Une musulmane vivant avec la SP nous parle de foi et de jeûne

Imaan Waja est une infirmière en obstétrique qui se passionne pour la mode et le design, les randonnées avec son husky Kuruk et les expéditions dans sa Jeep. Elle est également une fière musulmane qui a grandi dans le Nord ontarien et est déterminée à inciter d’autres femmes à se montrer vraies en toutes circonstances. Elle profite actuellement de l’occasion de vivre l’expérience de la Colombie-Britannique.


Parlez-nous de vous. Comment êtes-vous devenue infirmière?

J’ai grandi à North Bay, en Ontario. Musulmane dans une collectivité majoritairement caucasienne, j’étais la seule de ma classe à avoir la peau foncée jusqu’à mon entrée au secondaire. J’étais donc un peu à part, mais ma mère nous a toujours encouragés à célébrer nos différences.

Après mes études secondaires, j’ai fait un baccalauréat de quatre ans en sciences biomédicales dans le but premier de devenir médecin, comme mon père et ma mère. J’ai plutôt opté pour des études en sciences infirmières, mais je voulais aussi explorer mes aptitudes artistiques. J’ai donc étudié la mode et la couture en parallèle, le soir. J’étais occupée, mais j’avais toujours énormément d’énergie, à tel point que mes amis me surnommaient souvent le « lapin Energizer ».

Pouvez-vous nous parler de votre parcours avec la SP? Quand vous a-t-on annoncé le diagnostic de SP?

C’était le 27 octobre 2016. À la fin d’une journée passée à un salon de l’emploi, j’ai senti de légers engourdissements et picotements dans mon pied gauche. Je les ai tout simplement attribués au fait d’avoir été debout trop longtemps. Quand je suis rentrée chez moi, la sensation de picotements était toujours là et atteignait maintenant mon genou. Je l’ai mentionné à ma mère, qui a maugréé que mes bottillons (mes préférés, qu’elle haïssait pour sa part) en étaient probablement la cause. Elle m’a conseillé de m’en défaire, mais j’étais convaincue qu’ils n’avaient rien à voir avec mon problème.

Deux semaines plus tard, la sensation de picotements était toujours présente et atteignait maintenant ma cage thoracique. Comme je rendais visite à mes parents, je leur en ai reparlé. Malgré leur formation médicale, ni l’un ni l’autre n’a envisagé la sclérose en plaques au départ.

Imaan on a horse

Mon père croyait que l’engourdissement découlait probablement de l’un des nombreux sports à mon programme. Il nous encourageait depuis toujours à pratiquer des sports, à être actifs et à écouter notre corps. Il croyait que j’avais peut-être poussé la machine trop fort et m’a recommandé d’essayer de relaxer dans un bon bain chaud. Ma mère, par contre, s’est vite inquiétée et a soupçonné la présence d’une tumeur à la colonne vertébrale, réaction tout à fait contraire à celle de mon père! Comme mes parents avaient des contacts dans le milieu médical, j’ai eu la chance d’obtenir rapidement un rendez-vous pour passer un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM).

Plus tard cette journée-là, mon père est revenu du travail tôt, contrairement à ses habitudes. Je me rappelle l’avoir entendu monter l’escalier lentement. Après s’être assis sur le bord du canapé, il s’est mis à parler de l’émission que je regardais. Je me suis dit que ça devait être vraiment grave s’il était assis là à regarder « Gilmore Girls » avec moi. Puis, il s’est mis à pleurer et m’a dit que l’IRM avait révélé des lésions dans des zones pointant vers la SP. Je n’avais vu mon père pleurer qu’une seule fois avant ce jour-là.

En grande partie grâce aux contacts de mes parents dans le milieu de la santé, tout s’est déroulé rapidement, de l’examen par IRM au diagnostic, et j’en suis très reconnaissante. Je sais que la majorité des personnes qui reçoivent un diagnostic de SP attendent des mois avant de passer un tel examen.

Comment ta famille, tes amis et ta communauté ont-ils réagi à l’annonce du diagnostic de SP?

J’ai la chance de compter beaucoup de professionnels de la santé dans ma famille. Mes parents en ont donc d’abord parlé à ces personnes, et

Imaan at an MS Walk event in North Bay, Ontario

puis aux autres. La famille et la communauté sont au cœur de la vie musulmane. Nous comptons sur notre famille et notre communauté non seulement pour le soutien, mais aussi pour la prière.

