Deux études subventionnées par la Société de la SP braquent les projecteurs sur la comorbidité dans le contexte de la sclérose en plaques

Contexte

De nombreuses personnes qui vivent avec la SP pourraient être atteintes d’au moins une autre maladie chronique. La présence de plus d’une maladie chez une même personne est appelée « comorbidité ». L’an dernier, la Dre Ruth Ann Marrie (Université du Manitoba), titulaire d’une bourse de perfectionnement Dr Donald Paty et d’une subvention de fonctionnement de la Société de la SP, a entrepris, avec une équipe de collaborateurs, l’analyse de données scientifiques récentes en vue de cerner les maladies concomitantes les plus répandues parmi les personnes qui vivent avec la SP. Ces maladies comprennent notamment l’hypertension, l’hyperlipidémie (concentration élevée de cholestérol et d’autres gras dans le sang), la maladie pulmonaire chronique, la dépression et l’anxiété. Par ailleurs, certaines études ont révélé l’existence d’un lien entre, d’une part, les maladies coexistant avec la SP et, d’autre part, l’aggravation de l’incapacité, la formation de lésions cérébrales ainsi que l’accroissement du taux d’hospitalisations et de mortalité.

Un certain nombre de questions liées à la comorbidité dans le contexte de la SP demeurent toujours sans réponse. En effet, on ne dispose que de très peu d’information relativement aux effets de la comorbidité sur divers paramètres en lien avec le traitement de la SP tels que la décision d’amorcer ou non un traitement, le choix d’un traitement particulier, l’efficacité, l’innocuité et la tolérabilité du traitement ainsi que l’observance thérapeutique. Cet aspect s’avère une source de préoccupation en ce qui concerne la conception d’essais cliniques sur des traitements expérimentaux, car certaines maladies concomitantes font fréquemment partie des critères d’exclusion, ce qui a pour conséquence que les résultats de recherche sont souvent obtenus auprès de personnes qui n’ont pas d’autres maladies chroniques que la SP.

Qui plus est, bien que nous sachions que la qualité de vie liée à la santé (QVLS) des personnes qui vivent avec la SP est généralement moindre que celle de la population en général, nous ignorons toujours l’importance de la contribution directe ou indirecte de la comorbidité à la diminution de la QVLS chez les personnes qui vivent avec la SP. Si on parvenait à combler ce vide, les cliniciens pourraient, d’une part, prendre les maladies concomitantes en considération dans l’élaboration du plan de traitement des personnes qui vivent avec la SP et, d’autre part, optimiser la QVLS de ces gens.

La Dre Marrie et ses collaborateurs ont publié récemment les résultats de deux études qu’ils ont menées en vue de faire la lumière sur ces questions importantes toujours sans réponse. La première, intitulée « The challenge of comorbidity in clinical trials for multiple sclerosis » (La difficulté posée par la comorbidité dans les essais cliniques axés sur la SP), découle des discussions et des recommandations d’un groupe de chercheurs experts ayant participé à l’atelier international sur la comorbidité dans le contexte de la sclérose en plaques, qui a été tenu à Toronto, les 27 et 28 mars 2015. La deuxième étude, intitulée « Health-related quality of life in multiple sclerosis: Direct and indirect effects of comorbidity » (Qualité de vie liée à la santé dans le contexte de la SP : effets directs et indirects de la comorbidité), a été subventionnée en partie par la Société canadienne de la SP. Ces deux études ont fait l’objet d’un article dans la revue scientifique Neurology.

La difficulté posée par la comorbidité dans les essais cliniques axés sur la SP

Le groupe de spécialistes présent à l’atelier international sur la comorbidité chez les personnes atteintes de sclérose en plaques a entrepris de définir les priorités en matière de recherche sur la comorbidité, en se concentrant surtout sur les façons dont il conviendrait d’intégrer la comorbidité dans la conception des essais cliniques. L’équipe a basé son analyse sur la revue systématique de documents scientifiques dans lesquels il était question du taux de comorbidité chez les personnes qui vivent avec la SP.

