Contexte
Deux processus peuvent être à l’origine de la détérioration de la myéline et des lésions cérébrales qui lui sont associées chez les personnes atteintes de sclérose en plaques (SP). Dans le cas du premier processus, que l’on pourrait qualifier d’« exogène » (outside-in en anglais), des cellules inflammatoires qui se trouvent normalement à l’extérieur du système nerveux central pénètrent à l’intérieur de celui-ci pour s’attaquer à la myéline et provoquer ainsi des lésions nerveuses. Dans le cas du deuxième processus, que l’on pourrait qualifier d’« endogène » (inside-out en anglais), ce sont des changements qui surviennent au sein même du système nerveux central qui sont la cause des graves lésions subies par les cellules productrices de myéline (les oligodendrocytes). Dans un cas comme dans l’autre, la destruction des cellules nerveuses et des oligodendrocytes entraîne chez les personnes atteintes de SP des lésions tissulaires importantes, tout un cortège de symptômes et des incapacités irréversibles.
Étant donné que la production de la myéline par les oligodendrocytes mobilise beaucoup d’énergie, les scientifiques croient que des altérations du métabolisme énergétique (processus de production et de consommation d’énergie) des cellules nerveuses comptent parmi les facteurs qui entrent en jeu dans le processus endogène qui aboutit à la formation des lésions cérébrales. Des chercheurs de l’Université McGill étudient une stratégie prometteuse axée sur la neuroprotection, qui a pour but de prévenir les lésions des fibres nerveuses et de favoriser la remyélinisation de celles qui ont déjà été lésées, en examinant de plus près le métabolisme énergétique de certains types de cellules. Récemment, les Drs Tim Kennedy et Jack Antel, et une stagiaire titulaires d’une bourse de la Société canadienne de la SP, Diane Nakamura, ont publié dans la revue Scientific Reports les résultats d’une étude subventionnée par la Société canadienne de la SP durant laquelle ils ont observé le comportement d’une population de cellules afin de savoir si un composé expérimental appelé « RNS60 » était capable d’assurer la préservation de la myéline et de favoriser la remyélinisation.
Description de l’étude
Pour évaluer le potentiel thérapeutique du RNS60, les chercheurs ont prélevé chez des rats des oligodendrocytes immatures (appelés « précurseurs d’oligodendrocytes » ou PO) dont ils ont stimulé la maturation pour que ceux-ci deviennent des oligodendrocytes. Puis, ils ont privé ces oligodendrocytes de glucose et d’autres nutriments en vue de reproduire le processus endogène qui est à l’origine de la formation de nombreuses lésions de SP.
Les oligodendrocytes ont été divisés en deux groupes. Le premier groupe a été traité par le RNS60; le second groupe, qui servait de témoin, n’a pas subi de traitement. Pour déterminer les effets du RNS60, les chercheurs ont évalué plusieurs facteurs ‒ tels le métabolisme énergétique, les lésions cellulaires, la maturation des PO et la survie des oligodendrocytes ‒ qui ont servi de marqueurs (c’est-à-dire d’indicateurs) de la préservation de la myéline et de la remyélinisation.
Résultats
Les chercheurs ont noté que les oligodendrocytes privés de glucose qui ont été traités par le RNS60 présentaient moins de signes évocateurs de lésions que les oligodendrocytes témoins. De plus, le métabolisme énergétique s’est accru en présence du RNS60. Il s’agit là d’un résultat positif, puisque l’on sait que la préservation de la myéline nécessite normalement une grande quantité d’énergie.
Qui plus est, les chercheurs ont constaté que le taux de survie des oligodendrocytes privés de glucose qui ont été traités par le RNS60 a été plus élevé que celui des oligodendrocytes témoins. Le traitement par le RNS60 a également été associé à une amélioration de la maturation des PO, qui témoigne d’un renforcement de la capacité de ces cellules à favoriser la remyélinisation au sein des lésions causées par la SP et à assurer une préservation optimale de la myéline.
Commentaires
Cette étude démontre que le composé expérimental RNS60 est un candidat prometteur dans le cadre d’une stratégie thérapeutique visant à protéger les fibres nerveuses et à favoriser la remyélinisation au sein des lésions de la myéline dont le processus de formation est endogène. Étant donné qu’il protège les oligodendrocytes des effets néfastes du stress métabolique, le RNS60 pourrait devenir un jour une solution de rechange aux traitements modificateurs de l’évolution de la SP, qui agissent sur le système immunitaire pour désamorcer le processus inflammatoire exogène également incriminé dans la formation des lésions nerveuses.
Il convient de souligner toutefois que le RNS60 en est encore aux tout premiers stades du processus de recherche expérimentale. Ce composé devra faire l’objet d’études approfondies chez des animaux porteurs d’une maladie semblable à la SP avant que des chercheurs puissent, à son sujet, passer à l’étape suivante du processus d’élaboration de traitements, qui est celle des études cliniques. Le RNS60 fait partie d’une nouvelle classe de traitements expérimentaux qui s’inscrivent dans le cadre de stratégies thérapeutiques axées sur la neuroprotection et la remyélinisation. Cette classe thérapeutique en pleine expansion comprend également des médicaments potentiels dont le processus d’élaboration est plus avancé que celui du RNS60, comme ceux qui sont mis au point par les Drs Véronique Miron et David Granville, avec l’aide des experts du Centre for Drug Research and Development (CDRD), dans le cadre de travaux subventionnés par la Société canadienne de la SP. Les travaux de recherche soutenus qui se poursuivent dans les domaines de la neuroprotection et de la remyélinisation ouvrent de meilleures perspectives pour la mise au point de nouveaux médicaments destinés au traitement des formes progressives de SP, contre lesquelles les traitements modificateurs de l’évolution de la maladie qui sont offerts actuellement se sont révélés relativement inefficaces.
Référence
RAO, V.T. et coll. « Potential Benefit of the Charge-Stabilized Nanostructure Saline RNS60 for Myelin Maintenance and Repair », Sci Rep, 2016, 6:30020.