Dans la communauté musulmane, les difficultés sont considérées comme des épreuves à surmonter, et non comme des punitions. Les musulmans acceptent généralement les difficultés de la vie. Notre façon de gérer les difficultés nous renforce en tant que personne, et notre communauté se mobilise autour de nous avec amour, empathie et compréhension, de même que par la prière. Les gens proposent de nous conduire à nos rendez-vous, de cuisiner pour nous et de nous aider à nous soigner.

Décrivez les symptômes que vous avez eus et leur impact sur votre vie quotidienne.

Imaan and her husky

Les premiers symptômes ont été des picotements et de la fatigue. J’ai également ressenti de fortes démangeaisons sur mes mains et mes épaules. C’était tellement intense que je me serais grattée au sang. Les démangeaisons duraient quelques jours, puis cessaient complètement. J’ai également eu des vertiges si déstabilisants que je ne pouvais pas ouvrir les yeux et que je perdais toute conscience de l’espace. Après le diagnostic, je suis retournée vivre chez mes parents, à North Bay. Le cours de ma vie a alors pris un autre tournant, puisque j’avais prévu rester à Toronto pour travailler comme infirmière et poursuivre mes rêves dans le domaine de la mode et du design.

À quoi ressemble la vie avec la SP pour une musulmane? Existe-t-il des différences auxquelles les autres personnes ne pensent pas ou qu’elles ne prennent pas en compte?

Imaan prays on top of her Jeep
📷: Emily Ellen / @itsemilyellen

Lorsqu’il s’agit de la prière islamique, les mouvements – se tenir debout, se pencher, poser son front sur le sol – en font partie intégrante. Or, en fonction de nos symptômes et de l’évolution de la maladie, il peut être impossible de les faire. Bien sûr, si cela arrive, ce n’est pas grave. Il existe des possibilités d’allègements et de changements. On prie du mieux qu’on peut, et Dieu nous rencontre à mi-chemin.

Si nous avons besoin d’une aide extérieure, comme des soins à domicile, la situation se complique, car le personnel ne connaît pas nécessairement les priorités d’une personne musulmane, surtout si le personnel change d’une fois à l’autre. Par respect pour la pudeur de la personne et les règles d’interaction entre les sexes opposés, il peut être inacceptable de demander à une personne de sexe opposé (autre qu’un membre de la famille) d’aider à l’habillement et au bain. Comme nous ne pouvons choisir le genre des membres du personnel aidant ou le moment de leur arrivée, il peut en découler beaucoup de stress.

Imaan sitting in a gondola, ready to take on the hills
📷: Emily Ellen / @itsemilyellen

Le sport a toujours fait partie de ma vie, mais j’ai réévalué mon programme d’exercice physique et mon alimentation après le diagnostic de SP. Je fais de l’activité physique plus régulièrement et de l’entraînement musculaire axé sur les petits muscles. Je pratique le Pilates, et j’ai intégré la prière à mon programme. Quant à mon alimentation, je mange davantage d’aliments complets et rarement des aliments transformés. Je pensais être à l’écoute de mon corps avant, mais je me rends compte que je le suis beaucoup plus maintenant! J’ai également cessé de faire beaucoup d’heures supplémentaires et j’ai trouvé un meilleur équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle.

Comment la prière s’intègre-t-elle dans la vie avec la SP, laquelle est une maladie imprévisible?

La prière est un aspect important de mon quotidien. À l’université, avant l’arrivée de la SP dans ma vie, j’avais commencé à faire des crises de panique, mais j’ai appris à les maîtriser par la prière. Celle-ci joue un rôle important dans l’apaisement de mon angoisse et me donne force et motivation. En outre, le fait de considérer la SP comme un test – non pas un test auquel je dois obtenir 100 %, mais un test de croissance continue – m’est utile au quotidien. Ma foi m’aide à rester positive et à apprécier chaque instant, parce que rien ne nous est dû dans la vie. Il faut juste vivre le moment présent et le vivre au mieux de nos capacités.

La prière me permet de croire en l’existence d’un être supérieur qui partage la responsabilité de ma vie. Un être qui sait presque quelle pourrait être la meilleure, la plus belle version de ma vie et qui essaie de me guider à travers elle. Cela ne signifie pas pour autant que cet être m’offrira une vie sans épreuve. Existe-t-il vraiment une bonne histoire sans aucune difficulté?

