoire néfaste. Une question demeure cependant sans réponse : la promotion de la remyélinisation induite par la microglie peut-elle générer des bienfaits clairs et démontrables, qui auraient pour effet de stopper la progression de l’incapacité? Pour obtenir la réponse à cette question, il faudrait pouvoir disposer d’un plus grand nombre de modèles animaux fiables et validés de la SP progressive. Néanmoins, les données issues de l’étude dont il est question ici nous aideront considérablement à mieux comprendre les mécanismes de la remyélinisation et à mettre au point de nouvelles options thérapeutiques pour les personnes aux prises avec une forme progressive de SP.

Source

LAMPRON, A. et coll. « Inefficient clearance of myelin debris by microglia impairs remyelinating process », J Exp Med, 2015. [Diffusion en ligne avant impression].