D’un diagnostic accablant à une distinction honorifique
Une ardente défenseure des droits et des intérêts des personnes atteintes de SP est nommée membre de l’Ordre du Canada
Diane s’est vu décerner un honneur parmi les plus prestigieux qui puissent être accordés aux citoyennes et citoyens canadiens. Le parcours de cette femme, qui a reçu un diagnostic de SP à 17 ans, a été marqué par le courage, la sensibilisation et une volonté inébranlable.
« Je vous appelle du bureau de la gouverneure générale, à Rideau Hall, à Ottawa. » Lorsque Diane a répondu au téléphone et qu’elle a entendu ces mots, elle a eu peine à croire ce qui lui arrivait : elle venait d’être nommée membre de l’Ordre du Canada.
« Ça m’a vraiment touchée. J’étais très honorée », se remémore Diane. « J’ai repensé à l’époque où j’ai mis sur pied le bureau régional de SP Canada, à Sault-Sainte-Marie, alors que j’avais seulement 18 ans. Mes yeux se sont remplis de larmes. »
Très peu de gens de notre pays reçoivent un appel comme celui que Diane a reçu. La distinction qu’elle a obtenue a permis de couronner une vie consacrée à l’action militante, à l’écriture, à la lutte pour les droits des autres et à la défense de la dignité.
Constituant l’une des plus prestigieuses distinctions honorifiques de notre pays, l’Ordre du Canada vise à souligner la contribution extraordinaire de gens qui façonnent notre nation. Pour Diane, qui vit avec la sclérose en plaques depuis son adolescence, il ne s’agit pas seulement d’une reconnaissance. Cette récompense reflète des décennies de détermination, de résilience et de travail acharné. « La SP a marqué mon existence, mais je ne l’ai jamais laissée définir qui je suis. Elle a fixé certains paramètres, dont j’ai tenté toute ma vie de bonifier les réglages », mentionne Diane.
La distinction qui a été accordée à Diane a permis de souligner non seulement la vie qu’elle a vouée au service des autres, mais aussi près de cinquante ans d’efforts soutenus à lutter contre la SP, maladie qui a modelé le cours de sa vie, mais qui ne l’a jamais empêchée d’aller de l’avant.
Le diagnostic
Diane avait 14 ans lorsqu’elle a éprouvé son premier symptôme de SP – une perte soudaine et inexpliquée de la vision dans un œil. Malgré le fait qu’on ait transporté Diane par ambulance aérienne de Sault-Sainte-Marie à l’Hôpital universitaire de Toronto, les médecins n’ont pas été en mesure d’établir de diagnostic à ce moment-là. Les pièces du casse-tête se sont toutefois mises en place quand elle avait 17 ans. Après une fin de semaine passée avec des amis, Diane a commencé à ressentir des fourmillements dans ses jambes, qui ont évolué rapidement : le lendemain de son retour à la maison, elle ne pouvait plus marcher. L’ambulance aérienne qu’elle a de nouveau prise à partir de sa ville natale a cette fois transporté Diane à l’Hôpital Sunnybrook, à Toronto, où, après une deuxième ponction lombaire, on lui a appris qu’elle était atteinte de SP.
Diane n’oubliera jamais les mots qui ont été prononcés cette journée-là. Elle se souvient exactement de la salle d’examen où elle était, dans laquelle était suspendue une ampoule dénudée au-dessus de sa tête. Alors qu’elle était seule et vulnérable, sans aucun de ses parents avec elle, un médecin, assis les jambes croisées, lui a dit ce qui suit : « Tu as la SP. Tu te retrouveras bientôt en fauteuil roulant. À 27 ans, tu seras alitée, et tu seras morte à 35 ans. »
Diane ne s’est pas effondrée. Le regard perçant, elle a plutôt choisi de répondre au médecin en utilisant des mots qu’une jeune fille baptiste respectable n’aurait normalement jamais employés. Elle lui a dit « Va te faire f... ». C’est à cet instant précis que les mots « résistance et détermination » sont devenus comme un leitmotiv pour Diane, lequel allait désormais guider toutes les actions que cette dernière entreprendrait, et ce, pour le reste de ses jours.
