Contexte : Le rôle du sodium alimentaire (sel) dans les maladies auto-immunes
Les maladies auto-immunes sont définies comme le résultat d’attaques immunitaires erronées contre les cellules et les tissus de l’organisme. De nombreux efforts ont été déployés en vue de la découverte des types de cellules impliquées dans ces réponses ainsi que des anomalies génétiques à l’origine du dysfonctionnement cellulaire. De nouvelles études portent maintenant sur le rôle de l’environnement et du mode de vie dans la survenue des maladies auto-immunes, en particulier dans le contexte d’une augmentation notable de l’incidence de ces maladies depuis quelques décennies.
Les résultats de trois études sur le rôle du sodium alimentaire (NaCl2) dans l’activité des cellules immunitaires ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature. Ils montrent, en général, qu’une concentration élevée de sodium dans le sang peut mener à la production d’un type particulier de cellules T, qui interviennent dans l’auto-immunité. Cette sous-population de cellules T, à savoir les cellules Th17, contribue au déclenchement de l’EAE, maladie animale semblable à la SP.
Les Drs David Hafler et Markus Kleinewietfeld (Université Yale et Institut Broad de Harvard et du MIT), les Drs Vijay Kuchroo, Aviv Regev et Chuan Wu (École de médecine de l’Université Harvard et Institut Broad de Harvard et du MIT) et les Drs Regev, Kuchroo et Nir Yosef (Institut Broad de Harvard et du MIT) rendent compte de leurs études sur les effets du sodium sur les cellules Th17, effectuées à l’aide de modèles animaux et de techniques avancées de culture cellulaire.
Description des études
L’équipe du Dr Hafler a exposé des cellules T naïves (cellules immunitaires non encore différenciées en sous-type particulier) à des concentrations élevées de sodium. Les chercheurs ont alors constaté que les cellules naïves se différenciaient en cellules Th17, qui jouent un rôle primordial dans l’auto-immunité. Ils ont également remarqué que la présence de sodium entraînait l’expression d’une molécule favorisant l’inflammation, réaction à l’origine de la détérioration observée dans le champ des maladies auto-immunes comme la SP. Par exemple, la concentration de la molécule CCR6 s’est élevée sous une exposition au sodium; or, la CCR6 est indispensable à l’activité des cellules Th17. Par ailleurs, les effets d’un régime hypersodique sur le modèle murin (souris) de la SP ont également été mesurés. Résultat : une faible augmentation de la concentration en sodium accélère le déclenchement de l’EAE et aggrave le processus pathologique (en anglais seulement).
Pour sa part, l’équipe du Dr Kuchroo s’est penchée sur les effets du sodium sur une protéine particulière, la kinase régulée par les glucocorticoïdes et le sérum de type 1 (SGK1), molécule génératrice des effets nocifs des cellules Th17. Selon les résultats obtenus, un accroissement de la concentration en sodium fait s’élever le taux de la protéine SGK1, et du coup, entraîne une augmentation de l’expression de molécules qui favorisent la production de cellules Th17 (en anglais seulement). Lors d’une expérimentation de suivi, des souris normales et des souris dépourvues de la protéine SGK1 ont été soumises à un régime hypersodique. Au bout de trois semaines, ces dernières présentaient un niveau affaibli de cellules Th17 et une diminution de la gravité de l’EAE, comparativement aux premières.
La troisième étude, dirigée par le Dr Regev, a fourni des données probantes sur le réseau très complexe des molécules de signalisation qui régissent la réponse des cellules Th17 (en anglais seulement). Dans son compte rendu, l’équipe révèle que l’interleukine-17, connue pour sa contribution importante à l’auto-immunité induite par un apport élevé en sodium, joue un rôle important dans ce réseau, tel que cela a été décrit dans l’article au sujet de l’étude dirigée par le Dr Kuchroo.
Portée
Ces trois études mettent au jour le rôle primordial des cellules Th17 dans l’auto-immunité. Or, l’activité de ces cellules dépend de mécanismes déclenchés par un certain nombre de signaux. Il faudra donc découvrir la voie de signalisation en cause avant de pouvoir élaborer des traitements contre les maladies auto-immunes comme la SP. Le lien entre l’activité des cellules Th17 et le sodium constitue une nouvelle piste de recherche dans le domaine des facteurs de risque environnementaux (tel le régime alimentaire) des maladies auto-immunes. Il importe de garder à l’esprit que la portée de ces études sur le plan clinique et sur celui de la réglementation en matière de nutrition n’est pas encore connue, étant donné que les analyses de laboratoire ne sont pas terminées. Cela dit, le lien entre le sodium alimentaire et l’activité de la SP doit être scruté davantage.
M. Kleinewietfeld et coll. « Sodium chloride drives autoimmune disease by the induction of pathogenic TH17 cells », Nature, 6 mars 2013. [Publié en ligne avant impression]
C. Wu et coll. « Induction of pathogenic TH17 cells by inducible salt-sensing kinase SGK1 », Nature, 6 mars 2013. [Publié en ligne avant impression]
N. Yosef et coll. « Dynamic regulatory network controlling TH17 cell differentiation », Nature, 6 mars 2013. [Publié en ligne avant impression]