Contexte
La vitamine D, que l’on appelle parfois la « vitamine du soleil », est produite par l’organisme lorsque la peau est exposée aux rayons ultraviolets B (UVB) émis par le soleil. On en trouve également dans certains aliments tels que les poissons gras et les aliments enrichis (comme le lait). On peut aussi en prendre sous forme de suppléments.
Nombreuses sont les personnes qui auront à un moment ou à un autre une carence en vitamine D, parce qu’elles n’ont pas suffisamment été exposées aux UVB (problème observé durant l’hiver) et parce qu’elles ont une alimentation pauvre en vitamine D. Or, bon nombre de travaux de recherche ont démontré que la carence en vitamine D est liée à une augmentation du risque de sclérose en plaques (SP), et certaines données probantes indiquent qu’elle est associée à une aggravation de cette maladie.
La carence en vitamine D est particulièrement répandue chez les femmes âgées de 15 à 40 ans et elle s’aggrave durant la grossesse. C’est pourquoi il y a lieu d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de la prise de suppléments de vitamine D dans le cadre du traitement de la SP chez les femmes enceintes qui ont un faible taux de vitamine D. Une équipe de chercheurs de la University of Medical Sciences (université des sciences médicales) d’Ispahan, en Iran, a commencé à s’intéresser à la question. Elle a mené une étude exploratoire préliminaire, dont les résultats ont été publiés dans l’Iranian Journal of Neurology, afin d’examiner les effets de la prise de fortes doses de vitamine D chez des femmes enceintes atteintes de SP.
Description de l’étude
L’étude en question a été menée en mode ouvert, c’est-à-dire que les participantes savaient quel traitement leur était administré au même titre que les chercheurs. En tout, 15 femmes enceintes âgées de 20 à 40 ans, qui étaient toutes atteintes de SP et qui avaient un faible taux sanguin de vitamine D, ont été admises à cette étude.
Les participantes ont été réparties au hasard entre deux groupes de traitement. Le premier groupe, qui comptait 6 patientes, a reçu 50 000 UI de vitamine D une fois par semaine par voie orale (soit une dose de vitamine D très élevée comparativement à l’apport nutritionnel recommandé [ANR] par Santé Canada) en plus des soins usuels. Quant au second groupe, qui était composé de 9 patientes, il n’a reçu que les soins usuels. Les patientes des deux groupes ont commencé à prendre le traitement qui leur avait été attribué de 12 à 16 semaines après le début de leur grossesse et ont poursuivi celui-ci jusqu’à leur accouchement.
Les patientes ont été évaluées toutes les 8 semaines jusqu’à leur accouchement, puis six mois après celui-ci. Au cours de ces évaluations, les chercheurs ont mesuré leur taux sanguin de 25(OH)D (métabolite de la vitamine D utilisé comme marqueur standard). Ils ont également effectué un suivi des rechutes et évalué la gravité des incapacités (au moyen de l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke ou échelle EDSS).
Résultats
Les chercheurs étaient bien conscients que cette étude pilote préliminaire menée auprès d’une poignée de patientes ne permettrait pas d’établir avec précision les effets de l’administration de fortes doses de vitamine D sur la fréquence des poussées de SP et sur les incapacités liées à cette maladie durant la grossesse. Ils s’étaient donc donné pour objectif de recueillir des données préliminaires qui serviraient de base à la réalisation d’études subséquentes plus rigoureuses et de plus grande envergure.
La fréquence globale des poussées a diminué durant la grossesse et les 6 mois qui ont suivi l’accouchement, tant chez les femmes qui avaient reçu des suppléments de vitamine D que chez celles qui avaient reçu uniquement les soins usuels. Plus précisément, les femmes qui ont pris de la vitamine D n’ont subi aucune poussée au cours des 6 mois qui ont suivi leur accouchement. Cela dit, la prise de vitamine D n’a pas eu d’effet significatif sur la différence constatée dans les deux groupes quant à la fréquence des poussées.
Par ailleurs, 6 mois après leur accouchement, les femmes qui n’avaient reçu que les soins usuels ont obtenu un score moyen à l’échelle EDSS légèrement plus élevé que celles qui avaient pris des suppléments de vitamine D.
Les chercheurs ont constaté également qu’après 6 mois de suivi, le taux sanguin de vitamine D des femmes qui avaient reçu des suppléments était significativement plus élevé que celui des femmes qui n’avaient reçu que les soins usuels, comme on pouvait s’y attendre.
Commentaires
Selon les résultats de cette étude, l’administration de fortes doses de vitamine D durant la grossesse influerait sur les incapacités liées à la SP, mais elle n’aurait pas d’incidence sur la fréquence des poussées. Le taux de vitamine D des patientes qui ont reçu la supplémentation en vitamine D est demeuré élevé jusqu’à 6 mois après l’administration de la dernière dose de suppléments. Les données recueillies dans le cadre de cette étude viennent enrichir le corpus croissant de données probantes qui étayent les bienfaits potentiels que pourrait procurer la prise de vitamine D en matière de prise en charge des incapacités liées à la SP. Qui plus est, cette étude est l’une des premières études qui consistaient à évaluer l’efficacité de l’administration de fortes doses de vitamine D dans le cadre du traitement de la SP durant la grossesse, période qui se caractérise normalement par une diminution du taux de vitamine D.
Cela dit, il importe de souligner qu’il s’agissait d’une étude préliminaire qui avait pour but de favoriser la réalisation d’autres travaux de recherche. Les chercheurs reconnaissent en effet qu’il faudra mener des essais à double insu rigoureux et de grande envergure en vue d’établir l’innocuité et l’efficacité de la prise de fortes doses de vitamine D dans le cadre du traitement de la SP chez la femme enceinte. En outre, avant de pouvoir recommander l’intégration d’une telle stratégie thérapeutique aux soins usuels qui sont prodigués aux femmes enceintes atteintes de SP, il faudra impérativement mener d’autres études visant à reproduire et à valider ces résultats préliminaires. Il faudra également réaliser des essais permettant de surveiller les éventuels effets à long terme de la supplémentation en vitamine D sur la mère et sur l’enfant (les lignes directrices générales relatives à la prise de suppléments de vitamine D durant la grossesse et notamment aux effets secondaires d’un apport excessif de vitamine D pendant une période prolongée se trouvent sur le site Web de l’Organisation mondiale de la santé).
Référence
ETEMADIFAR, M. et coll. « Efficacy of high-dose vitamin D3 supplementation in vitamin D deficient pregnant women with multiple sclerosis: Preliminary findings of a randomized-controlled trial », Iranian Journal of Neurology, 2015, 14(2): 67-73.