Les résultats d’une étude subventionnée par la Société canadienne de la SP mettent en évidence un biomarqueur chez les personnes atteintes de SPPP permettant de cibler les bons candidats au traitement immunomodulateur

Contexte

Selon les estimations, de 10 à 15 % des personnes atteintes de sclérose en plaques (SP) souffrent de la forme progressive primaire (SPPP) de cette maladie. La SPPP se caractérise par une détérioration progressive et continue de la fonction neurologique qui ne comprend pas de périodes de rémission, contrairement à la SP cyclique, la forme de SP la plus courante. La SPPP est par ailleurs associée à un pronostic plus sombre que la SP cyclique. Il est en outre apparu que les immunomodulateurs, qui constituent la pierre angulaire du traitement de la SP cyclique, ne procurent guère de bienfaits aux personnes atteintes de SPPP, si tant est qu’ils se révèlent bénéfiques dans de tels cas. En fait, aucun médicament n’a encore été approuvé pour le traitement de cette forme grave de la SP.

Dans le cadre d’une étude novatrice financée en partie par une subvention coopérative de la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP, une équipe de recherche menée par le Dr Amit Bar-Or a mis en évidence un biomarqueur permettant de repérer les personnes atteintes de SPPP qui sont susceptibles de retirer des bienfaits d’un traitement immunomodulateur. Plus précisément, cette étude, dont les résultats ont récemment été publiés dans la revue Annals of Neurology, portait sur les immunoglobulines M (IgM), type d’anticorps dont on décèle la présence en procédant à un test appelé « recherche de bandes oligoclonales ». La recherche des bandes oligoclonales d’IgM (BOM) ouvre des perspectives thérapeutiques prometteuses, en ce sens qu’elle permettrait de déceler une activité inflammatoire chez les personnes atteintes de SPPP et de déterminer ainsi le traitement qui leur convient le mieux.

Description de l’étude

Le Dr Bar-Or et ses collaborateurs ont examiné les données cliniques, biologiques et démographiques d’une vaste population de personnes atteintes de SPPP dans des centres d’études espagnols, turques et russes. Ils ont également recherché la présence de BOM, soit le biomarqueur à l’étude, dans les échantillons de liquide céphalorachidien (LCR) ayant été prélevés chez ces personnes. Par ailleurs, ils ont suivi un sous-groupe de sujets qui participaient à un essai clinique en vue d’évaluer l’efficacité du rituximab, un immunomodulateur qui cible les lymphocytes B, les cellules immunitaires qui seraient à l’origine des lésions de la gaine de myéline caractéristiques de la SP. Plus précisément, cette sous-étude additionnelle visait à déterminer si le traitement par le rituximab améliore l’état de santé des personnes atteintes de SPPP chez lesquelles on a décelé la présence du biomarqueur à l’étude.

Les échantillons de LCR prélevés chez les participants à l’étude ont été classés en deux catégories, selon qu’on y avait décelé la présence du biomarqueur à l’étude (sujets BOM+) ou non (sujets BOM-). Puis, les chercheurs ont analysé les paramètres suivants au sein de chaque catégorie de participants à des fins de comparaison : caractéristiques démographiques et résultats des examens neurologiques, nombre de lymphocytes B présents dans le LCR et présence de lésions inflammatoires évolutives dans le cerveau mises en évidence par imagerie par résonance magnétique (IRM). Enfin, ils ont évalué si le traitement par le rituximab avait entraîné une diminution des lésions inflammatoires évolutives dans le cerveau comparativement à un placebo (substance inactive ressemblant au rituximab) chez les sujets BOM+.

Résultats

La comparaison des données cliniques et démographiques a révélé que dans l’ensemble, les symptômes de SPPP des sujets BOM+ étaient plus graves que ceux des sujets BOM-, d’après des paramètres cliniques standardisés. En outre, on a décelé un nombre significativement plus élevé de lymphocytes B dans le LCR des sujets BOM+ que dans celui des sujets BOM-. Par ailleurs, la majorité des sujets BOM+ étaient porteurs de lésions inflammatoires cérébrales caractéristiques de la SP, alors que l’on n’a repéré de telles lésions que chez une faible proportion de sujets BOM-.

Contre toute attente, au cours du suivi, les lésions inflammatoires du cerveau ont disparu chez les sujets BOM+ qui étaient traités par le rituximab, alors qu’elles ont persisté chez ceux qui n’avaient pas reçu cet immunomodulateur. Ces résultats déterminants démontrent d’une part qu’il existe une forte association entre la présence du biomarqueur à l’étude (BOM) chez les personnes atteintes de SPPP et l’activité inflammatoire de leur maladie, et d’autre part, que les sujets BOM+ ont répondu à un traitement immunomodulateur prometteur.

Commentaires

Étant donné que l’on n’a pas encore réussi à trouver un traitement efficace contre la SPPP, cette étude constitue une première étape décisive dans le processus d’identification d’un biomarqueur dans le LCR des personnes atteintes de SPPP qui pourraient retirer des bienfaits d’un traitement immunomodulateur. Il faut savoir qu’un tel biomarqueur est un outil puissant susceptible d’aider les médecins à prendre des décisions thérapeutiques éclairées chez ce sous-groupe de personnes atteintes de SP et que sa découverte est porteuse d’espoir pour ces dernières. Cette étude de recherche a également mis en évidence les différences qui existent entre les personnes atteintes de SPPP et a fourni des indices précis sur les mécanismes biologiques qui sous-tendent ces différences. On a notamment relevé un grand nombre de lymphocytes B dans le LCR des personnes atteintes de SPPP chez lesquelles on avait décelé le biomarqueur à l’étude (BOM). Cette observation porte à croire que les lymphocytes B seraient bel et bien responsables des lésions inflammatoires que subissent certaines personnes atteintes de SPPP. Qui plus est, les données qui démontrent que les médicaments qui ciblent les cellules immunitaires, comme le rituximab, peuvent être efficaces dans le traitement de la SPPP chez les personnes qui sont porteuses du biomarqueur à l’étude (BOM) viennent confirmer cette hypothèse. Il convient toutefois de souligner que ces données sont préliminaires et qu’elles ont été recueillies chez une faible proportion de gens. Quoi qu’il en soit, cette étude constitue une étape déterminante ouvrant la voie à la réalisation d’études de grande envergure qui permettront d’approfondir ces observations et d’explorer les mécanismes physiopathologiques associés à ce biomarqueur et à d’autres biomarqueurs potentiels.

Référence

VILLAR, L. M. et coll. « Immunoglobulin M oligoclonal bands: biomarker of targetable inflammation in primary progressive multiple sclerosis », Ann Neurol, 2014 Aug; 76:231-240.