Des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique ont mené une étude afin d’examiner le lien entre le traitement par interféron bêta et la progression des incapacités chez les personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions)

Résumé
Une équipe de chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a mené une étude de cohorte rétrospective dans le but d’examiner le lien entre le traitement par interféron bêta et la progression des incapacités chez les personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions). Grâce à une banque de données sur les cas de SP de la Colombie-Britannique (C. B.), les chercheurs ont fait des comparaisons entre un groupe de personnes atteintes de SP traitées par interféron bêta et deux groupes témoins de personnes atteintes de SP non traitées par l’interféron bêta, soit un groupe témoin contemporain et un groupe témoin historique. Leurs travaux ne leur ont pas permis de démontrer que le traitement par interféron était associé à une réduction du taux de progression des incapacités. [Shirani A, Zhao Y, Karim ME, Evans C, Kingwell E, van der Kop ML, Oger J, Gustafson P, Petkau J, Tremlett H. JAMA. 2012 Jul 18;308(3):247-56.]


Détails
Lors d’une étude de cohorte rétrospective, des chercheurs de la C.-B. ont analysé des données provenant de personnes ayant reçu un diagnostic confirmé de SP cyclique et ayant consulté une clinique de SP de la C.-B. entre 1985 et 2004. Les chercheurs avaient pour but d’étudier le lien entre le traitement par interféron bêta et la réduction du taux de progression des incapacités.

L’interféron bêta est le médicament modificateur de l’évolution de la maladie le plus prescrit parmi les médicaments approuvés par Santé Canada pour le traitement de la SP cyclique. Bien qu’on observe chez les personnes traitées par ce produit une réduction du nombre de lésions cérébrales lors des examens par imagerie par résonance magnétique (IRM) et une diminution de la fréquence des poussées lors des essais cliniques, peu d’études longitudinales ont porté sur les effets à long terme de l’interféron bêta sur le taux de progression des incapacités.

Lors de l’étude dont il est ici question, les chercheurs ont analysé les dossiers de 2 656 personnes atteintes de SP. De ce nombre, 868 ont été incluses dans le groupe traité (ces personnes avaient reçu de l’interféron bêta entre juillet 1995 et décembre 2004); 829 personnes qui auraient pu recevoir de l’interféron bêta entre juillet 1995 et décembre 2004, mais qui n’en ont pas reçu, et ce, pour diverses raisons, ont été incluses dans le groupe témoin contemporain; et 959 personnes qui auraient pu recevoir l’interféron bêta entre avril 1985 et juin 1995, mais qui n’en ont pas reçu parce que ce médicament n’était pas encore approuvé à ce moment, ont été incluses dans le groupe témoin historique.

La comparaison entre les trois groupes de la période de temps qui s’était écoulée avant que chaque personne atteigne un score de 6,0 à l’échelle étendue d’incapacité de Kurtzke (EDSS) constituait le principal critère d’évaluation. Un score de 6,0 à l’échelle EDSS indique qu’une aide constante à la marche (canne, appareil orthopédique, béquille) est requise pour parcourir environ 100 m sans repos. Soulignons que les chercheurs ont observé des différences entre les trois groupes au début de l’étude, mais qu’ils ont par la suite jugé que celles-ci étaient négligeables d’un point de vue clinique.

Il ressort de cette étude qu’aucune différence n’a été notée entre les trois groupes quant au risque de progression vers un score de 6,0 à l’échelle EDSS, ce qui signifie que l’interféron bêta n’a pas permis de réduire le taux de progression des incapacités chez les personnes atteintes de SP cyclique. À ce sujet, mentionnons que les patients les plus âgés et ceux dont le degré d’invalidité initial était élevé par rapport aux autres présentaient un risque accru d’atteindre un score de 6,0 à l’échelle EDSS. Les auteurs de l’étude reconnaissent par ailleurs que l’interféron bêta a comporté des bienfaits relativement aux poussées de SP et aux mesures par IRM de l’activité de la maladie. Ils font également mention des limites que comportait l’étude, laquelle était observationnelle plutôt que comparative et à répartition aléatoire.

Dans un éditorial d’accompagnement, le Dr Tobias Derfuss, M.D., et le Dr Ludwig Kappos, M.D. (Centre hospitalier universitaire de Bâle, en Suisse) ont précisé que les groupes témoins pris en considération pourraient ne pas rendre compte de l’éventuel bienfait de l’interféron bêta à long terme. Ils ont également souligné que, malgré le caractère rigoureux de l’étude sur le plan méthodologique, celle-ci n’était pas exempte des limites inhérentes aux investigations de nature observationnelle. En effet, les auteurs de ce type d’études tirent leurs conclusions de ce qu’ils constatent en observant des sujets qui bénéficient d’un traitement donné et d’autres sujets qui n’en bénéficient pas, ce qui diffère de la façon dont se déroulent les essais comparatifs avec placebo et à répartition aléatoire, lesquels impliquent la répartition des participants dans deux groupes, soit celui qui reçoit le traitement actif et celui qui est traité par placebo. Les résultats de l’étude menée par les chercheurs de l’UBC ne mettront certainement pas fin au débat suscité par l’efficacité à long terme des modificateurs de l’évolution de la SP (MÉSP) – dont font partie les interférons – au chapitre de la progression de la SP. Aussi, suivant un plan d’étude novateur, des chercheurs italiens ont constaté dernièrement un lien entre les traitements de la SP et un ralentissement de l’évolution de la SP.

Par ailleurs, les observations des chercheurs de l’UBC sur les bienfaits à long terme des interférons ne remettent pas en question l’utilité démontrée de ces substances en ce qui concerne la diminution de la fréquence des poussées – lesquelles ont été associées à la progression à long terme de la maladie – et du nombre de nouvelles lésions tissulaires. Aussi, d’autres chercheurs mènent actuellement d’importants travaux dans le but de déterminer le profil des patients qui répondent le mieux aux interférons. Le succès de ces investigations contribuerait à faciliter la prise de décisions pour les personnes atteintes de SP et leur équipe soignante, en plus de tracer la voie vers une médecine personnalisée dans le contexte de la sclérose en plaques. D’autres travaux de recherche en cours ont quant à eux pour objectif la mise au point d’outils complets qui, comparativement aux moyens dont nous disposons actuellement, permettraient de mieux évaluer l’efficacité des traitements de la SP. En effet, le recours à de nouvelles technologies d’imagerie et l’emploi de méthodes d’évaluation améliorées pourraient aider à dresser la liste complète des lésions attribuables à la SP et à mieux comprendre l’incidence des médicaments approuvés et des traitements expérimentaux sur l’évolution de la SP.

Les personnes qui reçoivent de l’interféron bêta et qui ont des préoccupations par rapport à leur traitement ne doivent pas interrompre celui-ci, mais doivent plutôt s’adresser à leur médecin traitant.

Contient des renseignements provenant de la National MS Society (É.-U.) – www.nmss.org.