Résumé. Les troubles cognitifs touchent de 40 à 80 p. 100 des personnes atteintes de sclérose en plaques (SP) et causent chez ces dernières des difficultés accrues à garder un emploi, à maintenir des relations et à pratiquer des loisirs. En réalisant l’étude dont il est ici question, les chercheurs espéraient vérifier si la cessation de la consommation de cannabis entraînait une amélioration des fonctions cognitives.
Contexte. Environ 20 p. 100 des personnes atteintes de SP consomment du cannabis plusieurs fois par semaine et pendant de nombreuses années. Les raisons de consommer du cannabis varient selon les gens : soulagement de la douleur, de la spasticité, de l’anxiété, de la dépression, de l’insomnie ou d’une combinaison de ces symptômes. L’amélioration de l’accès au cannabis à la suite de la légalisation de cette substance au Canada pourrait entraîner une hausse de la consommation de ce produit. Il importe donc de mieux comprendre les bienfaits et les effets secondaires possibles du cannabis.
Étude. Quarante personnes atteintes de SP qui avaient commencé à consommer du cannabis après l’établissement du diagnostic de SP et qui consommaient cette substance de façon fréquente et de longue date ont participé à l’étude. Vingt participants ont reçu la consigne de maintenir leur consommation habituelle (groupe de consommation), tandis que les vingt autres se sont vu demander de s’abstenir de consommer du cannabis (groupe de sevrage). Les fonctions cognitives de tous les participants ont été évaluées au début de l’étude (données de référence), puis après 28 jours. La composition précise et la puissance du cannabis variaient selon les participants (38,5 p. 100 des participants à l’étude utilisaient du cannabis médical délivré sur ordonnance); le cannabinoïde détecté chez les participants était principalement du tétrahydrocannabinol (THC).
Résultats. Aucune différences n’a été observée entre les deux groupes au début de l’étude. Au 28e jour de celle‑ci, le groupe de sevrage a obtenu des résultats significativement meilleurs pour chaque indice cognitif que le groupe de consommation. Il a également mieux performé aux tests visant l’évaluation de la vitesse de traitement de l’information, de l’apprentissage, de la mémoire (visuelle et verbale) et des fonctions exécutives. Les gains sur le plan de la vitesse de traitement de l’information correspondaient à une hausse de l’activité cérébrale, mesurée par IRM fonctionnelle. L’abandon du cannabis n’a pas été associé à une augmentation significative des symptômes, et tous les symptômes de sevrage signalés ont été passagers et maîtrisables.
Retombées. Cette étude est la première à démontrer que les personnes qui consomment de façon fréquente et de longue date du cannabis peuvent présenter d’importants gains cognitifs suivant une période d’abstinence. Parmi les variables critiques susceptibles de réduire le rattrapage des déficits cognitifs suivant une période d’abstinence figurent l’âge au début de la consommation (par exemple, la consommation de cannabis pendant l’adolescence, alors que le cerveau est encore en développement) et la durée de la consommation (par exemple, les personnes qui consommaient du cannabis depuis longtemps avant de recevoir un diagnostic de SP). D’autres études seront nécessaires pour nous permettre de mieux comprendre les bienfaits et les effets indésirables de la consommation de cannabis.
Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Brain.