Répercussions de la sclérose en plaques progressive primaire (SPPP) sur le plan émotionnel
Mon expérience au fil des ans en tant que proche aidante de ma mère
Témoignage de Stephanie
« Tout a commencé par une douleur qui ressemblait à un mal de dents que ma mère ressentait dans la partie inférieure de son visage. En l’absence d’explications malgré plusieurs visites chez le dentiste, le médecin de famille de ma mère a prescrit divers examens. Et c’est finalement après de multiples visites chez le médecin et au service d’urgence de l’hôpital qu’un neurologue a annoncé à ma mère ceci : “La bonne nouvelle est que vous n’avez pas de tumeur, mais la mauvaise nouvelle est que vous avez la sclérose en plaques et présentez une névralgie du trijumeau.” C’est ainsi que ma mère, Carm, a reçu un diagnostic de sclérose en plaques progressive primaire (SPPP) en 2014, à l’âge de 52 ans.
« C’est alors que sa vie a changé radicalement. Au début de son parcours avec la SP, ma mère avait un score de 2,5 à l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke (Expanded Disability Status Scale – EDSS), et bien que nous sachions déjà qu’il s’agissait d’une maladie évolutive, nous ne comprenions pas clairement ce qui nous attendait. À peine une décennie plus tard, ma mère présente maintenant un score EDSS de 8,5. Ne pouvant pratiquement plus bouger, elle est à présent confinée au lit.
« Assister au déclin de sa santé a été très difficile. La maladie s’est tout d’abord manifestée par une névralgie faciale, des migraines et de la fatigue, puis, au fil du temps, son état général s’est détérioré. Elle a ainsi été amenée à utiliser une canne, puis un déambulateur, et finalement un fauteuil roulant – alors qu’il ne s’était écoulé que quelques années depuis le diagnostic. Ne pouvant plus s’installer dans son fauteuil roulant ni quitter celui-ci sans risquer de tomber et de se blesser en raison d’un manque total d’équilibre et de coordination, ma mère est maintenant alitée en tout temps. À présent, elle fait tout son possible pour conserver la mobilité de sa main droite et de son bras droit. Se brosser les dents est l’une des rares choses qu’elle peut encore accomplir de façon autonome. La douleur constitue pour elle un défi majeur qui l’oblige à prendre des médicaments analgésiques quotidiennement. Il est éprouvant de voir un être cher aux prises avec de si grandes difficultés et d’avoir l’impression de ne pas pouvoir faire grand-chose pour aider cette personne. Pour ma mère, le quotidien gravite autour du soutien considérable et des soins importants qu’elle reçoit. Elle prend son petit-déjeuner au lit, puis ses médicaments antidouleur. Tout au long de la journée, des préposés aux services de soutien à la personne lui rendent visite pour lui prodiguer des soins d’hygiène et de physiothérapie, et une infirmière se présente au besoin. En plus de jouer un rôle essentiel quant à la qualité de vie de ma mère et aux soins que celle-ci reçoit à domicile, les membres de notre équipe soignante aident notre famille à bénéficier d’un peu de répit.
« Ma mère demeure en contact avec les membres de notre famille et ses amis au moyen de son iPad, ce qui l’aide beaucoup à garder le moral. Elle passe aussi une partie de son temps à s’informer sur la SP et à suivre l’actualité au chapitre des traitements contre cette maladie, lesquels constituent pour nous une source d’espoir. Notre famille se rassemble chez ma mère à l’occasion des fêtes, car il n’est pas envisageable que cette dernière se déplace, compte tenu de la complexité des soins dont elle a besoin. Étant une mère, une fille, une sœur, une tante et même une grand-mère, elle participe à toutes nos réunions de famille, et ce, sans quitter le lit médicalisé installé chez elle. Bien qu’il soit difficile d’assister à l’évolution de la SP dans son cas, la présence de cette maladie nous a tous et toutes rendus plus attentionnés et compatissants. Son petit neveu âgé de 6 ans lui glisse même ses médicaments à travers les barrières de sécurité de son lit!
« Notre parcours avec la SPPP est très éprouvant sur le plan émotionnel pour chacun et chacune de nous, et surtout pour ma mère, qui doit composer avec la douleur physique et son incapacité à préserver son autonomie. Ma mère pouvait encore se rendre à pied à l’épicerie située près de chez elle, mais à présent, elle ne peut plus sortir de son lit sans l’aide de deux personnes. Elle dépend complètement des autres pour pratiquement tout, ce qui a exigé beaucoup d’adaptation. Malgré tout cela, ma mère n’a pas perdu la foi, ce qui lui a donné la force d’accepter sa situation.
« Quant à moi, le fait de compter parmi les principaux aidants et aidantes de ma mère a changé ma vie. J’ai grandi rapidement et je suis devenue plus prévenante. En tout temps, je suis amenée à réfléchir à la façon d’établir un équilibre entre ma vie et mon rôle de proche aidante. J’essaie de consacrer du temps à de petites occupations, qu’il s’agisse d’offrir des soins de manucure à ma mère ou de prendre le thé en sa compagnie, par exemple. Ce qui nous lie est unique. Cette expérience a fait de moi une meilleure personne et m’a aidée à comprendre à quel point une maladie comme la SPPP peut être grave et bouleverser des vies.
« Je pense que peu de gens se doutent de la gravité que peut avoir la SP, surtout la SPPP. À cause de la SP, vous pouvez perdre votre capacité à marcher et, progressivement, votre autonomie. Il aurait été merveilleux qu’au moment du diagnostic, ma mère puisse bénéficier d’un traitement pouvant stopper la progression de la maladie. Voilà pourquoi il importe tant pour ma famille et moi d’appuyer la recherche sur la SP. Pour notre mère, nous participons chaque année à la Marche SP, et c’est par FaceTime qu’elle se joint à nous à cette occasion. Notre participation à cet événement est la façon dont nous appuyons la recherche, sensibilisons des gens à la SP et tissons des liens avec d’autres membres de la collectivité de la SP. Cela nous permet de contribuer à la quête d’un remède contre la SP et constitue pour nous une source d’espoir.
« Nous nous intéressons tout particulièrement à la recherche axée sur la réparation tissulaire et la remyélinisation dans le contexte de la SPPP. Nous espérons qu’un jour sera mis au point un traitement qui pourra stopper la progression de la SP et même inverser le processus de détérioration associé à cette maladie. L’espoir que suscite la recherche est ce qui nous permet de tenir le coup.
« Si j’avais une recommandation à faire aux familles qui doivent composer avec un diagnostic récent de SP, je conseillerais à ces dernières de préserver leur sens de l’humour. Vous n’aurez pas de pouvoir sur tout ce qu’impliquera cette maladie, mais vous en aurez sur vos réactions. J’insisterais également sur l’importance de pouvoir compter sur une équipe soignante forte, car il faut tout un village pour s’occuper d’une personne aux prises avec la SP. Et il ne faut pas oublier de prendre soin de sa propre personne. La vie aux côtés de la SP constitue un parcours difficile, mais il est possible d’alléger celui-ci en gardant le contact avec ses proches et en puisant de la force dans la foi. »
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