L’être humain cherche une maîtrise absolue, et la prière me permet de lâcher prise. Lorsque je prie, je dis « entre cette prière et la prochaine, laissez-moi vivre une bonne vie, je ferai face aux difficultés qui se présenteront, et nous pouvons le faire ensemble ». De bien des façons, la foi combinée à la prière m’aide à ne pas faire une fixation sur mon angoisse face à l’avenir.

Que signifie le ramadan pour vous? Que voudriez-vous que les autres sachent sur sa raison d’être, ses traditions et ses coutumes

Le ramadan est un mois de l’année où on remet le compteur à zéro. C’est un temps de réflexion et un moment entre Dieu et chacun de nous, où nous renforçons notre foi et nos croyances. Il s’agit essentiellement d’une remise à zéro spirituelle et d’une réévaluation des habitudes accumulées tout au long de l’année. Pendant ces 30 jours, nous mettons l’accent sur le rétablissement des priorités. Le jeûne est également un aspect important du ramadan. Lorsque nous nous abstenons de manger et de boire pendant une bonne partie de la journée, notre cerveau n’a pas besoin de penser à ces choses, et c’est incroyable ce qu’il est possible d’accomplir! Le jeûne permet également de mettre en perspective les choses que nous percevons comme de grandes difficultés. Lorsque la faim et la soif nous tenaillent, nous prenons conscience que beaucoup de citoyens du monde vivent ces difficultés chaque jour. Leur vie tourne essentiellement autour de la survie… alors oubliez la croissance! Le ramadan donne vraiment une tout autre perspective à nos problèmes.

Le jeûne du ramadan, ou « As-Sawm », est l’un des « cinq piliers de l’Islam ». L’acte de jeûner enseigne la patience et l’empathie et permet de se défaire de ses mauvaises habitudes. Pour en savoir plus sur les cinq piliers, cliquez ici.

Si les symptômes de la SP vous empêchent de jeûner, comment vous sentez-vous pendant le mois du ramadan?

📷: Emily Ellen / @itsemilyellen

Il m’est parfois difficile de jeûner, car mon cerveau s’embrouille et je ressens de la fatigue, surtout lorsque je travaille. Je dois écouter mon corps. Il m’arrive donc de jeûner pendant deux jours, puis de prendre une pause. Il existe des allègements pour les personnes malades, enceintes ou souffrant de problèmes médicaux. Lorsqu’une personne ne peut pas jeûner pour ces raisons, elle peut se rattraper en jeûnant à une autre période de l’année ou choisir un paiement appelé « fidya » (ou « fidyah »), qui équivaut à offrir deux repas à une personne démunie.

C’est assurément un changement de perspective et de mentalité. Je me rappelle que je jeûne toujours, mais à un rythme différent des autres, et ce n’est pas grave!

Quel conseil donneriez-vous à une personne qui vient de recevoir un diagnostic de SP?

 La crainte initiale et l’énormité du diagnostic peuvent être accablantes, surtout lorsque nous essayons de connaître les répercussions de la maladie au quotidien. Il est très important d’obtenir du soutien et de l’information. Lisez le plus possible et essayez de vous en tenir à l’information factuelle.

Imaan and her husky in the snow

issez des liens avec la communauté de la SP. C’est réconfortant de pouvoir parler de la SP avec des personnes qui comprennent vraiment de quoi il s’agit, même si elles n’éprouvent pas exactement les mêmes symptômes. J’ai participé quelques fois à la Marche SP, et c’est formidable d’établir ce type de liens.

Enfin, célébrez les petites victoires! Célébrez chaque petite chose et chaque petit effort. Avec le temps, ces petites victoires deviendront de grandes victoires. Ma mère dit toujours de chercher les petits miracles, car ce sont les choses qui comptent le plus. Alors, dénichez vos petits miracles et faites en sorte qu’ils comptent.

Vous pouvez aider encore plus de Canadiens et de Canadiennes aux prises avec la SP.

Le soutien que vous nous apportez nous permet d’appuyer les personnes de notre pays qui, comme Imaan, sont touchées par la SP. Le généreux don que vous ferez aujourd’hui aura des retombées significatives dans la vie des gens qui doivent surmonter l’incertitude liée à cette maladie.

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