Grâce à une étude collaborative d’observation menée à l’échelle mondiale, des chercheurs se penchent sur l’évolution à long terme de la SP après un traitement par cellules souches

Contexte

Comme plus de 2,3 millions de personnes vivent avec les effets invalidants de la sclérose en plaques (SP) à l’échelle mondiale, il n’est pas surprenant que de nombreuses équipes de recherche de partout dans le monde s’efforcent de trouver un traitement qui permettra de guérir cette maladie. Alors que les médicaments modificateurs de l’évolution de la maladie contribuent à bloquer temporairement les agressions du système immunitaire dans le contexte de la SP, ces traitements sont insuffisants chez certaines personnes, car les attaques continuent et l’incapacité s’aggrave. Parmi les interventions thérapeutiques qui retiennent l’attention dans le domaine de la SP, mentionnons l’immunosuppression suivie d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques autologues (IGCSHA); celle-ci permet de « réinitialiser » le système immunitaire défectueux et de rebâtir un nouveau système immunitaire sain. Un certain nombre d’études ont permis de montrer que ce traitement pourrait interrompre l’évolution de la SP, prévenir la nécessité de recourir aux médicaments modificateurs de l’évolution de la SP et, dans certains cas, améliorer les capacités fonctionnelles. Les résultats d’une étude phare financée par la Société canadienne de la SP et la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP (FRSPP), intitulée Essai canadien sur la greffe de moelle osseuse, ont été publiés récemment dans la prestigieuse revue The Lancet. Cet essai a révélé que la reconstitution du système immunitaire par l’IGCSHA entraîne l’absence de nouvelles poussées, le ralentissement de l’évolution de l’incapacité et, chez certaines personnes, un rétablissement inattendu des capacités fonctionnelles. Partout dans le monde, de nombreux groupes poursuivent la recherche sur l’IGCSHA à titre de traitement possible contre la SP. Les résultats d’une nouvelle étude qui avait pour but de faire le point sur ces essais, ainsi que sur les bienfaits et les risques à long terme de l’IGCSHA, ont été publiés dans la revue JAMA Neurology par le Dr Paolo Muraro, de l’Imperial College London, et ses collègues, parmi lesquels figurent deux chercheurs parrainés par la Société de la SP, soit les Drs Atkins et Freedman.

Description de l’étude

L’étude visait à examiner une cohorte de personnes atteintes de SP qui ont subi une IGCSHA entre 1996 et 2006. L’équipe a analysé les données recueillies auprès de 281 participants qui ont subi le traitement; ceux-ci provenaient de 25 centres situés dans 13 pays. Ils ont évalué les données démographiques et cliniques (score à l’échelle EDSS, forme de SP, antécédents thérapeutiques et type de schéma chimiothérapeutique administré – à intensité élevée, intermédiaire ou faible). Les chercheurs ont évalué la proportion de personnes qui ont présenté une survie sans progression de la SP, ce qui signifie que leur degré d’incapacité était le même avant et après le traitement. Cette évaluation était fondée sur les variations du score à l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke (EDSS) observées chez les participants.

Résultats

Cinq ans après l’IGCSHA, l’évolution de la SP a été interrompue chez 46 % des participants. L’étude a également permis de déterminer qu’après l’IGCSHA, la SP est plus susceptible d’évoluer chez (1) les personnes plus âgées comparativement aux personnes plus jeunes (2) les personnes atteintes de SP progressive comparativement aux personnes atteintes de SP cyclique et (3) les personnes qui ont déjà été traitées par plus de deux médicaments modificateurs de l’évolution de la maladie. Par exemple, au moment de l’évaluation réalisée 5 ans après le traitement, 73 % des personnes atteintes de SP cyclique ont présenté une absence d’évolution de la maladie par rapport à 33 % des personnes atteintes de SP progressive secondaire.

Selon l’analyse d’un sous-groupe de 111 personnes, les personnes atteintes de SP cyclique ont montré une diminution de l’incapacité à la suite de l’IGCSHA (variation du score EDSS de -0,76); une diminution de l’incapacité a aussi été observée chez les personnes atteintes de SP progressive, mais à un degré moindre (variation du score EDSS de ‑0,14).

Huit décès ont été signalés au cours des 100 jours suivant la greffe; ceux-ci ont été liés au traitement.

Commentaires

Bon nombre des études publiées jusqu’ici sur l’IGCSHA montraient des limites attribuables au faible nombre de personnes atteintes de SP qui y ont participé. La force des résultats du Dr Muraro et de son équipe réside dans l’évaluation d’une cohorte de grande envergure composée de personnes atteintes de SP de partout dans le monde qui ont subi ce traitement, et ces résultats permettent de dresser un portrait de l’efficacité et de l’innocuité à long terme de l’intervention. De plus, l’étude aidera les milieux cliniques et de la recherche à mieux comprendre le rôle de l’IGCSHA dans le contexte de la SP progressive et à établir si la présence d’une forte activité inflammatoire doit d’abord être repérée pour assurer que le traitement entraînera des bienfaits. L’étude a également permis de montrer que l’utilisation de l’IGCSHA dans le contexte de la SP doit être envisagée avec prudence, car l’administration d’une chimiothérapie énergique entraîne des risques significatifs. Au Canada, l’IGCSHA a été étudiée comme traitement destiné aux personnes aux prises avec une SP cyclique à forte activité inflammatoire, qui évolue rapidement et qui s’est montrée réfractaire aux traitements offerts.

Dans l’ensemble, les résultats de l’étude brossent un portrait des répercussions à long terme de l’IGCSHA chez les personnes qui vivent avec la SP, quelle qu’en soit la forme. Ils servent de levier pour la réalisation d’essais bien conçus de grande envergure au cours desquels on pourrait comparer cette intervention avec d’autres traitements modificateurs de l’évolution de la SP actuellement offerts ou encore avec un placebo. L’étude fournit des données qui aideront à orienter les décisions que doivent prendre les personnes aux prises avec la SP et les professionnels de la santé qui envisagent l’IGCSHA, en plus de paver la voie à la recherche en cours sur l’application des cellules souches dans le traitement de la SP. Visitez le site de la Société de la SP pour consulter une liste des essais cliniques qui portent sur l’IGCSHA dans le contexte de la SP.

Source :

MURARO, P. A. et coll. « Long-term Outcomes After Autologous Hematopoietic Stem Cell Transplantation for Multiple Sclerosis », JAMA Neurology, 2017. [publication électronique avant impression].