Aller de l’avant
À la suite du diagnostic, il a fallu moins d’un an à Diane pour qu’elle commence à se battre, non seulement contre la maladie, mais également contre la stigmatisation, le silence et les systèmes qui n’étaient pas inclusifs pour les « personnes comme elle ».
Ainsi, en 1976, à 18 ans, elle a cofondé le premier bureau régional de SP Canada à Sault-Sainte-Marie, en plus de contribuer à la collecte de fonds dans le cadre de la Campagne de l’œillet SP et de publier des témoignages à propos de son diagnostic de SP et de son parcours aux côtés de cette maladie, dans l’espoir qu’aucune autre personne de son âge ne se fasse dire ce qu’elle s’était fait dire.
« Je voulais qu’on m’entende. Je voulais que les scientifiques trouvent un moyen de stopper cette maladie », dit-elle.
Malgré les multiples poussées de SP qu’elle a subies, Diane a fait des études de premier cycle en sciences religieuses à l’Université de Waterloo, puis a obtenu un diplôme de deuxième cycle en journalisme avant de se voir confier un poste de rédactrice en chef au journal Manitoulin Expositor, dans le cadre duquel elle a travaillé de longues heures dans une salle de nouvelles qu’elle adorait, et ce, même lorsque ses symptômes empiraient. Elle a par la suite travaillé pour d’autres journaux et magazines, de même que pour la radio de CBC. La franchise dont elle faisait preuve à propos de sa maladie n’était pas commune à l’époque dans le milieu du journalisme. « Très tôt dans ma carrière, un rédacteur en chef m’a conseillé de ne jamais révéler mon diagnostic de SP si je voulais continuer à travailler. Je n’ai pas suivi ce conseil. Je suis qui je suis », explique-t-elle.
Elle a quitté le poste qu’elle occupait au journal The Expositor pour aller faire une maîtrise en journalisme à l’Université Carleton, à Ottawa.
Se servir des mots pour vivre son deuil
Diane n’avait pas encore 40 ans lorsque sa vie bascula de nouveau : elle devait maintenant se battre contre un cancer de l’ovaire, du même type que celui qui avait emporté sa sœur, qui était elle aussi atteinte de SP. Suivant ce nouveau diagnostic, Diane s’est fait dire qu’il lui restait un an à vivre. Elle a subi six chirurgies abdominales, puis a appris qu’elle avait un cancer du sein. Elle a survécu aux deux cancers.
Loin de se laisser abattre par les difficultés, Diane s’est plutôt servie de son expérience pour mener à bien un projet d’envergure, à savoir la publication d’un second livre, intitulé An Ovarian Cancer Companion (qui a également été publié en français sous le titre Cancer des ovaires – Votre compagnon d’espoir). Ce fut le premier livre canadien destiné aux femmes luttant contre un cancer de l’ovaire. Lorsqu’un géant pharmaceutique procéda à l’achat de son livre pour en faire la distribution à tous les gynéco-obstétriciens et gynéco-obstétriciennes du pays, Diane a ressenti une joie immense, ravie de savoir que des femmes aux prises avec un diagnostic accablant pourraient peut-être puiser de la force et trouver du soutien dans ses mots.
C’est ce livre, ainsi que tous les efforts qu’elle a déployés au cours de sa vie par ses actions militantes, qui ont mené à la nomination de Diane comme membre de l’Ordre du Canada.
Diane a publié six livres jusqu’ici. Le plus récent de ceux-ci consiste en une autobiographie intitulée Living Beyond The Shadow, qui est parue en novembre 2024.
Un honneur national, une victoire personnelle
Diane a officiellement été nommée membre de l’Ordre du Canada en décembre 2024. Cela lui semble encore irréel. « Je porte l’insigne partout où je vais. Et j’ajoute maintenant les initiales C.M. après ma signature. Membre de l’Ordre du Canada. C’est parfois difficile à croire. »
Cette distinction lui a été accordée pour souligner non seulement ses activités de défense des droits et des intérêts des personnes atteintes de SP, mais également tout ce qu’elle a fait pour sensibiliser les gens au cancer, aux droits à l’accessibilité, et aux services publics. En tant qu’écrivaine, conférencière et défenseure, elle a tenté pendant des décennies de promouvoir la mise en place de systèmes de soutien à l’image de ceux dont elle aurait tant voulu pouvoir profiter elle-même.

