Points saillants du congrès conjoint de l’ECTRIMS et de l’ACTRIMS

Nous avons assisté au 9e congrès organisé conjointement par l’ACTRIMS (Comité des Amériques pour le traitement et la recherche dans le domaine de la sclérose en plaques) et l’ECTRIMS (Comité européen pour le traitement et la recherche dans le domaine de la sclérose en plaques), et nous avons beaucoup de choses à vous raconter! Ce congrès s’est déroulé du 11 au 13 octobre à Milan, en Italie, et a réuni plus de 8 000 scientifiques, cliniciens, cliniciennes, professionnels et professionnelles de la santé venus de tous les coins du monde pour échanger des nouvelles sur les travaux menés récemment dans le domaine de la recherche sur la SP. 

Le programme scientifique de cette année comportait 1 915 résumés de recherche et 22 séances scientifiques portant sur divers sujets en lien avec la recherche sur la SP, comme le virus d’Epstein-Barr, les futures stratégies thérapeutiques, les biomarqueurs et la cognition. Voici quelques faits marquants du congrès. 


Sclérose en plaques – Sur la piste d’un remède  

Le Dr Stephen Hauser (Université de Californie, San Francisco) a prononcé l’allocution d’ouverture du congrès et exposé quelques réflexions sur les avancées réalisées dans le domaine de la recherche sur la SP. Bien qu’il y ait eu d’importants progrès quant à l’élaboration de traitements très efficaces contre la SP cyclique (poussées-rémissions), le Dr Hauser a souligné qu’il n’était pas encore possible de stopper cette maladie. Des données issues de divers essais cliniques ont démontré que, malgré qu’on puisse réduire considérablement l’activité de la maladie en ce qui a trait à la formation de nouvelles lésions et à la survenue de poussées, la SP peut progresser indépendamment des périodes d’exacerbation (phénomène PIRA, de l’anglais progression independent of relapse activity). Ce processus évolutif non lié à l’activité de la SP peut s’enclencher dès les premiers stades de la maladie et se poursuivre tout au long de celle-ci. De ces observations se dégage le besoin de mettre au point des traitements qui auront une efficacité accrue et qui pourront enrayer la progression de la SP.  

Le Dr Hauser est convaincu qu’il est nécessaire de s’attaquer à la SP durant les trois stades suivants : 

  1. Avant l’apparition des premiers symptômes grâce à la prévention.  

  1. Aux tout premiers stades de la SP grâce à l’amorce précoce d’un traitement approprié. 

  1. Durant la phase chronique de la maladie grâce à de meilleurs traitements. 

Bien qu’il importe que nous disposions de plus d’outils qu’à l’heure actuelle et que nous poursuivions la recherche pour être en mesure d’intervenir à ces trois stades, le Dr Hauser a livré un message d’espoir relativement à la possibilité pour la SP d’être la première maladie auto-immune chronique à pouvoir être guérie. 


Virus d’Epstein-Barr et SP 

Il a été établi que le virus d’Epstein-Barr (VEB) constitue un facteur de risque important de SP. Plus de 90 p. 100 des adultes sont, à un moment de leur vie, infectés par le VEB, lequel est à l’origine de la mononucléose. Toutefois, seules certaines personnes ayant été infectées par ce virus finissent par recevoir un diagnostic de SP. On croit que l’infection par le VEB est une condition nécessaire à l’apparition de la SP, mais qu’elle ne suffit pas à elle seule (cliquez ici pour en savoir plus). 

  • Le Dr Thomas Berger (Université de médecine de Vienne – Autriche) a entrepris de déterminer s’il existe des facteurs particuliers qui peuvent prévenir l’apparition de la SP en cas d’infection par le VEB. Le Dr Berger et son équipe ont comparé des données sur des personnes en santé (témoins) et des données relatives à des personnes atteintes de SP, qui avaient été infectées par le VEB et qui avaient soit un taux élevé d’EBNA1 – protéine produite par le VEB – ou un faible taux de cette substance. Les scientifiques ont été en mesure de cerner des facteurs propres au virus ou à l’organisme hôte (p. ex. des gènes du HLA-E, lequel joue un rôle dans la fonction immunitaire, ainsi que d’autres facteurs du système immunitaire) qui pourraient être associés à un risque de SP multiplié par 260. Il importe de mener d’autres travaux de recherche pour comprendre le rôle des facteurs préventifs, dont l’étude approfondie pourrait permettre un jour de dépister les personnes exposées à un risque accru de SP. 


Stratégies thérapeutiques émergentes – Inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (ou BTK) 

Il importe que soient élaborées des approches thérapeutiques efficaces permettant de réduire le nombre de poussées tout en ciblant le processus inflammatoire chronique dans le contexte de la SP progressive. Parmi les traitements potentiels à l’étude figure une approche qui cible la tyrosine kinase de Bruton (ou BTK, de l’anglais Bruton’s Tyrosine Kinase), à savoir une enzyme clé présente dans divers types de cellules immunitaires associés au déclenchement de la SP et aux processus sous-jacents à cette maladie, tels les lymphocytes B et les cellules myéloïdes. Plusieurs inhibiteurs de la BTK font l’objet d’essais cliniques de dernière phase et sont mis à l’essai auprès de personnes atteintes de SP cyclique, de SP progressive primaire ou de SP progressive secondaire sans poussées (cliquez ici pour en savoir plus sur ces essais cliniques). Voici quelques-uns des inhibiteurs de la BTK faisant actuellement l’objet d’études : 

  • Évobrutinib – essais cliniques de phase III auprès de personnes atteintes de SP cyclique (essai EVOLUTION). 

