Contexte
L’un des grands défis posés aux chercheurs en sclérose en plaques réside dans l’élaboration de moyens d’empêcher les cellules immunitaires d’attaquer le tissu nerveux de l’organisme hôte – phénomène baptisé auto-immunité – tout en préservant la capacité du système immunitaire à combattre l’infection. Les chercheurs doivent absolument trouver des façons de cibler seulement les cellules immunitaires à l’origine de la maladie. Dans le contexte de la SP, les cellules en cause sont certains lymphocytes délinquants qui s’en prennent aux protéines de la gaine de myéline des fibres nerveuses, ce qui rend cette dernière vulnérable aux attaques du système immunitaire.
Une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Pere Santamaria, à l’Université de Calgary, se penche sur une nouvelle stratégie thérapeutique qui pourrait se révéler efficace contre la SP et d’autres maladies auto-immunes en ciblant les lymphocytes nocifs et en les inhibant par une technique de « reprogrammation ». Cette technique fait appel aux nanoparticules – particules ultrafines, bien plus petites que les cellules – qui font présentement l’objet d’études en raison de leur capacité potentielle à servir d’outil de transport de médicaments. Selon le Dr Santamaria, les lymphocytes nocifs qui sont mis en contact avec des nanoparticules recouvertes d’une protéine myélinique se transforment en « bons lymphocytes » suivant un processus immunitaire naturel.
Dans un article publié dans la prestigieuse revue Nature, le Dr Santamaria et son équipe, dont fait partie le Dr Wee Yong, chercheur subventionné par la Société de la SP, ont évalué les effets d’un traitement par les nanoparticules sur l’activité d’une maladie semblable à la SP chez la souris. Cette étude a bénéficié d’une subvention de fonctionnement de la Société canadienne de la SP.
Méthodologie et résultats
Les chercheurs ont évalué le potentiel thérapeutique des nanoparticules recouvertes de protéines spécifiques de la maladie chez des modèles animaux présentant une maladie auto-immune telle que le diabète de type 1, l’arthrite et la sclérose en plaques. Les souris atteintes d’une maladie semblable à la SP ont été traitées à l’aide de nanoparticules recouvertes de la glycoprotéine myélinique oligodendrocytaire (MOG), constituant de la myéline ciblé par les lymphocytes nocifs. Puis, les chercheurs ont mesuré les effets de ce traitement sur divers indicateurs de l’activité de la maladie, s’intéressant en particulier à l’état clinique sur le plan de l’incapacité, au degré d’inflammation et de démyélinisation du système nerveux central et au degré d’activation des cellules microgliales (ou microglie) et des macrophages à l’origine de la maladie. Ils ont enfin comparé ces effets à ceux de divers traitements factices.
Les résultats montrent que le traitement par des nanoparticules recouvertes de MOG a permis de ralentir la progression de la maladie et d’amoindrir l’incapacité chez des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP, comparativement aux traitements factices. L’amélioration de l’état clinique fonctionnel a été accompagnée d’une diminution du nombre de cellules microgliales et de macrophages activés présents dans le cerveau ainsi que d’une réduction du nombre de zones enflammées ou démyélinisées dans le cerveau et la moelle épinière. Les chercheurs ont également pu confirmer que le nombre total de lymphocytes non nocifs était accru chez les souris traitées à l’aide de nanoparticules. L’équipe a aussi caractérisé certains des mécanismes d’action sous-jacents au processus de « reprogrammation » des lymphocytes nocifs grâce au traitement par nanoparticules.
Commentaires
Les résultats de cette étude constituent une avancée des plus enthousiasmantes dans l’élaboration de traitements spécifiques de la SP. Le traitement par nanoparticules s’ajoute au nombre croissant de stratégies thérapeutiques expérimentales qui formeront la prochaine génération de traitements ciblés, basés sur une approche consistant à s’attaquer aux cellules immunitaires nocives plutôt qu’à recourir à la méthode forte traditionnelle, à savoir l’immunosuppression. Cette stratégie offre aussi l’avantage de pouvoir recouvrir les nanoparticules de protéines propres à la maladie ciblée, ce qui ouvre la voie au traitement de multiples maladies auto-immunes comme le diabète de type 1 et l’arthrite.
Afin de mettre rapidement à profit le potentiel translationnel de ces résultats, le Dr Santamaria et son équipe travaillent à la conversion de certaines nanotechnologies en traitements médicamenteux, par l’entremise de sa société de biotechnologie, Parvus Therapeutics Inc.
Référence
CLEMENTE-CESARES, X. et coll. « Expanding antigen-specific regulatory networks to treat autoimmunity », Nature; 2016, 530:434-40.