Une étude menée par une étudiante au doctorat dont les travaux sont subventionnés par la Société de la SP décrit les répercussions de la sclérose en plaques parentale sur le développement de la petite enfance

Contexte 

Comme c’est le cas pour de nombreuses autres maladies chroniques, les répercussions psychologiques et sociales de la sclérose en plaques (SP) se font sentir non seulement sur les personnes qui sont aux prises avec cette maladie, mais aussi sur les membres de leur famille. Par exemple, la maladie chronique dont est atteint leur parent peut être une source de stress et d’anxiété pour les jeunes enfants, et dans certains cas, elle peut avoir une incidence sur leur comportement psychosocial. Malheureusement, rares sont les travaux de recherche qui décrivent les effets de la SP parentale sur le développement du jeune enfant.

C’est pour combler cette lacune que Neda Razaz, une étudiante au doctorat dont les travaux sont subventionnés par la Société canadienne de la SP, a effectué une analyse rétrospective, en collaboration avec les Dres Helen Tremlett et Ruth Ann Marrie, épidémiologistes, et d’autres chercheurs, en vue d’examiner le lien qui pourrait exister entre la SP dont est atteint le parent et le développement de l’enfant. Les résultats de cette analyse ont été publiés dans la revue Multiple Sclerosis.

Description de l’étude

L’étude en question a été réalisée au Manitoba. Les chercheurs ont regroupé des données tirées de bases de données sur les soins de santé liées entre elles (bases de données sur les régimes d’assurance médicaments et les demandes d’honoraires des médecins, registres des sorties des hôpitaux et registres des compagnies d’assurance maladie) afin de repérer des parents atteints de SP. Ce sont les données obtenues au moyen de l’instrument de mesure du développement de la petite enfance (IMDPE) qui ont servi à évaluer le développement des jeunes enfants.

L’IMDPE est une liste de vérification qui a pour but d’évaluer le degré de maturité scolaire des enfants qui sont à la maternelle (et âgés d’environ 5 ans). Cette liste, qui est remplie par l’enseignant, permet de mesurer cinq grandes dimensions du développement de la petite enfance : santé physique et bien-être, compétence sociale, maturité affective, langage et aptitudes cognitives, aptitudes pour la communication et connaissances générales. Comme le précisent les chercheurs dans leur article, l’IMDPE est un outil de prédiction à long terme de la réussite scolaire et de la santé psychologique de l’enfant, qui a été validé et dont l’efficacité est bien établie.

Les chercheurs disposaient des données fournies par l’IMDPE pour 153 enfants dont l’un des parents était atteint de SP (les enfants dont les deux parents étaient atteints de cette maladie ont été exclus de l’étude) et de celles de 876 enfants dont les parents n’avaient pas la SP (groupe de comparaison).

Outre les données fournies par l’IMDPE, les chercheurs ont analysé un certain nombre de variables, notamment la présence chez les parents de maladies concomitantes courantes telles que les troubles psychiatriques et une maladie pulmonaire chronique.

Résultats

Les chercheurs n’ont pas relevé de différence entre les enfants qui avaient un parent atteint de SP et ceux dont les parents n’avaient pas la SP quant aux cinq dimensions mesurées par l’IMDPE. Cette observation porte à croire que le fait pour un enfant d’avoir un parent atteint de SP n’a pas d’effet notable sur les différentes dimensions de son développement (il n’influe ni sur leur présence ni sur leur absence).

En revanche, les données recueillies démontrent que les enfants dont l’un des parents (qu’il soit atteint ou non de SP) avait reçu un diagnostic de trouble psychiatrique (anxiété ou dépression ou les deux) étaient plus susceptibles que les autres d’obtenir de faibles scores pour un certain nombre de dimensions mesurées par l’IMDPE. Cette observation revêt une importance particulière, puisque l’étude a révélé par ailleurs que les parents atteints de SP étaient plus susceptibles de présenter un trouble psychiatrique concomitant que ceux qui étaient exempts de cette maladie (49,5 % et 35,5 % respectivement). En outre, lorsqu’ils se sont penchés plus particulièrement sur le groupe d’enfants ayant un parent atteint de SP, les chercheurs ont constaté que ceux dont le parent présentait également un trouble psychiatrique étaient plus susceptibles que les autres d’obtenir un faible score aux dimensions « compétence sociale » et « maturité affective » de l’IMDPE.

Commentaires

Les chercheurs ont établi que dans l’ensemble, la SP parentale n’a pas de répercussions négatives sur le développement de la petite enfance. Leur étude a révélé en revanche que c’est l’état de santé mental du parent qui est le principal déterminant du développement de l’enfant. Étant donné que les personnes atteintes de SP sont plus susceptibles que les autres d’éprouver un trouble psychiatrique concomitant (comme le confirment plusieurs études, y compris celle dont il est question ici) et qu’il existe un lien entre le développement du jeune enfant et la santé mentale de ses parents, il apparaît essentiel d’accompagner adéquatement les personnes atteintes de SP, leurs enfants et le reste de leur famille, afin de limiter le risque de répercussions négatives de l’état de santé de ces personnes sur le développement de leurs enfants.

Par ailleurs, les chercheurs ont pris soin de souligner que les résultats de leur étude ne vont pas exactement dans le même sens que ceux de travaux antérieurs : comme l’indique un examen systématique qu’ils ont eux-mêmes effectué, d’autres équipes de recherche ont mis en évidence une association entre le comportement psychologique et social des grands enfants et des adolescents et la SP dont sont atteints leurs parents. Les chercheurs reconnaissent qu’il est possible que le développement de la petite enfance (l’objet de leur étude) soit normal chez les enfants des personnes atteintes de SP, mais que ces enfants deviennent vulnérables en grandissant aux effets de la maladie avec laquelle leurs parents sont aux prises. Pour examiner cette hypothèse de manière approfondie, il faudra mener d’autres études beaucoup plus vastes que celle dont il est ici question, qui couvriront à la fois les périodes de l’enfance et de l’adolescence.

Source

RAZAZ, N. et coll. « Impact of parental multiple sclerosis on early childhood development: A retrospective cohort study », Multiple Sclerosis, 2015, 21(9):1172-83.