  • Tolébrutinib – essais cliniques de phase III auprès de personnes atteintes de SP cyclique (essai GEMINI), de SP progressive primaire (essai PERSEUS), ou de SP progressive secondaire sans poussées (essai HERCULES). 

  • Fénébrutinib – essais cliniques de phase III auprès de personnes atteintes de SP cyclique (essais FENhance 1 et 2) ou de SP progressive primaire (essai FENtrepid). 

  • Rémibrutinib – essais cliniques de phase III auprès de personnes atteintes de SP cyclique (essai REMODEL). 

Les résultats de l’essai clinique de phase II consacré au fénébrutinib ont été exposés lors du congrès. Dans le cadre de cette étude, 106 participantes et participants atteints de SP cyclique ont pris soit du fénébrutinib ou un placebo (substance inactive). Les scientifiques qui menaient cette étude ont constaté que ce médicament a réduit de 90 p. 100 le nombre de lésions mises en évidence au moyen du gadolinium et de 95 p. 100 le nombre de nouvelles lésions et de lésions ayant augmenté de volume en T2 dans le cerveau des personnes atteintes de SP cyclique. Les résultats de cette étude sont encourageants et indiquent que le fénébrutinib peut pénétrer dans le système nerveux central et qu’il pourrait cibler l’activité de la maladie dans le contexte de la SP. Les résultats des essais cliniques de phase III consacrés aux inhibiteurs de la BTK sont attendus, car ils aideront le milieu de la recherche à déterminer l’efficacité de ces derniers quant au traitement de la SP, que celle-ci soit en phase active ou inactive. 


Compréhension des signes et symptômes avant-coureurs de la SP  

Des données récentes permettent de croire qu’il existe une phase prodromique de la SP – soit une phase caractérisée par la survenue de signes et de symptômes avant-coureurs qui s’observent avant qu’apparaissent des symptômes cliniques de SP et qu’on puisse diagnostiquer cette affection. Le fait de comprendre la phase la plus précoce de la SP favorisera le dépistage précoce et la prévention des symptômes de SP (cliquez ici pour en savoir plus). 

  • Ali Manouchehrinia, Ph. D. (Institut Karolinska), a cherché à établir s’il était possible de relever, au sein d’une population en Suède, des profils significatifs en matière de congés de maladie au cours des dix années précédant un diagnostic de SP. Après avoir pris en considération 10 000 cas de SP et les données relatives à 50 000 personnes exemptes de cette maladie, le chercheur a constaté que les gens ayant reçu un diagnostic de SP présentaient des taux d’absence pour maladie en constante augmentation avant l’apparition de la SP comparativement aux personnes qui n’étaient pas atteintes de cette maladie. Il a aussi noté que les congés de maladie culminaient durant l’année précédant la survenue de la SP. Il importe donc de poursuivre la recherche afin qu’on puisse comprendre les causes de ces congés et, ainsi, en savoir plus sur la phase prodromique de la SP. 

Incidence de la génétique sur la progression de la SP   

Saviez-vous que plus de 200 variants génétiques sont associés à un risque accru de SP? Récemment, les travaux menés par un consortium international de scientifiques ont permis de cerner un nouveau variant génétique (baptisé rs10191329) qui augmente le risque pour les personnes atteintes de SP de voir s’aggraver presque quatre ans plus tôt leur degré d’incapacité – soit de mettre moins de temps à atteindre un score de 6 à l’échelle échelle élaborée d’incapacité de Kurtske (échelle EDSS, de l’anglais expanded disability status scale) (cliquez ici pour en savoir plus). 

  • La Dre Christiane Gasperi (Université technique de Munich) a présenté les résultats d’une étude portant sur l’association du variant génétique rs10191329 avec un risque accru d’aggravation de la SP – l’objectif de la chercheuse et de son équipe étant de mieux comprendre le rôle de ce variant dans la progression de l’incapacité. Dans le cadre de leurs travaux menés auprès de 1 000 personnes de l’Allemagne ou de la Suède vivant avec une forme cyclique de SP, les scientifiques ont constaté que le variant rs10191329 était associé à une atrophie du cerveau, laquelle constitue un marqueur de la progression de la SP. Cette étude milite en faveur des résultats de recherche obtenus par le passé relativement à ce variant et nous permet d’en savoir plus sur la façon dont la génétique peut influer sur les effets à long terme de la SP. 


