Contexte
Les bactéries présentes dans notre intestin – également désignées comme le microbiote intestinal ou la flore intestinale – et notre système immunitaire sont étroitement liés : le microbiote peut exercer une influence sur le système immunitaire, alors que ce dernier contrôle le premier. Un nombre croissant de données probantes laissent croire que, dans certains cas, des changements dans les espèces ou le nombre de bactéries intestinales peuvent entraîner des modifications fondamentales du comportement des cellules immunitaires, provoquant ainsi de l’inflammation et, chez certaines personnes, l’apparition de la SP.
On croit que les enfants sont particulièrement vulnérables, étant donné que la flore intestinale joue un rôle central dans le bon développement de leur système immunitaire. Afin d’explorer le lien potentiel entre le microbiote intestinal et la SP pédiatrique, la Dre Helen Tremlett (Université de la Colombie-Britannique) a lancé une étude pilote de faible envergure. Ses travaux allaient mener à la création d’un partenariat avec le Réseau canadien pour les maladies démyélinisantes pédiatriques et le réseau états-unien baptisé Network of Pediatric MS Centers. Le groupe a entrepris une étude coopérative beaucoup plus vaste que la première, financée par la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP, dans le but d’établir la relation entre la flore intestinale et la SP pédiatrique. Les résultats de l’étude pilote de la Dre Tremlett, qui a jeté les bases du projet coopératif subséquent, ont été publiés dans la revue scientifique Journal of the Neurological Sciences.
Description de l’étude
Des échantillons de selles ont été recueillis auprès de 17 enfants et adolescents atteints de SP. Selon les chercheurs, tous les participants en étaient aux tout premiers stades de la maladie – moins de deux ans s’étaient écoulés depuis l’apparition des symptômes.
L’ADN bactérien a été extrait des échantillons de selles et analysé pour donner aux chercheurs un aperçu du microbiote intestinal des jeunes participants. Puis, ces derniers ont été suivis durant 20 mois en moyenne afin de dépister tout signe de poussée. En comparant la population bactérienne des participants ayant subi une poussée à ceux qui n’en avaient pas subi, les chercheurs ont pu lier certaines bactéries au risque de poussée.
Résultats
L’équipe a associé l’absence d’une espèce bactérienne particulière dans le microbiote – du genre Fusobacterium – à une augmentation du risque de poussée. En effet, au cours de l’étude, les participants non porteurs de cette espèce de bactéries couraient 3,2 fois plus de risques de subir une poussée avant ceux dont la flore intestinale comportait des bactéries du genre Fusobacterium.
Commentaires
Cette étude pilote constituait une première étape importante dans l’établissement d’une relation entre l’absence d’une espèce bactérienne particulière et le risque de poussée dans le contexte de la SP pédiatrique. Les chercheurs ont constaté que la présence de bactéries du genre Fusobacterium dans la flore intestinale avait des conséquences à la fois positives et négatives – parmi les conséquences négatives, mentionnons le cancer colorectal, maladie moins fréquente chez les personnes atteintes de SP que dans la population en général. L’équipe a souligné que les analyses devraient être poursuivies afin de déterminer l’espèce précise de bactéries du genre Fusobacterium associée à la diminution du risque de poussée et de mettre au jour les mécanismes moléculaires en jeu.
Les observations de la Dre Tremlett s’inscrivent dans une perspective élargie selon laquelle des changements inhabituels dans la composition du microbiote intestinal pourraient contribuer à déclencher la SP ou à en favoriser l’apparition, non seulement chez l’enfant, mais chez toutes les personnes à risque élevé de sclérose en plaques. Les travaux de la Dre Tremlett, de même que ceux de ses collaborateurs scientifiques du Réseau canadien pour les maladies démyélinisantes pédiatriques et du réseau états-unien baptisé Network of Pediatric MS Centers, continueront de fournir des réponses à des questions fondamentales sur les mécanismes par lesquels la flore intestinale altère le fonctionnement des cellules immunitaires et pourrait déclencher ou aggraver les symptômes de SP.
Source
TREMLETT, H. et coll. « Gut microbiota composition and relapse risk in pediatric MS: A pilot study », Journal of the Neurological Sciences, 2016, 363: 153-157.