Reprogrammation du système immunitaire chez les personnes atteintes de SP

Contexte : Quelle est la cible de la SP?

La sclérose en plaques est classée parmi les maladies auto-immunes, c’est-à-dire qu’elle amène le système immunitaire à s’attaquer à des constituants de son hôte (présents à l’état naturel dans l’organisme) comme s’il s’agissait d’envahisseurs étrangers. En général, ces maladies ont des cibles différentes. Dans le cas de la SP, c’est la myéline qui est ciblée, soit la gaine des fibres nerveuses du cerveau et de la moelle épinière qui permet la libre circulation des messages chimiques nécessaires à l’intégrité de fonctions fondamentales comme la marche, le sommeil, l’élocution et l’apprentissage. Chez les personnes atteintes de SP, l’altération de la myéline entraîne divers symptômes neurologiques, allant de légers engourdissements à la paralysie.

Durant des décennies, les chercheurs en SP ont tenté de trouver des moyens de reprogrammer les cellules immunitaires destructrices de la myéline, de sorte qu’elles cessent de traiter cette substance comme une cible. Au début de juin de cette année, une équipe internationale de chercheurs, dirigée par le Dr Roland Martin, de l’Institut de recherche clinique et neuro-immunologique sur la SP, des centres hospitaliers universitaires de Hambourg et de Zürick, a publié les résultats d’un essai clinique sur une méthode particulière de reprogrammation des cellules immunitaires qui réagissent contre la myéline. Les résultats confirment l’innocuité et l’efficacité à long terme de ce traitement chez les personnes atteintes de SP.

L'étude : tolérance spécifique de l'antigène

Neuf personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions) ou progressive secondaire ont participé à la première phase d’un essai clinique au cours duquel leurs propres globules blancs ont servi à libérer dans tout l’organisme des antigènes de la myéline, constituants particuliers de la myéline soupçonnés d’être la cible de la SP. Cette méthode de transfusion de cellules sanguines est conçue pour produire un effet dénommé tolérance spécifique de l’antigène. Celle-ci confère aux cellules immunitaires destructrices une tolérance vis-à-vis des antigènes de la myéline. En fin de compte, les cellules immunitaires ne reconnaissent plus la myéline comme une cible, ce qui réduit leurs effets nocifs.

Cette étude est basée sur des décennies d’études fondamentales précliniques menées par le Dr Stephen Miller, de la Faculté de médecine Feinger de l’Université Northwestern. Les travaux de ce chercheur portaient sur l’induction de la tolérance à la myéline chez des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP. Son équipe et lui-même ont constaté une diminution significative du nombre et de la gravité des poussées chez les souris traitées par cette procédure. Il fallait ensuite concevoir un essai clinique applicable aux êtres humains afin d’évaluer la faisabilité, l’innocuité et la tolérabilité (réaction de l’organisme) de cette méthode d’induction d’une tolérance spécifique de l’antigène.

Résultats

Selon les résultats de la première phase de l’essai clinique, six des neuf participants soumis à une transfusion de cellules sanguines n’ont pas eu de poussée durant les trois mois qui ont suivi le traitement. Les deux patients chez qui un accroissement de l’activité de la SP avait été décelé juste avant le début de l’essai ont subi une poussée, de 10 à 16 jours après le traitement. Dans l’ensemble, le traitement n’a provoqué aucun effet indésirable. Plus important encore, les tests ont révélé que la réactivité du système immunitaire des participants à la myéline avait diminué considérablement. En outre, les données post-traitement de ces derniers ont montré que leur système immunitaire fonctionnait toujours normalement, c’est-à-dire qu’il continuait de protéger l’organisme contre les envahisseurs étrangers. Soulignons que les autres traitements efficaces contre la SP réduisent ou suppriment l’activité de tout le système immunitaire.

Portée

Cet essai clinique de phase I jette la lumière sur un traitement basé sur la « tolérisation », méthode visant à accroître la tolérabilité des cellules immunitaires impliquées dans la SP envers les constituants de la myéline et, ainsi, à faire cesser la détérioration de cette substance. Les travaux de l’équipe du Dr Martin constituent une avancée importante dans la recherche sur la SP, en ce qu’ils s’avèrent un exemple éloquent d’application aux êtres humains de résultats d’observations précliniques sur des animaux. Selon les données préliminaires, ce traitement unique est sans danger, tolérable et capable de freiner l’auto-immunité chez les personnes atteintes de SP, et il pourrait aboutir à l’élaboration d’études d’innocuité et d’efficacité auprès d’une cohorte élargie de patients. 

Ces travaux ont suscité beaucoup d’intérêt dans le domaine des maladies auto-immunes. Si le traitement en question fait ses preuves au cours de futurs essais cliniques, il pourrait être adapté à toutes les maladies auto-immunes, allant du diabète à l’allergie aux arachides jusqu’à la sclérose en plaques.

Source :
Lutterotti, A. et al., « Antigen-Specific Tolerance by Autologous Myelin Peptide-Coupled Cells: A Phase 1 Trial in Multiple Sclerosis», Sci Transl Med, 2013 June 5; 5(188):188ra75 doi:10.1126/scitranslmed.3006168