Renforcement du bien-être    

Le déclin cognitif est considéré comme un symptôme « invisible » de la SP. Il touche jusqu’à 70 p. 100 des personnes atteintes de SP progressive et peut avoir des répercussions négatives sur leurs relations interpersonnelles, leur capacité à occuper un emploi et leurs activités quotidiennes (cliquez ici pour en savoir plus).  

  • Le Dr Anthony Feinstein (Université de Toronto) a présenté les résultats d’un essai clinique international – financé par SP Canada – mené sur des interventions destinées à améliorer la fonction cognitive chez des personnes atteintes de SP progressive. L’essai CogEx consistait à déterminer si la réadaptation cognitive, les exercices aérobiques ou l’association de ces deux types d’intervention permettraient l’amélioration des fonctions cognitives chez des personnes atteintes de SP progressive. En tout, 311 personnes ont pris part à cette étude et se sont vu attribuer l’un des quatre plans de traitement suivants, lesquels devaient être suivis durant douze semaines :  

    • (1) réadaptation cognitive et exercice aérobique; 

    • (2) réadaptation cognitive et exercice factice (exercices légers d’étirement et exercices d’équilibre);  

    • (3) exercice aérobique et tâche cognitive factice (entraînement sur l’ordinateur, par Internet);  

    • (4) tâche cognitive factice (entraînement sur l’ordinateur, par Internet) et exercice factice (exercices légers d’étirement et exercices d’équilibre).  

  • Les scientifiques ont évalué les fonctions cognitives des sujets en mesurant la vitesse de traitement de l’information de ceux-ci au moyen du test de substitution SMDT (de l’anglais Symbol Digit Modalities Test). À l’issue de leurs travaux, ils ont constaté que l’association de la réadaptation cognitive et d’un programme d’exercice de type aérobique n’avait pas apporté davantage de bienfaits sur le plan cognitif que l’une ou l’autre de ces interventions utilisée seule, et que ces interventions n’avaient pas apporté des bienfaits supérieurs à ceux que pouvaient produire des activités factices. Deux tiers des participants et participantes, tous groupes confondus, ont présenté des améliorations significatives relativement à la vitesse de traitement de l’information après 12 semaines, et près de 50 p. 100 d’entre eux ont maintenu ces résultats 6 mois après l’intervention. Les résultats de cette étude démontrent que l’amélioration des fonctions cognitives s’avère possible chez les personnes atteintes de SP progressive, ce qu’on ignorait auparavant (cliquez ici pour en savoir plus). Il faut poursuivre les travaux de recherche en la matière afin de déterminer quelles seraient les approches les plus efficaces quant à l’amélioration de la fonction cognitive et quel serait le profil des personnes chez qui ces interventions auraient le plus d’effet. 


Biomarqueurs de la SP 

Les biomarqueurs sont des facteurs biologiques présents dans l’organisme (p. ex. le cerveau ou le sang) qui peuvent s’avérer utiles quant au diagnostic et à la prise en charge des maladies. La chaîne légère des neurofilaments (ou protéine NfL, de l’anglais neurofilament light chain) et la protéine acide fibrillaire gliale (ou protéine GFAP, de l’anglais glial fibrillary acidic protein) constituent deux nouveaux biomarqueurs sanguins qui font l’objet de travaux de recherche en lien avec la SP (cliquez ici pour en savoir plus).  

  • Le Dr Elias Sotirchos (Université Johns Hopkins) s’est penché sur le biomarqueur NfL chez 7 000 personnes atteintes de SP pendant une période de trois ans. Lui et son équipe ont découvert que les personnes dont les taux de protéine NfL étaient élevés au début de l’étude ont présenté une atrophie du cerveau plus rapidement que les sujets chez qui les taux de protéine NfL étaient normaux. Parmi les personnes ayant un taux de NfL constamment élevé, les scientifiques ont constaté que le processus d’atrophie cérébrale se déroulait trois fois plus rapidement comparativement aux témoins en santé. Ils ont également observé une baisse de la vitesse de traitement de l’information et de la vitesse à la marche chez ces personnes. Les résultats des travaux de cette équipe de recherche ont révélé que la protéine NfL pourrait être un biomarqueur utile en matière de prise en charge de la SP. D’autres travaux de recherche démontreront l’utilité du recours à de nouveaux biomarqueurs dans le cadre de la pratique clinique usuelle. 


Ressources supplémentaires 

Le présent article ne traite que de quelques-unes des avancées de la recherche sur la SP dont il a été question lors de ce congrès annuel. Si vous désirez en savoir plus, vous pouvez lire tous les résumés de travaux de recherche soumis dans le cadre de ce congrès en consultant la revue Multiple Sclerosis Journal

Pour connaître les faits saillants des trois journées du congrès de l’ECTRIMS-ACTRIMS 2023, veuillez écouter le balado de l’ECTRIMS.  

Pour obtenir un aperçu des sujets de recherche clés abordés durant le congrès de l’ECTRIMS-ACTRIMS 2023, écoutez l’épisode 320 du balado « RealTalk MS » de Jon Strum, daté du 17 octobre 2023 – « From ECTRIMS-ACTRIMS 2023 with Bonnie Higgins and Dr. Tim Coetzee ».