Une étude menée à Ottawa fait ressortir les effets neuroprotecteurs de la course chez un modèle murin de neurodégénération et met en évidence une protéine médiatrice clé

Contexte

L’activité physique – en particulier l’entraînement contre résistance comportant des levers de poids et l’entraînement cardiovasculaire, comme la course ou la nage – constitue aujourd’hui un élément clé de la prise en charge de la sclérose en plaques (SP). En effet, bien que la collectivité de la recherche ait longtemps considéré l’exercice comme nocif pour les personnes atteintes de SP, elle reconnaît maintenant que celui-ci permet de soulager certains symptômes et d’améliorer la santé en général. Une question demeure toutefois sans réponse : l’activité physique peut-elle entraver le processus pathologique sous-jacent de la SP ou, du moins, avoir un impact sur celui-ci?

Une équipe de chercheurs travaillant au sein du laboratoire du Dr David Picketts, à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, a publié des données probantes qui démontrent que la course peut retarder la progression de la neurodégénérescence et favoriser la régénérescence. Les résultats de leurs travaux, publiés au début du mois d’octobre dans la revue Cell Reports, ont essentiellement été réalisés auprès d’un modèle murin qui présentait des lésions nerveuses au cervelet (situé à la base du cerveau) ainsi qu’une altération des fonctions motrices. L’auteur principal, le Dr Matías Alvarez-Saavedra, et son équipe ont utilisé ce modèle pour étudier les effets de l’exercice sur la régénérescence, la neuroprotection et la neurodégénérescence. Leurs travaux leur ont par ailleurs permis de mettre en évidence une protéine qui pourrait jouer un rôle important dans les processus de réparation.

Description de l’étude

Au moyen de manipulations génétiques, l’équipe du Dr Alvarez-Saavedra a créé un modèle murin qui présentait une neurodégénérescence (mort de cellules nerveuses), une altération de la mobilité, une diminution du gain pondéral et une survie écourtée. Tenant compte de résultats de recherche précédents qui avaient démontré que l’activité physique pouvait influer sur la régénération neuronale et freiner la neurodégénérescence, les chercheurs ont émis l’hypothèse que l’exercice favoriserait une amélioration chez les souris et que celles-ci leur permettraient de se pencher sur les mécanismes potentiels des réponses observées.

Les chercheurs ont fourni aux souris une roue d’exercice, qu’elles ont pu utiliser librement, sans y être amenées. Ils ont par la suite constaté des changements en lien avec la survie, l’équilibre, le poids et diverses fonctions chez les souris qui avaient couru dans la roue d’exercice de façon volontaire. Puis, les chercheurs ont analysé des échantillons de cerveaux provenant des souris qui avaient eu accès à la roue d’exercice et les ont comparés avec ceux de souris qui n’avaient pas eu accès à cet accessoire et à ceux de souris qui n’avaient pas subi de modifications génétiques (souris témoins). Ils ont mesuré les niveaux de marqueurs spécifiques du développement des oligodendrocytes et de la production de la myéline. Enfin, les chercheurs ont aussi évalué les taux de protéines et de gènes particuliers afin de déterminer si l’exercice influait sur certains d’entre eux et, le cas échéant, s’ils pouvaient contribuer aux processus de réparation et de neuroprotection dans le système nerveux central.

Résultats

Les chercheurs ont observé une survie prolongée, un gain pondéral accru, une amélioration quotidienne de la distance parcourue et une réduction des déficits moteurs chez les souris qui avaient subi des modifications génétiques et qui présentaient une neurodégénérescence et des troubles de la mobilité, mais qui avaient couru de façon volontaire dans la roue d’exercice.

En examinant les échantillons de tissu cérébral dont ils disposaient, les chercheurs ont constaté une augmentation des valeurs relatives au développement des oligodendrocytes dans le cervelet endommagé des souris, ce qui suggère que la production d’oligodendrocytes pourrait avoir contribué à la rémission de ces dernières après l’exercice. Les valeurs obtenues quant aux marqueurs d’oligodendrocytes arrivés à pleine maturité étaient également accrues chez les souris ayant utilisé la roue d’exercice en comparaison des souris sédentaires et des souris témoins.

En essayant de déterminer si l’augmentation du nombre d’oligodendrocytes avait favorisé la production de myéline, les chercheurs ont constaté la présence de cette substance autour des précurseurs d’oligodendrocytes (cellules n’étant pas arrivées à maturité), ce qu’ils n’ont pu observer chez les souris non actives. Les chercheurs supposent donc qu’une myélinisation accrue a un effet protecteur sur les cellules nerveuses dans le cervelet et renforce la fonction de ces dernières.

Le séquençage génétique auquel ont procédé les chercheurs a révélé une augmentation de l’expression de près de 2 300 gènes. Parmi ceux-ci figuraient des gènes associés à la neurotransmission (communication entre les cellules nerveuses) ainsi qu’au fonctionnement et à la survie des nerfs. En particulier, les résultats de ce séquençage ont corroboré des constatations antérieures selon lesquelles une protéine appelée « facteur de croissance nerveuse VGF » se trouverait en plus grande quantité chez les souris actives comparativement aux souris sédentaires. Les chercheurs ont aussi constaté que la protéine VGF avait stimulé la production et la croissance des oligodendrocytes, ce qui pourrait expliquer l’amélioration de la condition physique des souris ayant couru de façon volontaire dans la roue d’exercice. En plus d’avoir un impact sur les oligodendrocytes, la protéine VGF a des effets antidépresseurs et contribue au maintien des niveaux de protéines propices à la survie des cellules nerveuses et à la fonction cérébrale.

Commentaires

Dans l’ensemble, l’étude du modèle murin de neurodégénérescence et de troubles de la mobilité a révélé que l’activité physique permise par la roue d’exercice avait favorisé la survie et le bon fonctionnement des cellules nerveuses, et ce, en permettant la production de myéline et en stimulant le développement des cellules productrices de myéline. L’équipe de recherche a aussi mis en évidence le rôle clé de la protéine VGF dans ce processus neuroprotecteur, ce qui n’est pas surprenant puisqu’il avait déjà été démontré que l’exercice favorisait la hausse des niveaux de cette protéine. L’étude présentée ici est particulièrement pertinente en ce qui concerne la SP, maladie caractérisée par une détérioration de la myéline entraînant un cortège de symptômes neurologiques et d’incapacités irréversibles. De plus, comme la réparation de la myéline semble entravée ou ralentie chez les gens atteints de SP, toute approche favorisant la croissance des oligodendrocytes et la production de myéline devrait constituer une priorité thérapeutique.

Les résultats de cette étude démontrent que la course peut avoir eu un impact direct sur la remyélinisation et la neuroprotection, ce qui contribue à enrichir le volume de données probantes corroborant les bienfaits de l’exercice chez les personnes atteintes de SP. La Société canadienne de la SP a récemment accordé au Dr Picketts une subvention destinée à financer la prochaine phase de cette étude. L’objectif du chercheur consistera alors à étudier le processus selon lequel la protéine VGF stimule la remyélinisation ainsi qu’à trouver des approches thérapeutiques faisant appel à des molécules capables d’influer sur la voie empruntée par la protéine VGF et de favoriser la remyélinisation.

Source

ALVAREZ-SAAVEDRA, M. et coll. « Voluntary Running Triggers VGF-Mediated Oligodendrogenesis to Prolong the Lifespan of Snf2h-Null Ataxic Mice », Cell Reports, 2016; 17(3), 862-875.