Les chercheurs ont constaté que dans le cadre des essais cliniques relevant du domaine de la santé et de la maladie, et en particulier en ce qui concerne les essais en lien avec la SP, les personnes présentant une ou plusieurs maladies concomitantes étaient sous-représentées ou, dans bien des cas, carrément exclues, et que les auteurs des essais qui incluent des personnes présentant une comorbidité ne fournissent pas souvent de résultats détaillés au sujet de ces dernières. Bien que cette tendance vise à assurer la sécurité des participants et à éliminer tout facteur de confusion susceptible de compliquer l’interprétation des résultats, il n’en demeure pas moins que ces essais ne livrent que très peu d’information sur l’efficacité, l’innocuité et la tolérabilité des traitements expérimentaux pour les personnes présentant une ou plusieurs maladies concomitantes, qui forment pourtant une grande partie de la population atteinte de SP. Ces arguments ont été pris en compte dans l’évaluation des avantages et des inconvénients des essais explicatifs – essais visant à évaluer l’efficacité d’une intervention dans des conditions idéales où chaque variable peut être contrôlée étroitement – et des essais pragmatiques – essais reflétant davantage les conditions de vie « réelles » et l’hétérogénéité de la population vivant avec la SP.

À la lumière des résultats de leur analyse, les experts ont recommandé ce qui suit :

  • établir des estimations du taux de comorbidité chez les personnes qui vivent avec la SP, selon l’âge et le sexe;
  • concevoir des essais cliniques de phase III sur les nouveaux traitements de la SP qui soient plus pragmatiques qu’explicatifs;
  • décrire de façon claire et uniforme les maladies concomitantes des participants aux essais cliniques;
  • évaluer, lors des essais cliniques, les effets de la présence de maladies concomitantes précises sur la réponse au traitement ainsi que sur l’innocuité et la tolérabilité de celui-ci;
  • recruter des personnes présentant une comorbidité pour des études d’innocuité à long terme à mener après l’homologation du médicament concerné (phase IV).

Qualité de vie liée à la santé dans le contexte de la SP : effets directs et indirects de la comorbidité

Les auteurs de cette étude ont réuni 949 adultes atteints de SP fréquentant quatre cliniques de SP du Canada, établies dans les provinces suivantes : l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse. À partir des dossiers médicaux examinés, ils ont relevé des données démographiques et cliniques comprenant le sexe, l’âge, la race, l’âge à l’apparition des premiers symptômes, l’évolution de la maladie et le degré d’incapacité établi au moyen de l’échelle élaborée d’incapacité (EDSS). L’évaluation de la QVLS a été fondée sur les réponses à un questionnaire auto-administré. Un autre questionnaire du même type a permis de déterminer la comorbidité physique et psychiatrique en fonction du nombre total de maladies physiques, autres que la SP, à avoir été diagnostiquées.

À partir des données recueillies, les chercheurs ont pu mesurer les effets directs et indirects de l’incapacité, de la dépression, de l’anxiété, de la fatigue et de la comorbidité physique sur la QVLS dans le contexte de la SP. Toutes les variables mesurées étaient associées étroitement à la QVLS. Le degré d’incapacité et les symptômes dépressifs ont constitué les plus grandes sources d’altération de la QVLS. Alors que la comorbidité physique et l’anxiété avaient des effets directs relativement faibles sur la QVLS, les chercheurs ont constaté que le fait d’agir sur des facteurs comme la dépression et la fatigue pouvait avoir des effets indirects importants sur la QVLS.

Commentaires

Les deux études dont il est ici question viennent enrichir un volume croissant de données probantes montrant la nécessité accrue d’étudier l’impact de la comorbidité sur la santé en général, le bien-être, le traitement et la prise en charge des personnes qui vivent avec la SP. C’est en tenant compte de l’influence de la comorbidité sur l’innocuité et l’efficacité des traitements à l’étude que les auteurs d’essais cliniques pourront faire en sorte que leurs travaux englobent une proportion élargie de personnes qui vivent avec la SP, dans un contexte réel. En outre, une meilleure connaissance des interactions entre la comorbidité et la qualité de vie liée à la santé favorisera l’élaboration de stratégies thérapeutiques davantage centrées sur la prise en charge d’autres facteurs d’altération de la santé comme la dépression, l’anxiété et la fatigue, soit des stratégies qui contribueront à optimiser la qualité de vie, au même titre que les traitements traditionnels faisant appel aux médicaments modificateurs de l'évolution de la SP.

Référence

  • MARRIE, R. A. et coll. « The challenge of comorbidity in clinical trials for multiple sclerosis », Neurology, 2016, pii: 10.1212/WNL.0000000000002471 [publication électronique avant impression].
  • BERRIGAN, L. I. et coll. « Health-related quality of life in multiple sclerosis: Direct and indirect effects of comorbidity », Neurology, 2016, pii: 10.1212/WNL.0000000000002564 [publication électronique avant impression].