Afficher ou imprimer ce document dans son format original.
Résumé
Selon les articles de recherche ayant fait état des résultats
d’essais cliniques rigoureux, les médicaments modificateurs de
l’évolution de la SP réduisent la fréquence des poussées et
freinent l’évolution de la SP de manière significative, et ils
améliorent ainsi la qualité de vie des patients. Cela dit, comme
l’illustre un récent article sur une étude britannique, reste à
démontrer dans le cadre de tels essais que ces médicaments
peuvent ralentir la progression à long terme des incapacités.
D’autres types d’études ont aussi mis en évidence les difficultés
de la recherche dans ce domaine, mais elles ont fourni malgré
tout de nouvelles données importantes sur ces agents.
Détails
Dans le cadre d’une étude visant à étudier les résultats à long
terme des traitements modificateurs de l’évolution de la SP, le
Dr George Ebers (Radcliffe Hospital, Oxford, Royaume-Uni) et son
équipe internationale ont étudié rétrospectivement les résultats
thérapeutiques de 260 des 372 personnes qui avaient
participé à un essai clinique sur l’interféron bêta-1b
(Betaseron, Bayer Schering Pharma) entrepris il y a plus de
16 ans. Dans leur article, les chercheurs n’ont pas été en
mesure de tirer des conclusions sur les différences qui
pourraient exister entre les patients qui avaient reçu le
traitement et ceux qui avaient reçu un placebo au chapitre des
incapacités et des paramètres mesurés au moyen des examens d’IRM.
Cela dit, ils ont indiqué que le taux de mortalité du groupe
traité était plus faible que celui du groupe placebo. Ils ont
conclu que de nombreux facteurs indépendants d’un essai clinique
donné, tels que les changements apportés au traitement des
patients, viennent compliquer la détermination des différences
qui pourraient se présenter avec le temps entre les deux groupes
qui y ont participé. Mis en ligne en juin 2010 (J Neurol
Neurosurg Psychiatry), l’article souligne à quel point il
est difficile de faire le suivi des résultats thérapeutiques à
long terme des traitements modificateurs de l’évolution de la SP
lorsqu’on ne dispose pas d’essais de longue durée bien
conçus.
D’ailleurs, en l’absence de tels essais, les chercheurs doivent
avoir recours à d’autres méthodes pour évaluer l’efficacité à
long terme des traitements modificateurs de l’évolution de la SP.
Mais, comme vous pourrez le constater, les résultats obtenus ne
sont pas homogènes :
- Les résultats d’une étude de grande envergure publiés en 2007
indiquent que les traitements modificateurs de l’évolution de la
SP (en particulier l’interféron bêta-1a, l’interféron bêta-1b et
l’acétate de glatiramère) sont efficaces pour ralentir la
progression des incapacités chez les personnes dont la SP s’est
déclarée par des poussées. Dans cette étude (Neurology
2007 Oct 9;69(15):1498-507), subventionnée par Santé Canada, la
Société canadienne de la SP, la Nova Scotia Health Research
Foundation (fondation pour la recherche en santé de la
Nouvelle-Écosse) et d’autres partenaires, Murray Brown, Ph.D. et
ses collaborateurs ont passé en revue la base de données de
l’Unité de recherche sur la SP de Dalhousie pour connaître
l’évolution de la maladie chez 590 personnes présentant une forme
de SP caractérisée par des poussées. Les données cliniques de
cette base ont été recueillies au cours des 25 dernières années
auprès de personnes atteintes de SP, et durant une période allant
jusqu’à six ans auprès de personnes dont les médicaments
modificateurs de l’évolution de la SP (des trois types) étaient
payés par le ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, de 1998
à 2004.
En comparant les taux estimés de progression de la maladie avant le traitement aux taux relevés au cours de l’étude, les chercheurs ont constaté que le traitement avait diminué le taux de progression vers un échelon supérieur de l’EDSS (échelle élaborée de l’incapacité) de 90 à 105 % chez les personnes présentant une forme de SP caractérisée par des poussées. La diminution variait de 100 à 112 % chez les personnes présentant la forme cyclique de SP, mais seulement de 8 à 22 % chez les personnes présentant une forme progressive secondaire de SP. Cette étude était basée sur des observations cliniques et ne faisait pas l’objet d’un essai clinique rigoureux.
- Le groupe de Murray Brown, Ph.D., a analysé, en collaboration
avec Paul Veugelers, Ph.D. (Université de l’Alberta), les données
recueillies sur 1752 patients atteints de SP qui ont été
pris en charge entre 1980 et 2004 dans la seule clinique
régionale de SP qui dessert la population de la Nouvelle-Écosse.
