Contexte
Il existe à l’heure actuelle une variété de médicaments modificateurs de l’évolution de la SP (MMÉSP) capables de traiter l’inflammation destructrice associée à la SP cyclique (poussées-rémissions). Toutefois, les MMÉSP ne sont pas entièrement efficaces, et les deux tiers des personnes atteintes de sclérose en plaques qui reçoivent ce type de médicaments subissent malgré tout des poussées de SP. De plus, les sujets aux prises avec la SP cyclique traités par un MMÉSP se doivent de maintenir le traitement par ces médicaments durant de nombreuses années, dans la mesure où l’arrêt de leur traitement pourrait mener à une résurgence de leurs symptômes de SP. Parmi les solutions de substitution aux MMÉSP de première intention actuellement à l’étude figure la thérapie cellulaire. La greffe de cellules hématopoïétiques effectuée à la suite d’un traitement immunosuppresseur administré à hautes doses constitue une approche qui suscite un intérêt grandissant parmi les chercheurs spécialisés en SP. Cette démarche consiste à supprimer les cellules immunitaires impliquées dans l’apparition de la SP, puis à reconstituer le système immunitaire du patient en transplantant dans l’organisme de ce dernier des cellules souches provenant de sa propre moelle osseuse. Des traitements similaires ont été administrés au Canada, notamment dans le cadre d’une étude intitulée « Canadian Bone Marrow Transplantation » (BMT) – essai canadien sur la greffe de moelle osseuse (GMO). Or, les auteurs de l’étude sur la GMO, financée par la Fondation pour la recherche scientifique sur la sclérose en plaques (FRSSP), ont pu constater l’absence de nouvelles lésions et la réduction des incapacités chez les participants, lesquels étaient atteints d’une forme de SP à évolution rapide et avaient subi une greffe de moelle osseuse dans le cadre de l’essai.
Le groupe de chercheurs responsables de l’étude intitulée « Hematopoietic Cell Transplantation for Relapsing-Remitting Multiple Sclerosis » (HALT-MS) – essai sur la greffe de cellules hématopoïétiques dans le traitement de la sclérose en plaques cyclique – a récemment publié des résultats préliminaires obtenus au cours des trois premières années de cette étude, dont la durée sera de cinq ans. Les auteurs de l’étude HALT-MS, dont fait partie le Dr Douglas Arnold, subventionné par la Société de la SP, ont pour objectif de déterminer les profils d’efficacité et d’innocuité d’une intervention précoce combinant une greffe de cellules hématopoïétiques à un traitement immunosuppresseur à fortes doses dans la maîtrise de l’inflammation et le maintien de la rémission chez les personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions).
Description de l’étude
L’étude HALT-MS est un essai clinique multicentrique de phase II auquel participent 24 personnes recrutées pour recevoir le traitement combiné décrit ci-dessus. Pour être admissibles à l’étude, les participants devaient être des adultes atteints de SP cyclique et avoir été traités sans succès par un MMÉSP au cours des 18 mois précédant leur participation à l’essai. Des cellules souches hématopoïétiques (CSH) – cellules souches issues de la moelle osseuse pouvant se différencier en divers types de cellules sanguines – ont été prélevées d’échantillons de sang provenant de chaque participant, puis purifiées et stockées. Les participants ont ensuite reçu des doses élevées de médicaments chimiothérapeutiques destinées à supprimer leur système immunitaire et ont finalement subi une intervention dite « greffe de cellules souches hématopoïétiques autologues », laquelle consiste à réintroduire par perfusion dans l’organisme du patient ses propres cellules souches hématopoïétiques.
Les chercheurs ont évalué l’efficacité de ce traitement combiné en mesurant la probabilité de survie sans événement, c’est-à-dire l’absence de décès, de poussées cliniques confirmées, de dégradation de la fonction neurologique et de nouvelles lésions cérébrales observées par imagerie par résonance magnétique (IRM). L’équipe de chercheurs s’est également appliquée à déterminer le degré d’innocuité du traitement en étudiant les effets indésirables de ce dernier. L’essai en question comportait un seul groupe, c’est-à-dire que tous les participants ont reçu le traitement combiné. Les mesures effectuées au fil du temps auprès de chaque participant ont été comparées de façon individuelle aux données relevées avant l’amorce du traitement.
Résultats
À l’issue des trois premières années de l’étude, il a été constaté que la greffe de cellules hématopoïétiques combinée à un traitement immunosuppresseur à doses élevées a eu pour effets de maintenir la rémission chez les patients atteints de SP cyclique et d’améliorer la fonction neurologique de ces derniers. Les taux de survie sans événement ont été établis à 82,8 % au bout de deux (2) ans et à 78,4 % après trois (3) ans chez les 24 participants à l’étude. De plus, les évaluations cliniques des patients ont révélé une amélioration globale de la fonction neurologique chez tous les participants, trois ans après leur traitement. Certains effets indésirables ont été observés, mais il s’agissait d’effets secondaires prévisibles après l’administration d’un traitement immunosuppresseur énergique. Soulignons par ailleurs que les effets indésirables les plus néfastes ont pu être pris en charge efficacement ou contrés au fil du temps.
Commentaires
Le traitement de la SP cyclique au moyen des MMÉSP usuels peut réduire le nombre des poussées, mais la rémission complète des patients traités par ce type de médicaments et l’amélioration de leur fonction neurologique demeurent problématiques. Les résultats préliminaires de l’essai HALT-MS sont une source d’espoir pour les personnes atteintes de SP cyclique qui ne répondent pas adéquatement aux MMÉSP, puisque la plupart des participants ayant subi le traitement à l’étude ont bénéficié d’une rémission durable au cours des trois premières années de l’essai en plus de présenter une amélioration de leur fonction neurologique. Les résultats de cette étude viennent s’ajouter aux avancées réalisées dans le cadre de l’essai canadien sur la greffe de moelle osseuse financé par la FRSSP. Ils constituent un pas en avant dans la maîtrise de l’évolution de la SP et dans la compréhension des changements immunologiques qui sous-tendent l’apparition des poussées chez les personnes atteintes de cette maladie. Toutefois, la greffe de cellules hématopoïétiques combinée à un traitement immunosuppresseur à doses élevées n’en constitue pas moins une approche thérapeutique énergique dont le niveau de toxicité et les risques sont substantiels. C’est pourquoi il importe que l’étude HALT-MS, devant durer cinq ans, puisse être menée à terme et que ses résultats fassent l’objet d’une analyse détaillée avant que des conclusions puissent être tirées relativement aux bienfaits à long terme de ce traitement combiné pour les personnes atteintes de SP.
Source
NASH, R. A. et coll. « High-Dose Immunosuppressive Therapy and Autologous Hematopoietic Cell Transplantation for Relapsing-Remitting Multiple Sclerosis (HALT-MS): A 3-Year Interim Report », JAMA Neurol., 2014 Dec. [Diffusé en ligne avant impression].