Étude sur les interactions entre le bien-être physique et le bien-être psychologique chez les personnes qui vivent avec la sclérose en plaques

Contexte

La sclérose en plaques (SP) est une maladie multidimensionnelle qui entraîne une grande variété de symptômes. Certains sont évidents (p. ex. difficulté à marcher, faiblesse musculaire et tremblement), alors que d’autres peuvent passer inaperçus (douleur, troubles dépressifs, troubles du sommeil et fatigue). Bien qu’ils soient difficilement perceptibles, ces derniers n’en sont pas moins dérangeants. Soulignons que dans l’ensemble, de 50 % à 60 % des personnes atteintes de SP ressentent des douleurs neuropathiques, près de 80 % éprouvent une extrême fatigabilité, et 50 % subissent des troubles du sommeil. En outre, environ la moitié des personnes aux prises avec la SP présenteront un épisode dépressif au cours de leur vie.

Les symptômes de la SP n’existent pas isolément : ils influent l’un sur l’autre. Pour tenter de mettre au jour ces interactions, une équipe internationale de chercheurs a colligé des données sur des centaines de personnes qui vivent avec la SP. Les travaux de ces scientifiques avaient un double but : 1) définir les relations possibles entre les symptômes liés à la SP, dont les incapacités physiques ou cognitives, les troubles dépressifs, la douleur, les troubles du sommeil et la fatigue, et 2) déterminer les facteurs susceptibles d’influer sur ces symptômes. Les résultats de leur étude ont été publiés dansThe Clinical Journal of Pain.

Description de l’étude

Au total, 424 personnes atteintes de SP recrutées au sein de la division Greater Northwest Washington de la National MS Society (organisme états-unien de la SP) ont participé à l’étude. Toutes ces personnes ont rempli un questionnaire détaillé sur des sujets allant du genre (sexe), de l’âge et du degré d’instruction à la présence et à la gravité de symptômes généraux de la SP. La partie sur les symptômes généraux visait à mesurer l’altération des capacités physiques, sensorielles (vision et élocution) et cognitives (mémoire et aptitude à apprendre). Les participants ont également déclaré éprouver de la douleur, des troubles dépressifs et de la fatigue à divers degrés ainsi que des troubles du sommeil et de l’interférence causée par la douleur. Celle-ci sert à évaluer l’impact de la douleur sur la vie quotidienne, qui impose un changement dans les activités ou des absences du travail.

Dans leur analyse des données, les chercheurs ont voulu vérifier si des relations pouvaient être établies entre les symptômes de SP. Par exemple, ils ont tenté de voir si la douleur et la fatigue étaient plus répandues parmi les participants âgés ou chez ceux qui avaient vécu longtemps avec la SP et si les symptômes liés à la SP étaient davantage liés au statut socioéconomique des participants.

Résultats

Les auteurs ont découvert que la présence et la gravité de symptômes physiques, sensoriels et cognitifs de la SP pourraient laisser présager l’apparition de la douleur, de troubles dépressifs et de la fatigue – plus les symptômes d’une personne étaient graves, plus elle risquait de souffrir de douleur, de troubles dépressifs et de fatigue.

Selon les participants, les épisodes dépressifs étaient accompagnés de troubles du sommeil et d’un surcroît de fatigue. Par contre, la douleur physique n’était pratiquement pas liée à ces symptômes. Toutefois, les participants qui éprouvaient de la douleur ou des troubles dépressifs étaient plus susceptibles que les autres à ressentir au quotidien une interférence causée par la douleur.

L’équipe de chercheurs a relevé deux facteurs d’influence sur les symptômes de la SP : le degré d’instruction et l’état matrimonial. Comparés aux participants les plus instruits, les moins instruits avaient davantage tendance à présenter des douleurs plus intenses et des symptômes généraux plus graves et à souffrir de troubles dépressifs. Par ailleurs, les participants qui ne vivaient pas en couple étaient plus susceptibles que les autres d’éprouver de la douleur et des troubles dépressifs, deux symptômes limitant la capacité de participer aux activités de la vie quotidienne.

Les auteurs n’ont établi aucun lien entre l’intensité de la douleur et sa durée, ni entre la douleur et l’âge ou le sexe du participant.

Commentaires

L’étude met en lumière certaines interactions entre divers symptômes physiques et psychologiques chez les personnes qui vivent avec la SP. Le Dr Jensen et son équipe ont constaté que les symptômes « invisibles » (douleur, troubles dépressifs, troubles du sommeil et fatigue) pouvaient perpétuer un cercle vicieux qui aggrave à la longue l’état de la personne. Ils ont enfin souligné la nécessité pour les professionnels de la santé de prendre ces symptômes en considération dans l’élaboration du plan de traitement. Les troubles dépressifs, en particulier, ont retenu l’attention des chercheurs, étant donné leur influence sur presque tous les autres paramètres mesurés, notamment le sommeil, la fatigue et l’interférence causée par la douleur. Le Dr Jensen et ses collaborateurs ont déclaré qu’il faudra poursuivre la recherche pour parvenir à mesurer avec précision l’efficacité des traitements des troubles dépressifs sur le bien-être physique et psychologique des personnes qui vivent avec la SP.

Il est aussi ressorti de cette étude que deux autres facteurs sociaux, à savoir le degré d’instruction et l’état marital, contribuaient à intensifier la douleur et les troubles dépressifs. Bien que la raison de cette influence demeure obscure, les auteurs militent en faveur de la création de lignes directrices qui permettraient, d’une part, de déterminer qui sont les personnes à risque et, d’autre part, d’aider les médecins à optimiser le traitement de ces dernières.

Source

DAY, M. A. et coll. « An empirical investigation of a biopsychosocial model of pain in multiple sclerosis », Clinical Journal of Pain, 2016, 32(2): 155-63.