Ils ont cherché à savoir si la progression des incapacités des
patients de la clinique, qui était mise en évidence par une
augmentation du score à l’échelle EDSS, avait été plus rapide
avant la mise en route d’un programme de traitement par des
agents modificateurs de l’évolution de la SP qu’après son
lancement en juillet 1998. Ils ont noté un ralentissement
statistiquement significatif de la progression des incapacités
après la mise en place du programme. Plus précisément, ils ont
observé un tel ralentissement chez les patients traités par tous
les traitements modificateurs de l’évolution de la SP offerts à
l’époque, à l’exception de ceux qui prenaient Rebif à faible dose
(22 mg). Aussi, ce sont les 56 patients qui ont refusé
de suivre un traitement modificateur de l’évolution de la SP qui
avaient les plus faibles taux de progression avant que le
traitement leur soit proposé, et leur taux de progression annuel
n’a pas varié après qu’on leur a proposé le traitement et qu’ils
ont refusé de le prendre. Les chercheurs ont conclu qu’il
faudrait mener des essais comportant une plus longue période de
suivi afin de déterminer si ces observations peuvent être
transposées à l’ensemble des patients atteints de SP
(Multiple Sclerosis 2009;15:1286-94).
- Selon une étude menée en 2009 sur 2570 personnes
atteintes d’une SP cyclique, le traitement précoce par
l’interféron a été associé à une réduction significative du
risque d’évolution de la SP après plusieurs années. Les résultats
de cette étude ont été présentés par la Dre Maria Trojano
(Université de Bari, Italie) et d’autres chercheurs travaillant
dans 14 centres italiens dans la revue Annals of
Neurology (2009;66(4):513-520). Les chercheurs ont
enregistré la date d’apparition de la SP et la date de mise en
route du traitement chez ces patients, et ils ont suivi
l’évolution de leur SP à l’aide de l’échelle EDSS, une échelle
allant de 0 à 10 qui permet de mesurer les incapacités physiques.
Par traitement précoce, on entendait tout traitement amorcé un an
ou moins d’un an après l’apparition de la SP, et par traitement
tardif, tout traitement entrepris plus d’un an après l’apparition
de la SP. À l’issue d’un suivi d’une durée médiane de
4,5 ans, les chercheurs ont constaté que le traitement
précoce avait significativement réduit le risque d’une
augmentation d’un point du score à l’échelle EDSS, par
rapport au traitement tardif.
- Le Dr Mike Boggild et d’autres chercheurs britanniques et
allemands ont mené une étude dont les résultats ont récemment été
publiés dans le British Medical Journal (2009 Dec.
2;339:b4677) en vue de déterminer le rapport coût-efficacité à
long terme de l’utilisation des médicaments modificateurs de
l’évolution de la SP dans le traitement de la SP cyclique.
Précisons qu’il ne s’agissait pas d’une étude de longue durée.
Les chercheurs ont comparé les résultats thérapeutiques obtenus
par 5583 personnes qui avaient commencé un traitement
modificateur de l’évolution de la SP entre 2002 et 2005 au
Royaume-Uni, en s’intéressant notamment à 4749 d’entre eux
qui étaient atteints de SP cyclique et qui avaient entrepris ce
type de traitement à divers stades de l’évolution de la maladie,
et ils ont évalué la gravité de leurs incapacités d’après les
résultats des examens cliniques usuels. Étant donné que le
protocole de l’étude ne prévoyait ni répartition aléatoire ni
groupe témoin, les résultats des patients étudiés ont été
comparés aux données historiques recueillies avant que
l’utilisation des traitements modificateurs de l’évolution de la
SP soit devenue systématique. Le protocole de l’étude, tout comme
les résultats obtenus, qui laissent penser que la progression des
incapacités a été plus marquée chez les patients étudiés que dans
le groupe de comparaison, ont suscité la controverse. D’ailleurs,
le commentaire qui a été publié dans le même numéro que l’article
souligne les lacunes de l’étude. Les chercheurs ont indiqué quant
à eux qu’il était encore trop tôt pour tirer des conclusions de
cette première analyse intérimaire sur le rapport coût-efficacité
des traitements modificateurs de l’évolution de la SP.
- Le Dr Joseph Herbert (New York University) et des chercheurs du New York State MS Consortium (NYSMSC) ont comparé la gravité de la SP observée dans une cohorte de patients atteints de SP après l’avènement des traitements modificateurs de l’évolution de la SP à celle observée dans une autre cohorte de patients avant l’arrivée de ces agents sur le marché au moyen du score MSSS (Multiple Sclerosis Severity Scores) de la gravité de la SP. Le NYSMSC est un réseau regroupant 15 centres de traitement de la SP répartis dans l’État de New York, qui a été formé dans le but d’étudier les caractéristiques démographiques et cliniques des personnes atteintes de SP. Ce réseau a évalué 6238 personnes souffrant de SP, dont 57 % suivaient un traitement modificateur de l’évolution de la SP. Ils ont observé une diminution très significative des scores MSSS obtenus durant l’ère des traitements modificateurs de l’évolution de la SP comparativement à ceux obtenus avant l’avènement de ces traitements. (Résumé P05.07, AAN 2010).