Diane a même contribué à l’amélioration de certaines politiques. Alors qu’elle siégeait au Bureau de la santé de l’Est de l’Ontario, elle s’est opposée publiquement à l’engagement de dépenses excessives après le licenciement d’infirmières de première ligne, favorisant ainsi la création de nouvelles règles régissant l’utilisation de l’argent des contribuables.
À propos de la cérémonie de remise de distinctions honorifiques canadienne, Diane nous raconte ce qui suit : « Je devais avancer vers la gouverneure générale et m’incliner. Je lui ai plutôt fait un clin d’œil, et elle m’a souri en retour. J’ai roulé mon fauteuil à l’endroit où on a lu ma citation de l’Ordre du Canada, laquelle faisait mention de mes réalisations à titre d’écrivaine et de mon engagement au chapitre de l’accessibilité et de la défense des droits et des intérêts des personnes atteintes de sclérose en plaques ou d’un cancer de l’ovaire. Quand je repense à toutes les fois où j’ai pris part à des actions militantes, jamais je n’aurais pensé que cela me mènerait un jour à devenir membre de l’Ordre du Canada. Mais voilà, c’est ce qui est arrivé. »

Continuer à lutter et à se dévouer
Diane vit maintenant à Stratford. Se déplaçant en fauteuil roulant électrique, elle continue de militer en faveur des droits des personnes handicapées en tant que vice-présidente du comité consultatif local sur l’accessibilité. « Cela fait des dizaines d’années que je me bats pour l’amélioration de l’accessibilité, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Les endroits où je ne peux aller sont encore très nombreux. Par exemple, il m’est impossible de voyager en train ou en avion, car ces moyens de transport ne sont pas accessibles aux personnes qui utilisent un fauteuil roulant électrique. Ainsi, je peux uniquement me déplacer avec mon mari, dans notre fourgonnette adaptée », souligne Diane. « La situation actuelle est terriblement décevante en ce qui a trait aux droits des personnes handicapées en matière d’accessibilité. Pensons notamment à l’accès aux restaurants, aux soins de santé et aux transports. L’accessibilité concerne tous les aspects de la vie, et je crois que le Canada a fait très peu de progrès jusqu’ici à ce chapitre. »
Dernièrement, une campagne que Diane a menée en solitaire pour accroître l’accessibilité dans sa localité a été couronnée de succès, puisque le poste de police est maintenant accessible aux personnes handicapées. Il s’agit là de l’aboutissement de plusieurs années d’efforts.
Par ailleurs, Diane a cédé les droits d’auteur sur ses livres en vue de contribuer au financement de la recherche sur la SP et d’appuyer des fondations du cancer et la Fondation Stephen Lewis, qui offre son soutien à la santé en Afrique. « J’ai toujours eu pour mission d’apporter ma contribution. C’est pour ça qu’on survit : pour aider les autres à survivre », affirme-t-elle.
Diane souhaite adresser un vibrant message d’espoir aux jeunes qui vivent avec la SP : « Ne cessez jamais d’espérer. N’écoutez pas les gens qui vous diront qu’il ne vous sera pas possible de vivre une vie pleinement satisfaisante. Vous le pouvez. Croyez en vous. Croyez en la force des autres. Une personne pourrait jouer un rôle décisif dans votre vie. »
Et elle sait de quoi elle parle. Diane a démontré que la sclérose en plaques ne définit pas la vie qu’on vit. Mais l’aide qu’on apporte aux autres, oui. Maintenant qu’elle fait partie des citoyens et citoyennes de notre pays ayant reçu l’une des plus prestigieuses distinctions qui soient, les résultats de tous ses efforts parlent d’eux-mêmes : Diane n’a pas seulement combattu la SP. Elle est parvenue à changer le monde malgré la SP.
- Se connecter pour publier des commentaires