Q. : Qu’en est-il des comptes rendus de recherche qui
indiquent que les médicaments modificateurs de l’évolution de la SP
sont inefficaces?
R. : Plus d’une trentaine
d’articles de recherche faisant état d’essais cliniques rigoureux
démontrent que les médicaments modificateurs de l’évolution de la
SP réduisent la fréquence des poussées et freinent l’évolution de
la SP de manière significative, et qu’ils améliorent ainsi la
qualité de vie des patients. Ce sont ces travaux qui ont incité la
Société à publier un compte rendu de l’opinion d’experts sur la
prise en charge de la SP dans lequel il est recommandé d’envisager
l’instauration d’un traitement modificateur de l’évolution de la SP
approuvé par la FDA américaine le plus tôt possible après
l’établissement d’un diagnostic de SP certaine. Soulignons
toutefois qu’à ce jour, aucun essai clinique rigoureux de longue
durée n’a démontré que ces médicaments peuvent effectivement
ralentir la progression des incapacités chez les personnes
atteintes de SP.
Q. : Étant donné qu’il n’existe aucune preuve
concluante de l’efficacité des médicaments modificateurs de
l’évolution de la SP contre la progression des incapacités,
devrais-je commencer ou continuer à utiliser l’un des sept
médicaments modificateurs de l’évolution de la SP approuvés par la
FDA?
R. : Pour l’instant, il faut bien comprendre
que les résultats des études qui ont porté sur le ralentissement de
la progression des incapacités ne sont pas tous négatifs. En
réalité, ils sont hétérogènes, c’est-à-dire que certains viennent
confirmer l’efficacité de ces médicaments sur la progression des
incapacités, alors que d’autres non. Cela dit, même les comptes
rendus des études dans lesquelles on a remis en cause la capacité
de ces médicaments à ralentir la progression des incapacités font
état de résultats contradictoires et de la nécessité de mener
d’autres essais cliniques rigoureux à long terme. Il est primordial
pour tous les patients qui reçoivent un traitement, quel qu’il
soit, que les professionnels de la santé qui les soignent
surveillent l’efficacité à long terme de ce traitement. Rappelons
que les personnes atteintes de SP ont déjà une grande variété de
traitements à leur disposition, et que l’arsenal thérapeutique
contre la SP n’a pas fini de s’enrichir, à en juger par les récents
avis émis par la FDA et les derniers comptes rendus de recherche
publiés.
Q. : Qu’en est-il de cette fameuse étude menée au
Canada l’an dernier, dont le principal investigateur était P.J.
Veugelers, qui visait à comparer le délai de progression des
incapacités jusqu’à la cote 6 de l’échelle EDSSS (échelle élaborée
des incapacités) observé dans un groupe de patients traités par des
médicaments modificateurs de l’évolution de la SP à celui qui a été
relevé dans un groupe de patients qui n’ont pas reçu ce type de
traitement, et dont les résultats semblaient démontrer qu’il n’y
avait eu aucune différence entre les deux groupes à ce
chapitre?
R. : Ce n’est pas exactement
ce qui est ressorti de cette étude. En fait, l’étude en question
avait pour but de comparer entre eux les délais de progression des
incapacités (plus précisément, le temps qu’il fallait aux patients
pour obtenir un score de 6 à l’échelle EDSS) observés avant et
après la mise en place d’un programme provincial dans le cadre
duquel les résidents de la Nouvelle-Écosse pouvaient avoir accès
aux médicaments modificateurs de l’évolution de la SP. En utilisant
une méthode statistique bien établie appelée « modèle des
risques proportionnels de Cox », les chercheurs ont mis en
évidence une différence statistiquement significative entre les
délais de progression observés avant et après le lancement du
programme. En fait, après la mise en route du programme, le délai
de progression observé dans la population de patients atteints de
SP s’est révélé nettement plus long que celui qui avait été observé
avant la mise à disposition des médicaments modificateurs de
l’évolution de la SP. Lors de l’évaluation de la signification
statistique de l’étude, toutefois, il a été difficile de déterminer
dans quelle mesure les intervalles de confiance (qui indiquent la
probabilité que la vraie valeur d’une mesure se trouve dans une
certaine fourchette de valeurs) ont influé sur la validité des
résultats obtenus. Quoi qu’il en soit, l’analyse qui a révélé
l’existence de ces différences statistiquement significatives entre
les groupes tenait compte de ces intervalles de confiance. C’est
donc dire qu’elle a fourni des preuves statistiquement
significatives qui confirment l’hypothèse selon laquelle les
médicaments modificateurs de l’évolution de la SP ralentissent la
progression des incapacités.
Adaptation d’une publication du site Web de la National MS Society.